Les autorités de transition soudanaises ont dissous le parti du Président déchu Omar el-Béchir, suscitant vendredi les condamnations de la formation qui a dénoncé un gouvernement «illégal». Jeudi, le Conseil souverain et le gouvernement du Premier ministre Abdallah Hamdok ont adopté une loi selon laquelle «le Parti du Congrès national (NCP) est dissous» et tous ses biens sont confisqués, conformément aux revendications du mouvement de contestation qui a obtenu en avril la destitution d'Omar el-Béchir par l'armée. La loi interdit aux «symboles du régime ou du parti» de l'ancien Président de participer à la vie politique du pays pendant dix ans. Un comité devra être formé pour confisquer les biens du NCP, selon le texte intitulé «Démantèlement du régime du 30 juin 1989», date à laquelle Omar el-Béchir a pris le pouvoir par un coup d'Etat soutenu par les islamistes. Le NCP a accusé vendredi les autorités de transition de vouloir confisquer ses biens pour résoudre la crise économique, qui avait déclenché le mouvement de contestation en décembre 2018 et que le nouveau gouvernement, intronisé en septembre, n'a pas su résoudre, a-t-il affirmé. «L'idée de compter sur les biens du parti, si tant est qu'il y en ait, n'est rien d'autre qu'un scandale moral, une faillite intellectuelle et un échec total du gouvernement illégal», a écrit le NCP sur sa page Facebook. Le parti n'est «gêné par aucune loi ou décision prise contre lui puisque le NCP est un parti fort et ses idées l'emporteront», a-t-il affirmé. M. Béchir a dirigé le Soudan pendant 30 ans, à la tête d'un régime autoritaire régulièrement accusé de violations des droits humains. Destitué par l'armée le 11 avril après des mois d'une contestation populaire inédite, il est actuellement emprisonné à Khartoum et le verdict de son procès pour corruption est attendu le 14 décembre. Plusieurs autres membres de son gouvernement et des hauts responsables du NCP sont également détenus. Le Premier ministre a assuré sur Twitter que la loi ne constituait «pas une vengeance» contre le régime de Président déchu. «Il s'agit d'instaurer la justice et le respect pour la dignité du peuple qui a été oppressé» mais aussi de «recouvrer les richesses pillées», a-t-il déclaré. L'Association des professionnels soudanais (SPA), acteur majeur du soulèvement populaire, a salué la décision du gouvernement de transition. Il s'agit «d'un grand pas en avant vers les objectifs de la révolution et sur le chemin de la construction d'un Etat civil démocratique», a-t-elle estimé dans un communiqué. Jeudi, les autorités ont aussi officiellement abandonné une loi controversée sur l'ordre public qui avait fortement restreint les droits des femmes sous le pouvoir de M. Béchir. Des milliers de Soudanaises ont été flagellées, condamnées à des amendes et même emprisonnées, pour avoir assisté à des fêtes privées ou porté un pantalon, en vertu d'une application extrémiste de la loi islamique, selon les défenseurs des droits humains. Le nouveau gouvernement a promis qu'il défendrait les droits des femmes, à l'avant-garde des manifestations contre M. Béchir qui ont ensuite ciblé les militaires lui ayant succédé. Le Conseil souverain, formé de civils et de militaires, est chargé d'assurer la transition vers un régime civil, l'une des principales revendications des manifestants. Le gouvernement civil dirigé par M. Hamdok, un économiste, est chargé de la gestion quotidienne du pays et de s'atteler à résorber une crise économique abyssale.