Les walis et chefs de daïra disposent d'un délai d'une année pour rendre des comptes au président de la République. Ils sont tenus de mettre à exécution le programme du gouvernement mais surtout de mettre un terme aux inégalités régionales jugées inacceptables par le président de la République. Dans trois mois, une première évaluation des actions menées sera faite. En présidant la réunion gouvernement-walis, Tebboune a demandé à ces derniers de rompre définitivement avec les pratiques ayant donné naissance à la corruption et à la dilapidation des deniers publics. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Mettre en œuvre un nouveau mode de gestion et de gouvernance au niveau local. C'est le challenge que seront tenus de relever les walis réunis hier à Alger. Ils ont été mis face à leurs responsabilités pour la mise en œuvre du plan d'action du gouvernement et disposent d'un délai d'une année pour en concrétiser les grands axes. Le président de la République dit en attendre un premier bilan dans trois mois. Abdelmadjid Tebboune, qui présidait la rencontre gouvernement-walis, a reconnu que le modèle actuel de gouvernance avait montré ses limites et exigé qu'un modèle propre à l'Algérie soit imaginé et non importé. Une rencontre qui, rappelle Tebboune, intervient alors que le mouvement populaire s'apprête à boucler sa première année, date à laquelle, dit-il, les Algériens ont dit « non à une aventure qui aurait pu emporter le pays ». Le changement réclamé par la rue, exige Tebboune, doit impérativement se traduire au niveau local notamment grâce à une rupture totale avec des pratiques devenues monnaie courante à l'image de la corruption, de la dilapidation de l'argent public et du despotisme. S'adressant directement aux walis, Tebboune, leur a demandé d'accentuer les sorties dans les régions les plus reculées et de veiller à éviter de mobiliser pour leurs sorties les très folkloriques et interminables cortèges. Il leur est également demandé de privilégier les projets qui améliorent le quotidien des citoyens plutôt que de refaire les trottoirs tous les six mois en octroyant des marchés de manière souvent douteuse et sans aucun contrôle technique, nécessitant très souvent des travaux supplémentaires. Un gaspillage auquel Tebboune demande de mettre un terme très vite. Premier chantier sur lequel sont attendus les responsables au niveau local, la réduction des disparités régionales. Plus question, assène le président de la République, d'accepter l'existence de citoyens de première et de seconde zone, d'autant que la question du financement ne se pose pas. « Il y a de l'argent », assure-t-il, considérant que les zones d'ombre dans lesquelles les citoyens vivent dans des conditions similaires à avant 1962 sont inacceptables. L'Algérie, dit-il, a les moyens d'y mettre fin sans, ajoute-t-il, viser à transformer les zones rurales en villes mais en y améliorant les conditions de vie et en y garantissant un minimum de services. Le fonds dédié aux communes vient d'ailleurs d'être doté d'un budget de 40 milliards de dinars en décembre, puis la même somme y a été injectée en attendant une enveloppe de 100 milliards en avril prochain. Tebboune avertit, cependant : inutile de berner les citoyens avec de fausses promesses. Ils s'agit surtout d'identifier les projets devant permettre d'améliorer le quotidien tout en faisant de la place à la société civile, en encourageant la compétence plutôt que l'allégeance mais surtout en mettant un terme aux pots-de-vin et au trafic d'influence. Tout en réfléchissant à une plus grande décentralisation via des mesures fiscales qui resteront à définir, Tebboune a fait part d'une réflexion pour la mise en place d'une loi-cadre devant permettre de sévèrement punir toute personne ayant eu recours à la falsification de documents en vue d'obtenir d'indus avantages. Révision de la constitution «Aucune limite» Aucune limite n'a été fixée au comité d'experts chargé de proposer une nouvelle mouture de la Constitution. Abdelmadjid Tebboune affirme qu'en recevant récemment Ahmed Laraba, il lui a rappelé que la révision de la Constitution n'était conditionnée par aucune limite et que la seule ligne rouge demeurait l'identité nationale et l'unité du pays. Aucun sujet n'est tabou-dit-il, affirmant avoir discuté avec Laraba sur l'éventualité de la mise en place d'une cour constitutionnelle. La révision de la Constitution, assure le président de la République, constitue une première étape dans la construction d'une démocratie durable. Si certains « applaudissent », d'autres doutent tandis que lui préfère rester « réaliste » en faisant la promotion d'une Constitution garantissant un plus grand équilibre entre les différents pouvoirs et mettant le pays à l'abri des dérives totalitaires. Une fois la mouture du comité d'experts prête, elle fera l'objet d'un large débat avant de prendre le chemin du Parlement et ouvrir la voie à la révision de la loi électorale pour séparer l'argent du politique et permettre l'émergence d'une nouvelle classe politique. «Nous n'avons pas d'économie» Le constat de Tebboune est sans appel. « Nous n'avons pas d'économie », a tranché le président de la République affirmant que « nous savons acheter mais pas vendre. Nous savons dilapider et gaspiller », ajoutant que l'économie était désarticulée avec très peu d'échanges entre secteurs et orientés vers l'exportation avec comme arrière-pensée la surfacturation. Il a d'ailleurs demandé au ministre de l'Industrie d'élaborer « en extrême urgence » une stratégie pour relancer l'industrie. S'il n'est pas question d'arrêter les importations, le produit local aura la priorité absolue, assure Tebboune qui s'est insurgé contre le fait que les industries des boissons importent du concentré de jus de fruits alors que des agriculteurs ne savent plus quoi faire de leurs récoltes. L'interdiction de l'importation, dit-il, doit être « immédiate », avertissant qu'il était inutile d'invoquer les accords avec l'Union européenne puisque des clauses de protection existent. Evoquant la récente libération des kits SKD-CKD, Tebboune avertit que cela restait une décision « conjoncturelle » prise essentiellement pour préserver des postes d'emploi mais que des comptes seront demandés dans deux mois aux concernés. Visiblement remonté contre certains opérateurs économiques, le président de la République a fait savoir que les dettes des investisseurs auprès des banques s'élevaient, en janvier dernier, à 1261 milliards de dinars, révélant qu'à l'avenir, le non-paiement des impôts sera considéré comme un crime économique. N. I.