Le climat des affaires, là où l'Algérie ne recueille pas les faveurs ni des opérateurs économiques locaux ni des organisations et institutions qu'elles soient d'ici ou d'ailleurs, constitue, à n'en pas douter, une des clés de voûte du renouveau économique du pays. Une œuvre de longue haleine tant le climat des affaires appelle la réforme de pratiquement tous les domaines d'activité, ce à quoi veut s'atteler le programme de travail du gouvernement Djerad. En matière de renouveau économique, il est dit dans le programme du gouvernement, qui sera soumis à partir de ce matin aux élus de l'APN, que les nouvelles autorités du pays travailleront pour «une amélioration substantielle» du climat des affaires. Il faudrait savoir, en effet, que l'Algérie n'est pas le pays le plus indiqué pour faire des affaires, du moins pas dans les règles permises, si l'on doit se fier aux rapports cycliques produits par exemple par le think tank algérien Care (Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise) ou, surtout, le rapport annuel Doing Business de la Banque mondiale, créer et entretenir une entreprise n'est pas du tout évident. Ainsi, le dernier rapport de l'institution internationale, publié en octobre de l'année dernière, établissait que si l'année d'avant, c'est-à-dire en 2018, l'Algérie avait réussi à gagner quelques places parmi les plus mauvais élèves du monde pour améliorer son classement, en passant au rang de 157e économie sur les 190 étudiées par l'armada d'experts de la Banque mondiale, pour le classement de 2019, en revanche, il a été établi que l'Algérie n'a rien entrepris pour favoriser le climat pour qui veut se lancer dans l'entreprenariat au moment même où les économies de la région à laquelle appartient l'Algérie, Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, comptent parmi celles qui ont le plus accéléré les réformes en faveur du climat des affaires, pays qui ont, en effet, mis en œuvre un nombre record de réformes pour améliorer le cadre d'activité de leurs petites et moyennes entreprises, révélait le rapport Selon les experts de la Banque mondiale, au cours de la période de douze mois se terminant le 1er mai dernier 2019, c'est-à-dire la période entre les deux classements annuels, les économies de la région Mena ont engagé 57 réformes dans le but d'améliorer la réglementation des affaires, contre 43 durant l'année 2018. Au total, 13 pays sur 20 ont procédé à des réformes, et l'Algérie, au grand désappointement de ses porteurs de projets économiques, n'a rien entrepris pour améliorer en rien les conditions et pour la création et pour l'évolution des entreprises, malgré les appels des entrepreneurs eux-mêmes et des spécialistes de la question qui, depuis de longues années, attirent l'attention des pouvoirs publics sur les affres qu'endure quiconque espère lancer une affaire dans le pays. Afin d'établir son rapport, la Banque mondiale se fonde sur une dizaine de critères qui vont du « démarrage d'une entreprise» à «l'exécution des contrats» en passant par «la délivrance de permis de construire» et «le raccordement au réseau électrique» ou encore «l'obtention de crédits» et «le paiement des impôts», c'est-à-dire là où le gouvernement Djerad entend engager des réformes à travers le plan d'action qui sera présenté à partir d'aujourd'hui devant les députés. Un plan d'action qui ambitionne de réformer en profondeur le système financier national dans un contexte particulier caractérisé, selon le gouvernement, par la fragilisation des équilibres budgétaires et de trésorerie, en raison d'un net recul des recettes fiscales, dû principalement à la chute tendancielle des cours pétroliers, la régression de la fiscalité pétrolière dont les recettes sont passées de 4054,349 milliards de DA en 2012 à 2 666,9 milliards de DA en 2019, la faiblesse du niveau de la fiscalité ordinaire qui peine à couvrir le budget de fonctionnement de l'Etat, la contraction des capacités financières du pays face à une demande interne croissante aussi bien en matière d'investissement que de consommation, un réseau bancaire public peu performant, qui représente 90% des actifs bancaires, orienté vers le financement des infrastructures, pour l'essentiel issues de la commande publique, l'interventionnisme de l'Etat en faveur des entreprises publiques défaillantes, l'absence d'indications