Les derniers bouleversements sociopolitiques qu'a connus l'Algérie ont permis de mettre à nu l'ampleur de la corruption qui a gangrené les institutions de l'Etat. Une pratique qui s'est « institutionnalisée » au fil des ans, dans les hautes sphères du pouvoir, par un certain groupe de « privilégiés ». Ce fléau n'a pas été sans conséquences sur les droits de l'Homme en Algérie, tant son impact a été néfaste pour les citoyens. C'est autour de cette question qui anime l'actualité que le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) a organisé, hier mercredi, un atelier à Alger, portant sur le thème « L'impact de la corruption sur les droits de l'Homme ». Massiva Zehraoui - Alger (Le Soir) - Interrogé sur la situation de l'Algérie par rapport à l'ancrage de ce phénomène, le président du CNDH, Bouzid Lazhari, concède que « la corruption a sévèrement entaché les institutions publiques ». C'est d'ailleurs ce qui a poussé, précise-t-il ,« les citoyens à sortir dans la rue par milliers afin de demander des comptes aux responsables ». Cette révolte a permis, selon lui, de dévoiler de lourds dossiers liés à la corruption, mais encore « elle a ouvert une brèche qui nous permet aujourd'hui de réfléchir à l'instauration de nouvelles combinaisons de lutte contre ce fléau ». Bouzid Lazhari affirme, par conséquent, que cela implique l'élargissement du champ de la liberté d'expression. Car, explique-t-il, « la lutte contre la corruption est intrinsèquement liée à une presse libre et à une justice indépendante ». Le président du CNDH développe son propos en soulignant qu'il faut ,entre autres , encourager le journalisme d'investigation, dont la mission serait de « révéler au grand public toute pratique ayant un lien avec la corruption ». Idem pour la justice, appuie-t-il, « qui doit absolument gagner en autonomie en recevant et en traitant, sans distinction aucune, toutes les affaires inhérentes à ce genre de pratiques ». Bouzid Lazhari n'a pas manqué de rappeler que « la lutte contre la corruption constitue une priorité dans le plan d'action tracé par le gouvernement ». « La rencontre d'aujourd'hui a réuni des experts de par le monde, et nous permettra d'échanger nos points de vue sur la question », a-t-il ajouté. Le but étant de « dégager les mécanismes les plus adaptés dans l'optique de gagner en transparence et en libertés ». Intervenant à cet atelier, Karim Younès, médiateur de la République, a évoqué le rôle que va jouer cette instance qu'il représente dans la lutte contre la corruption. Se disant « conscient » de l'étendue de ce phénomène dans les administrations publiques et de l'impact que cela a sur la vie quotidienne du citoyen, Karim Younès explique que la médiation de la République commencera d'abord « par user de tous ses moyens dans le cadre légal, afin d'éradiquer la bureaucratie et d'alléger toutes les procédures administratives». Mokhtar Lakhdari, le directeur de l'Office central de la lutte contre la corruption, a, de son côté, fait une petite rétrospective sur la politique algérienne de lutte contre les pratiques de corruption depuis l'indépendance. Il a rappelé, dans ce registre, que ce volet a toujours accompagné le discours officiel des différents responsables politiques, encourageant particulièrement la prévention contre des pratiques de corruption. Il relèvera, toutefois, qu'en contraste, « ce phénomène a connu une croissance inquiétante au fil du temps, jusqu'à arriver à un stade où il échappe totalement à tout contrôle », a-t-il soutenu. Ce dernier estime tout de même que la situation n'est pas irréversible, en prenant en compte certains paramètres. La nouvelle donne aujourd'hui, dit-il, est qu'il y a « une volonté réelle du gouvernement quant à limiter la corruption », notamment après le soulèvement populaire. Mokhtar Lakhdari a, en outre, mis en exergue le fait que les autorités aient pris conscience que la corruption n'est pas une déviation personnelle mais un dysfonctionnement dans les institutions étatiques. M. Z.