Dans l'entretien qui suit, le professeur Ziri, directeur de la santé et de la population de la wilaya de Tizi-Ouzou, fait une présentation succincte et détaillée du secteur qu'il dirige depuis un peu plus de deux ans. Au soutien de son argumentaire et de son bilan, il invite à l'analyse des ratios et des chiffres qu'il n'hésite pas à qualifier d'optimistes et de «hautement positifs». Le Soir d'Algérie : Pour commencer cet entretien, que peut-on dire sur le dispositif sanitaire dans la wilaya ? Pr Ziri Abbès : La couverture sanitaire dans la wilaya s'articule autour d'un schéma d'organisation et d'un ensemble étoffé d'établissements hospitaliers et de structures d'accompagnement dont la répartition vise à un maillage du territoire de la wilaya. Considéré comme le vaisseau amiral de ce dispositif, le CHU est constitué de deux unités hospitalières comportant 1013 lits et d'une clinique dentaire hospitalo-universitaire. On dénombre aussi 3 établissements hospitaliers spécialisés (EHS) dotés d'un plateau technique dans les spécialités suivantes : gynécologie obstétrique à Tizi-Ouzou (82 lits), psychiatrie à Oued Aïssi (330 lits), chirurgie cardiaque à Draâ Ben Khedda (80 lits). Il faut ajouter à cette liste d'établissements spécialisés, le Centre de lutte anti-cancer de Draâ Ben Khedda dont la réception interviendra sous peu. La wilaya compte 7 établissements publics hospitaliers (EPH) (Aïn El Hammam, 226 lits, Azazga, 272 lits, Azeffoun, 102 lits, Boghni, 120 lits, Draâ El-Mizan, 154 lits, Larbaâ Nath Irathen, 156 lits, Tigzirt, 110 lits), ce qui nous donne un total de 1 124 lits. Les structures hospitalières totalisent une capacité d'hospitalisation de 2745 lits. En matière de prise en charge spécifique, le secteur dispose de cinq services d'hémodialyse, pour 87 générateurs de dialyse. En matière de prestations hospitalières de proximité, 8 EPSP (Etablissements publics hospitaliers de proximité) viennent en appoint des établissements généraux de proximité et recèlent : 59 polycliniques, 16 maternités pour 158 lits, 26 services d'urgence H24 pour 180 lits d'observation. A cela s'ajoutent 8 centres intermédiaires de santé mentale (CISM), 7 UCTMR, 42 UDS. En matière de formation, le secteur dispose de 2 instituts de formation, l'un à Aïn El-Hammam (Ecole de formation paramédicale) et l'autre à Tizi-Ouzou (Institut national de formation supérieure des sages-femmes) pour 560 lits pédagogiques et 400 places d'internat. A la faveur de l'investissement du privé dans le secteur de la santé, on retiendra sa participation avec un dispositif constitué de 19 établissements hospitaliers privés (EHP) : 16 établissements hospitaliers privés à Tizi-Ouzou-ville, trois cliniques, respectivement à Draâ Ben Khedda, Mekla et Boghni. 5 centres d'hémodialyse sont détenus par le secteur privé dont 3 sont positionnés à Tizi-Ouzou-ville, un à Azazga et un autre à Mekla. L'ensemble de ces centres totalisent 100 postes de dialyse. 4 cliniques ambulatoires en ORL et ophtalmologie ont été ouvertes par des praticiens privés : trois à Tizi-Ouzou-Ville et une autre à Boghni-Centre. La wilaya de Tizi-Ouzou recèle un énorme potentiel en ressource humaine entre médecins spécialistes et généralistes répartis entre les secteurs privé et public, pour un total de 720 médecins généralistes exerçant dans le secteur public et 226 dans le privé, 314 pharmaciens dont 282 privés. Les praticiens spécialistes sont au nombre de 1581 dont 660 sont installés dans le privé, 924 sont des pharmaciens et 824 des chirurgiens dentistes. A ce nombre s'ajoutent 4133 paramédicaux qui sont 3 933 à travailler dans le secteur public. L'analyse des ratios et des indicateurs de santé montrent que notre wilaya occupe une bonne place en matière de couverture sanitaire de wilaya, comparativement à d'autres, mais on constate aussi une concentration des moyens au niveau du chef-lieu de wilaya ; ce qui induit un écart et un déséquilibre en offre de soins entre les différents bassins de population de la wilaya... La carte sanitaire en matière d'infrastructures a été élaborée et réfléchie de manière à permettre un maillage de l'ensemble des bassins de population de la wilaya dans l'objectif d'une couverture homogène des besoins exprimés en matière de santé. Ce dispositif infrastructurel est organisé selon le principe de la hiérarchisation et par pallier de prise en charge sous forme pyramidal se déclinant en salles de soins, polycliniques – hôpital général — CHU, EHS —, principe consacré par le système national de santé. La wilaya de Tizi-Ouzou a bénéficié de nouveaux projets. Certains sont en réalisation mais attendent leur livraison ; d'autres sont tous inscrits à l'indicatif de la wilaya mais leur financement est tout simplement