précises sur le coût budgétaire implicite engendré par les multiples mesures incitatives accordées. «Partant, la réforme projetée portera sur l'application des principes de bonne gouvernance fiscale, budgétaire et financière et reposera sur la gestion par la performance, la modernisation et l'informatisation des services, la transparence et la maîtrise des risques, qui constitueront la pierre angulaire du système financier national», juge le gouvernement dans la présentation de son plan de réformes. A ce titre, la réforme fiscale s'avère comme un socle sur lequel repose une bonne partie de l'amélioration du climat économique du pays. «Une nouvelle politique fiscale à court, moyen et long terme sera mise en œuvre par le gouvernement visant à garantir la compétitivité de l'économie nationale, le financement adéquat de l'action publique et la justice sociale et veillera, sur un autre plan, à assurer une meilleure cohérence et prévisibilité de notre système fiscal ; l'objectif étant l'augmentation des recettes fiscales à travers l'expansion de l'activité économique et non par la hausse du niveau des impôts», est-il affirmé dans la présentation du programme par lequel il est, entre autres objectifs, espéré «améliorer la compétitivité et l'attraction de l'économie algérienne aux investissements directs étrangers (IDE)». A ce propos, il est affirmé dans le document de présentation du plan de travail que le gouvernement prendra une série de mesures destinées à rassurer les investisseurs étrangers potentiels. Pour ce faire, est-il affirmé, de nouvelles règles de gouvernance seront introduites dans tous les secteurs de l'économie et seront basées sur, d'abord, la mise en place d'une procédure claire et transparente sur le transfert des dividendes conforme aux principes et aux règles internationales, la modernisation du régime fiscal de la propriété intellectuelle, la modernisation du régime applicable aux relations entreprise mère-filiales, et enfin, la stabilité du dispositif juridique régissant le régime fiscal appliqué à l'investissement. Concernant la fiscalité directe, le gouvernement instaurera une procédure uniforme en matière de décisions fiscales dans un but de transparence, de cohérence et de sécurité juridique pour les opérateurs. Aussi, la simplification du système fiscal qui sera au cœur de la réforme envisagée se traduira, à court terme, par la suppression des taxes à faible rendement, d'une part et, d'autre part, la révision du système des avantages fiscaux et parafiscaux ayant engendré, par le passé, de graves dérives. Le climat des affaires en Algérie, qui tendait depuis des années à repousser toute initiative des porteurs de capitaux à investir, a donc fini par interpeller au plus haut point et, si l'on doit se fier à son plan de travail qui doit recevoir l'aval des députés, le gouvernement s'est engagé, désormais, à rénover et stabiliser le cadre juridique de l'investissement afin d'encourager l'acte d'investir et attirer davantage les IDE. Il œuvrera également à «mettre fin aux entraves et pesanteurs bureaucratiques qui persistent sur le terrain au détriment de la dynamique de l'investissement, en développant les processus de contrôle a posteriori, simplifier et réduire le champ des autorisations liées à l'investissement en définissant dans la transparence les critères d'éligibilité aux avantages des projets d'investissement, évaluer les différents avantages édictés par le code des investissements et veiller à s'assurer que la charge fiscale supportée par l'Etat se traduise par un développement socio-économique, une création d'emplois, des recettes fiscales additionnelles et une participation au redressement de la balance des paiements, mettre en place une grille d'évaluation et de modulation des avantages accordés aux projets d'investissement, maintenir les régimes préférentiels d'encouragement à l'investissement prévus au bénéfice des projets qui seront réalisés dans les wilayas des Hauts-Plateaux et du Sud». Une œuvre de longue haleine s'il en est, donc, mais qui requiert comme condition sine qua non, pour arriver à ses fins, un climat politique et institutionnel autrement moins trouble qu'il l'est en ce moment, même si une élection présidentielle a eu lieu et un nouvel exécutif a été chargé de prendre en main le destin immédiat du pays. Azedine Maktour