Algérie-France. Edouard Philippe prend langue avec Abdelaziz Djerad. Et voilà ! ça reprend, les cochonneries ! La maman adorait fabriquer elle-même ses plaids. Aujourd'hui, on les achète déjà faits. Elle aurait ri de cette «avancée», de ce progrès dans le secteur stratégique du plaid et de la couverture. «Sacrilèèèèèèèège !» aurait-elle sûrement lancé. Non ! Chez elle, dans sa logique plaidienne, ce bout de tissu, il fallait le faire soi-même. Guidés et totalement habités par cette philosophie, les plaids de la maman ressemblaient à des puzzles inextricables. Faits de bouts d'étoffes aux couleurs disparates, bigarrées, jurant et criant au diable, mais dont elle était fière une fois la dernière couture serrée. Elle se lovait dans ses plaids, y fourrait ses pieds, comme une belle nique au froid et aux rhumatismes. Mais les plaids de la Mar'houma ne passaient jamais l'hiver. Les premiers rayons du printemps dardant péniblement d'entre les derniers nuages paresseux, elle décousait ses plaids, dans un cérémonial quasi funéraire, en rangeait les bouts soigneusement dans un coin de la commode du salon, et réfléchissait déjà aux plaids-puzzles à confectionner dès l'hiver prochain. Pourquoi je vous tanne le cuir et le reste avec mes histoires de plaids et de maman ? Peut-être parce qu'elle nous a quittés un mois de janvier. Ou plus sûrement parce que je lis et relis la liste du gouvernement Djerad et que plus je lis, plus se réfléchissent dans mes yeux les couleurs vives, disparates et joyeusement inconciliables des plaids de ma défunte mère. Farandole endiablée, mariage des tons incongru et promesse d'éphémère cohabitation. Je vous ai dit qu'en plus de coudre des bouts de tissus, ma maman était aussi un brin enquiquineuse ? Non ? Ben, je vous le dis ! Elle aurait été là, aujourd'hui encore, elle aurait sûrement levé un moment ses yeux de son ouvrage en cours, réajusté ses lunettes et lancé : «5 femmes sur 39 maroquins ministériels, c'est ça la 2e République ?». Ya Yemma, wallah que je donne ma langue à ton… plaid ! Tout en fumant du thé pour rester éveillé à ce cauchemar qui continue. H. L.