gelé... Trois hôpitaux d'une capacité chacun de 60 lits sont déjà lancés en réalisation et équipements. Il s'agit de l'hôpital de Ouadhias, dont la livraison est prévue à la fin de l'année en cours. Actuellement la DSP s'attelle a mettre en place son processus d'équipements. Les projets d'hôpitaux affectés aux daïras de Bouzeguène et Aïn El-Hammam sont actuellement en réalisation par l'entreprise nationale Cosider. Ces infrastructures, une fois en exploitation, viendraient consolider davantage la carte sanitaire de la wilaya, notamment à Bouzeguène qui compte un bassin de population conséquent. Il en est de même pour Aïn El-Hammam dont le nouvel EPH viendra suppléer l'actuel construit au début du siècle dernier et plus que centenaire. Il y a lieu de retenir également le lancement en réalisation avant la fin de l'année en cours du projet d'hôpital 60 lits à Maâtkas. La livraison du programme en cours inscrit dans le programme d'investissement planifié à l'indicatif du secteur de la santé dans la wilaya impliquera incontestablement un meilleur accès aux soins hospitaliers et apportera assurément une plus-value en termes de prestations de santé. Le secteur de la santé dans notre wilaya bénéficiera d'un apport de l'ordre de 240 lits supplémentaires qui seront versés aux stocks actuels, ce qui relèvera significativement le ratio de couverture en termes de lits/population. Le potentiel infrastructurel du secteur sera également renforcé cette année par la livraison et la mise en exploitation de deux grosses polycliniques, l'une à Redjaouna, l'autre à Tamda, avec comme impact direct un paquet de soins de proximité de nature à répondre aux besoins de santé de base des populations locales. Qu'en est-il de l'hôpital des maladies cancéreuses et de celui de la chirurgie cardiaque de Draâ Ben Khedda ? L'Etablissement hospitalier spécialisé en cardiologie et chirurgie cardiaque Yacef-Omar Draâ Ben Khedda, d'une capacité de 80 lits, est implanté sur le territoire de Draâ Ben Khedda. Créé par décret exécutif n°11-128 du 22 mars 2011 complétant la liste des établissements hospitaliers spécialisés, annexé au décret exécutif 97-465 du 2 décembre 1997 fixant les règles de création d'organisation et de fonctionnement des établissements hospitaliers spécialisées, il a été inauguré et mis en service le 18/02/2014. Il est à vocation nationale et assure la couverture sanitaire dans sa spécialité à travers les différentes wilayas du territoire national. Il recèle un plateau technique de dernière génération et répond à l'objectif majeur et stratégique qui est la prise en charge des soins hautement spécialisés, notamment les affections et pathologies relevant de la cardiologie et de la chirurgie cardiaque. L'autre projet phare du secteur dans la wilaya est le Centre anti-cancer de Draâ Ben Kheda inscrit dans le cadre du plan national anti-cancer et du programme médical qui lui est assigné. Il est destiné à répondre à la progression de l'incidence et la prévalence du cancer dans notre région. Conçu selon une approche architecturale moderne, il est considéré comme bâtiment intelligent mettant en évidence sa relation de l'engineering hospitalière et est équipé de lots techniques (traitement d'air — détection incendie – désenfumage – groupe d'eau glacée – AGBT –TGBT – traitement des effluents biologiques et radiologiques en aval). Dans le cadre de la mise en service du projet, et en accord avec l'administration centrale, il a été arrêté d'approcher sa mise en exploitation en deux temps, d'une façon graduelle et progressive. Cinq services jugés prioritaires ont été ciblés au titre de la première phase : le service de radiothérapie ; le service de curiethérapie ; le service de consultation externe ; le service d'oncologie – hôpital du jour (HDJ-enfants, adultes) ; le laboratoire d'urgence – CTS et l'unité centrale de chimiothérapie. Il s'agit d'une approche qui consiste à démarrer l'activité du CLCC, notamment en ce qui concerne la radiothérapie, service stratégique doté de trois accélérateurs linéaires (2 Infinity, 1 Versa HD de dernière génération, 1 scanner de simulation). Maillon manquant dans le processus de traitement des pathologies liées au cancer dans notre wilaya, pour étendre l'ouverture du Centre à l'ensemble des activités à échéance de février 2020, correspondant aux délais contractuels de livraison du projet dans sa totalité. Le processus d'équipement de l'ouvrage est enclenché. Une première autorisation de programme (AP) de 400 000 000,00 DA inscrite sur PSD a été totalement consommée et orientée vers l'équipement des 5 services prioritaires, précédemment cités. Une réévaluation de l'opération d'équipement à hauteur de 1 100 000 000,00 DA a été accordée destinée à l'équipement de