C'est en principe ce jeudi que devrait avoir lieu la très espérée réunion des membres de l'Opep et leurs alliés menés par la Russie au sein de ce qui constituait l'Opep+, voire même d'autres pays producteurs. En principe, parce que tout n'est pas acquis en raison de l'attitude des Russes, sans lesquels rien ne pourra se faire, qui entendent impliquer leurs rivaux américains dans l'effort à consentir pour faire baisser la production, par ricochet, réduire l'offre surabondante de pétrole par ces temps d'activité extrêmement ralentie à cause de la pandémie de Covid-19. Depuis la semaine dernière, lorsque Donald Trump a décidé de s'impliquer de façon plus ouverte dans la crise du marché du pétrole, clairement pas parce que les pays producteurs lui font soudainement de la peine mais pour des raisons strictement américano-américaines, à quelques mois de l'élection présidentielle, le prix du pétrole s'est remis à gagner quelques dollars et, désormais, les membres de l'Opep+ se sont mis de façon plus consciencieuse à réfléchir à un accord de réduction de production «d'une durée de trois mois», selon une information de l'agence TASS. Une information qui, toutefois, était loin de balayer les incertitudes sur la conclusion de l'accord tant recherché notamment entre Russes et Saoudiens, les «ennemis déclarés» d'il y a encore quelques jours à peine, comme le confirmait, mardi, une dépêche de Reuters qui assurait que l'une des conditions posées pour que l'accord de réduction de production soit matérialisé est que «les Etats-Unis suivent». Des incertitudes qui n'ont d'ailleurs pas manqué d'avoir un effet quasi immédiat sur le marché à mesure qu'elles se faisaient confirmer, toujours dans la mouvementée journée de mardi, puisque les prix sur les deux marchés essentiels, Londres et New York, se faisaient ressentir ; le baril de Brent clôturant à 31,87 dollars, soit 3,6% de moins que la veille, lors de la séance de lundi à l'issue de laquelle il avait déjà perdu 3,2%, alors que sur le marché new-yorkais, le baril de WTI a fait encore pire en se dépréciant de 9,4% pour afficher en clôture 23,63 dollars alors que lundi il avait déjà perdu 8% par rapport au prix de clôture de vendredi. Une tenue du marché qui illustre on ne peut plus parfaitement la fébrilité du monde du pétrole sur la suite des événements et les difficultés, pour ne pas dire les incapacités, des pays producteurs à miroiter au moins l'esquisse d'un accord sur la réduction de l'offre excédentaire comme jamais elle ne l'a été, au point où le monde ne sait plus où stocker son pétrole, alors que la demande est en chute libre depuis que le nouveau coronavirus a fait son apparition à Wuhan avant qu'il se propage partout dans le monde. Un rendez-vous, ce jeudi, dont le succès n'est donc pas garanti, même si les rangs des producteurs les plus enclins à une réduction drastique de la production (10 millions de barils/jour, voire plus) pour stopper l'hémorragie dans les prix seront appuyés par la présence d'une dizaine de pays hors Opep+, invités à la réunion et parmi lesquels, entre autres, figurent les Etats-Unis, le Canada, l'Egypte, la Norvège, le Royaume-Uni, l'Indonésie et les trois Sud-Américains que sont l'Argentine, le Brésil et la Colombie. Une réunion, comme le prédisent de nombreux analystes parmi les plus avertis, lors de laquelle aucune des parties en présence ne semble disposée à faire de cadeau, même si l'on sait que, selon Dow Jones, le fournisseur de données et de solutions financières, Riyad est prêt à réduire sa production à 9 millions de barils par jour, à peu près ce qu'elle a produit en février avant que l'accord Opep+ ne s'effondre. Une possible réduction si Moscou est d'accord pour diminuer sa propre production de 500 000 barils/jour qu'il a rejetée lors de la précédente réunion de l'Opep+ à Vienne, celle-là même qui avait tout fait voler en éclats et pousser les Saoudiens à ouvrir la guerre des prix et des parts de marché. Ceci d'une part, de l'autre, il est dit que les Russes consentiront à mettre de l'eau dans leur vin si les Américains suivent, ce qui n'est en revanche pas acquis d'avance, les compagnies US étant imperméables à ce genre de demande surtout que des majors, à l'instar d'Exxon Mobil, se sont retrouvées contraintes de réduire leurs budgets d'investissements pour les mois qui viennent en raison de la pandémie de Covid-19 qui a déjà obligé quelques plateformes à l'évacuation des personnels et cela se fait déjà ressentir, comme le révèle le cabinet Rystad Energy qui annonce que le nombre de forages de puits d'exploitation de pétrole et de gaz de schiste aux Etats-Unis a baissé de 19% par rapport à ce qu'il était à la mi-mars et il pourrait au total plonger de 65%. Il faut savoir que l'industrie pétrolière produit environ 13 millions de barils par jour, mais la crise sanitaire fait que l'Agence américaine d'information sur l'énergie, selon ses chiffres annoncés mardi, s'attend à la baisse de la production sur l'ensemble de cette année à 11,8 millions de barils par jour. Une donne qui ne contribue pas à ce que, comme les Russes l'exigeraient, les Américains consentent à participer à l'effort de réduction de la production, l'objet de la réunion de ce jeudi. C'est en tous les cas une de ces réunions les plus délicates de toute l'histoire, déjà sacrément tumultueuse, de l'Opep dont l'existence se retrouve de plus en plus remise en cause, et plus globalement du monde du pétrole. Ceci, si le rendez-vous prévu ce jeudi est maintenu. Azedine Maktour