Qui mieux que Abdelkrim Abidet, expert consultant international, chargé de la prévention de lutte antidrogue et président de l'organisation nationale de la sauvegarde de la jeunesse, pour parler de ce fléau, véritable calamité publique en Algérie notamment chez les jeunes. Avec ses quarante années de militantisme, d'expérience et son souci permanent de tenter d'endiguer, voire d'éradiquer le mal en question, Abdelkrim Abidet oriente sa louable action vers une dynamique qui se veut forte de sensibilisation, de mobilisation, de suivi et de prise en charge des jeunes en proie à cette «épidémie», fortement destructrice. Rencontré au niveau du Centre de lutte antidrogue, implanté à la forêt de Bouchaoui à Alger, Abdelkrim Abidet, psychothérapeute de renommée mondiale, a tenu à nous faire savoir qu'il est aujourd'hui, malgré certains sacrifices et contraintes, plus que décidé à faire front à la toxicomanie qui, selon ses dires, fait de réels ravages en Algérie. L'entretien mérite réellement le détour. Jugez-en. Le Soir d'Algérie : Combien y a-t-il de jeunes «toxicos» en Algérie ? Abdelkrim Abidet : Les statistiques connues jusque-là s'élèvent à 600 000 jeunes âgés de 6 à 35 ans dans les deux sexes qui sont identifiés. Le chiffre en question qui est déjà dramatique pourrait être revu à la hausse du fait que l'Algérie, qui était un pays de transit, est devenue un pays de jeunes consommateurs. Quel est le rôle exact de votre association ? Nous faisons de notre mieux pour aider les jeunes égarés ainsi que leurs parents pour ce qui est du dépistage précoce grâce à des tests techniques en l'espace de seulement 5 minutes, temps très court qui nous permet de déceler les différentes drogues consommées. Aussi, 15 ans après avoir réussi à créer le Centre antidrogue de Mohammadia (El- Harrach), où on s'occupait de la prévention et de la psychothérapie également pour des troubles psychologiques et échecs scolaires, nous sommes passés à un stade supérieur, car nous avons donné plus de portée à nos objectifs, compte tenu de la proportion atteinte par la toxicomanie en Algérie. Le premier centre référence de Bouchaoui (2) que vous avez inauguré en 2018 semble être pour vous un véritable outil de travail ultra-moderne. Quelles sont ses principales missions ? Ce centre qui se situe sur un site de la forêt de Bouchaoui est agréable où il fait réellement bon vivre. Il n'a pas les caractéristiques d'une clinique ou d'un hôpital, car nous jugeons que les jeunes toxicos ne sont pas des malades. Ils ont tout juste un sérieux vice qu'il faut combattre coûte que coûte, notamment lorsque ces jeunes expriment leur volonté de vouloir s'en sortir. Ces jeunes-là, nous les accueillons et les écoutons tout en les suivant et les prenant en charge, grâce à la naturothérapie, les bienfaits de la nature. Aussi, nous les faisons bénéficier d'un scanner pour leur nettoyer toutes les toxines du sang. Dans ce centre rendu possible grâce à l'aide conséquente du ministre de l'Agriculture, du directeur général des forêts et du président de l'APW d'Alger, nous assurons quotidiennement entre 40 et 50 consultations pour ce qui est des deux sexes. Notre centre flambant neuf est encadré par une équipe médico-pédagogique psychologique, sociologique, mais également d'éducateurs de quartiers. En quoi consiste le programme exactement ? Le programme en question comprend quatre axes principaux, qui sont : la mécanothérapie qui permet aux jeunes drogués de travailler avec un matériel spécifique. Il y a aussi l'hydrothérapie qui consiste en des massages avec de l'eau, la phytothérapie, à base de plantes aux vertus thérapeutiques, car au centre, on n'administre pas de médicaments. Le quatrième et dernier axe comprend l'activité sportive à l'intérieur même de la forêt de Bouchaoui. Combien dure la période de prise en charge et de désintoxication et qui peut en bénéficier ? «Trois mini-regroupements sont programmés sur le plan thérapeutique et non médical, faut-il préciser. Nous recevons des jeunes en difficulté des 48 wilayas. A titre expérimental, des groupes de 10 jeunes qui ont réussi leur sevrage sont retenus sous le régime internat durant 3 jours. Au Centre de Bouchaoui, où nous misons sur la communication sociale, une utile et nécessaire approche, nous avons pensé aux jeunes qui viennent des contrées les plus éloignées du pays. Nous les acceptons accompagnés de leurs parents, également pris en charge en matière d'hébergement. Cette méthode nous a permis d'atteindre jusque-là 100% de réussite. On croit savoir que vous avez lancé la clinique mobile. En quoi consiste le rôle de cette dernière ? C'est un bus aménagé, totalement équipé et qui assure la présence d'un médecin, d'un psychologue, d'un sociologue, qui quittent durant une journée le Centre de Bouchaoui en direction de certains quartiers populaires, pour assurer une réelle campagne d'information et de sensibilisation. La même équipe effectue également des sorties au niveau de certains CEM, lycées, voire cités universitaires. On vous laisse le soin de conclure. C'est aussi grâce aux précieux services du P-dg de Sonelgaz, du P-dg de Sonatrach, du ministre de l'Energie ainsi que du président de l'APW d'Alger qui a construit le centre de Bouchaoui, que ce dernier est devenu très vite opérationnel avec toute la dotation nécessaire. Aussi, je n'omettrai pas de remercier M. Zoheir Boudraâ, directeur des affaires religieuses à la Wilaya d'Alger qui nous a facilité la tâche, en nous autorisant à organiser des prêches au sein de certaines mosquées, visant à sensibiliser, de manière très porteuse, les jeunes quant aux ravages causés par la drogue et les luttes à mener pour la combattre à l'unisson, selon un programme non-stop jusqu'à l'éradication totale. Pour terminer, je tiens à lancer un appel solennel au président de la République Abdelmadjid Tebboune, l'invitant à visiter le Centre de Bouchaoui et d'accorder une attention toute particulière au combat contre la toxicomanie. Il se trouve, hélas, que le Centre de Bouchaoui ne peut suffire à lui seul ; les 55 centres existant à l'intérieur des hôpitaux ne peuvent jouer pleinement leur rôle, d'autant que les jeunes drogués refusent d'être suivis et pris en charge par l'hôpital. Entretien réalisé par Abdenour Belkheir