l'ensemble de l'ouvrage dont le cahier des charges est déposé auprès de la commission sectorielle des marchés. L'Etablissement a été créé en vertu du décret exécutif n°19-142 du 29 avril 2019 l'érigeant en centre de lutte contre le cancer avec statut d'établissement hospitalier spécialisé (EHS). Un chef de projet a été dûment désigné par l'administration centrale et M. le ministre a procédé, conformément à l'arrêté n°39 du 2 juin 2019, à la création des services et de leurs unités constitutives au sein du CLCC de Draâ Ben Khedda, portant sur 11 services et 34 unités. En matière d'encadrement médical des activités du centre, sur 54 postes ouverts dans le cadre du service civil, 37 praticiens médicaux spécialistes ont déposé leurs dossiers et une trentaine d'assistants dans les différentes disciplines médicales et chirurgicales sont installés et sont opérationnels. 150 paramédicaux dans les différentes options et filières y sont affectés et 9 physiciens médicaux sont actuellement en poste au sein du service de radiothérapie. Depuis l'ouverture partielle du Centre et le début de l'activité de radiothérapie le 29 janvier 2019, ce service a eu à comptabiliser le bilan suivant : consultants : 960, protocole de radiothérapie : 134 malades/jour. L'activité de radiothérapie porte sur des protocoles de : 25 séances, 28 séances, 33 séances et 37 séances. Les affections prises en charge dans cette étape intermédiaire concernent les pathologies pelviennes (uro-génitales et gynécologiques), les pathologies thoraciques. De même que l'activité de RCC (Radiothérapie – chimiothérapie concomitante) opérationnelle au niveau de l'unité de curiethérapie. En plus du traitement curatif, le service dispense également des séances d'urgences dans le cadre du palliatif. Pour garantir un meilleur accès aux malades et raccourcir les délais d'attente, la DSP a initié, en collaboration avec le service, une troisième séance de nuit s'étalant de 19h à minuit. La Direction de la santé et de la population, en relation avec les équipes du Centre, s'organisent présentement pour atteindre l'objectif majeur à très court terme d'une prise en charge de 150 malades/jour en radiothérapie, seuil maximal du rendement des équipements de radiothérapie (accélérateurs linéaires). Le manque d'effectifs et moyens dans les EPSP est souvent décrié par les usagers… Pour permettre au tissu infrastructurel extra-hospitalier de jouer pleinement son rôle de diffusion des soins de proximité, les moyens à mobiliser doivent être en adéquation avec ces objectifs. Si à travers les 59 polycliniques que compte la carte sanitaire de la wilaya, les paquets de soins disponibles sont normalisés, avec notamment les consultations médicales tous les jours, les soins infirmiers, parfois les urgences médicales en continu H/24 à travers 26 points d'urgences sont implantés au sein des polycliniques. Un plateau technique diagnostic, biologique et radiologique, les activités de protection maternelle et infantile, la maternité à travers 16 polycliniques. La couverture en termes de programmes nationaux de santé et on s'attelle à implanter même des consultations médicales de spécialité à travers les polycliniques des chefs-lieux de commune. Parallèlement, il n'en demeure pas moins que des difficultés sont à relever et des contraintes sont posées avec acuité pour la médicalisation des 295 salles de soins que compte le secteur, disséminées à travers les villages et grappes de villages de la wilaya. Ceci par manque de ressources humaines. Pour parer à cette difficulté, la DSP, en relation avec les EPSP, a opté pour un dispositif de médicalisation de ces structures par rotation hebdomadaire, en fonction de la densité de la population des villages et de leur implantation géo-sanitaire. A quand l'ouverture d'un hôpital spécialisé en autisme dans la wilaya, comme le demandent les associations et les parents des enfants autistes ? Aucune infrastructure hospitalière spécifiquement destinée à l'autisme n'est prévue présentement. Néanmoins, la prise en charge est consacrée notamment au sein des activités de l'EHS de Oued Aïssi où un encadrement est spécialement dédié à cette frange de la population. Le CHU connaît une grande tension sur les services des urgences de pédiatrie, malgré le fait que ces spécialités soient développées par les EPH et EPSP ? La DSP s'attelle à mettre en place un des fondements du système national de santé qui est la hiérarchisation dans la prise en charge des besoins de la population en matière de soins. L'ensemble des établissements hospitaliers en périphérie, au nombre de 7, dispose des plateaux techniques dispensant une offre de soins notamment dans les spécialités de base (chirurgie générale – gynécologie — obstétrique – pédiatrie – médecine interne…). Ces EPH constituent une ceinture dans la prise en charge pour le palier dépassant le cadre des EPSP dont le dispositif infrastructurel est parsemé à travers les différents bassins de population de la wilaya destinés précisément à répondre aux besoins de santé de base et de proximité ainsi que les urgences médicales ambulatoires dont 26 services sont opérationnels au sein des polycliniques. Il peut se trouver que des EPH, par manque de médecins spécialistes dans certaines disciplines médicales ou chirurgicales, se voient contraints de recourir aux évacuations de malades. Il faut savoir que les médecins spécialistes en poste dans les établissements hospitaliers sont affectés par le ministère de la Santé dans le cadre du service civil. De même que cette situation peut trouver son explication dans le recours par le malade lui-même d'une manière spontanée à fréquenter le CHU par instinct de sécurité, s'agissant d'un établissement qui renferme toutes les spécialités, qui recèle des compétences médicales avérées et dotées d'un potentiel conséquent en termes d'équipements. Cette situation de pression que connaît le CHU est d'autant plus exacerbée et s'explique également en partie par l'absence au chef-lieu de wilaya, comme c'est le cas dans la plupart des wilayas, d'un EPH (Etablissement public hospitalier) qui constitue un filtre et une barrière par rapport au CHU qui se trouve ainsi réduit à un réceptacle et dévié de ses missions d'établissement de soins de haut niveau. Un dernier mot... Depuis ces deux dernières années notamment, le secteur de la santé connaît une dynamique de développement jamais égalée. La réception partielle du Centre anti-cancer, l'achèvement d'un hôpital à Ouadhias, le lancement de 2 autres hôpitaux en réalisation, Bouzeguène et Aïn El-Hammam, l'achèvement de la procédure pour lancer en réalisation l'hôpital 60 lits de Maâtkas et la dynamisation des chantiers de réalisation de 2 polycliniques, R'djaouna et Tamda, en voie d'achèvement. La wilaya de Tizi-Ouzou reste, compte tenu des indices de couverture tant en termes d'infrastructures que de ressources humaines, parmi les premières wilayas les plus médicalisées avec une percée considérable du secteur privé dans l'offre de soins qui occupe une place non négligeable en termes de prise en charge. La modernisation du secteur et l'amélioration des prestations constituent désormais notre challenge et hisser notre wilaya à une place de leader en matière de soins hautement spécialisés est notre objectif. Notre défi majeur est de faire aboutir le dégel de la réalisation du CHU 500 lits de Tizi-Ouzou pour lequel nous militons, projet porté par toute la population. A ce titre, une démarche a été initiée dans ce cadre auprès de l'administration centrale pour son inscription. Ce projet structurant constitue un objectif stratégique qui permettra d'asseoir une carte géo-sanitaire avec une projection d'avenir en matière de développement d'un schéma directeur de distribution de soins à l'échelon régional. S. A. M. Additif Ratios et indicateurs de couverture sanitaire En matière d'infrastructures : -2.31 lits pour 1000 habitants En rajoutant les capacités du secteur privé : -2.66 lits pour 1000 habitants En matière de ressources humaines : - 1 médecin spécialiste pour 1 655 h -1 médecin généraliste pour 300 h - 1 chirurgien dentiste pour 2 300 h - 1 paramédical pour 300 h En rajoutant les capacités du secteur privé : - 1 médecin spécialiste pour 1 570 h - 1 médecin généraliste pour 1 260 h - 1 chirurgien dentiste pour 1 440 h - 1 pharmacien pour 3 800 h - 1 paramédical pour 288 h Bilan succinct du secteur : Pour l'exercice 2018, on retiendra les activités essentielles suivantes : 1- Activités hospitalières : Nombre d'admissions : Le nombre de malades admis par les établissements de santé de la wilaya est de 56 714. 2- Activité d'urgence et de chirurgie : 13 351 actes chirurgicaux ont été effectués durant cette période. 3- Activités de chirurgie obstétrique : 9 572 accouchements normaux ont été pratiqués dont 4 106 par césarienne. Les soins à domicile : Le bilan des activités concernant l'ensemble des établissements de santé de proximité pour les premier et deuxième trimestres 2019 : - 2 175 sorties ont été effectuées par les EPSP ; - 13 communes ont été touchées par cette opération ; - 269 malades pris en charge régulièrement à domicile par les équipes des établissements de santé. Externalisation des consultations spécialisées : - Un total de 73 107 consultations spécialisées a été réalisé. - 233 médecins spécialistes participent et sont mobilisés au titre des consultations médicales à travers les différentes polycliniques pour un ensemble de 17 spécialités médicales et chirurgicales.