«La grève de la faim sera pour moi une façon d'éviter une mort lente, la mort des lâches à laquelle l'on veut me vouer, je suis prêt à me sacrifier pour que mon pays puisse vivre dans la liberté, la justice et la démocratie.» C'est par ces mots que Ali Ghediri clôt une longue lettre adressée à l'opinion publique. Une lettre dans laquelle, il va détailler les raisons d'une incarcération qui dure depuis treize mois. La missive a été transmise à la presse hier, lors d'une conférence de presse organisée par ses avocats. «Ali Ghediri tenait absolument à ce que cette rencontre avec les médias se déroule, nous tenons ici notre promesse», déclare d'emblée Me Bourayou. Avec Mme Nabila Slimi, ils ont tenté «par tous les moyens» de dissuader leur client de recourir à cette solution extrême, mais en vain. «J'ai été trempé à tous les grands procès qu'a connus ce pays, je n'ai jamais accepté que l'un de mes clients recourt à la grève de la faim, nous avons dit à Ghediri que cela allait être mauvais pour sa santé, pour sa famille, sa décision est irrévocable, il éprouve la détermination d'un homme qui n'a d'autre choix que celui-là face à l'injustice». Ses avocats n'ont pas besoin de s'exprimer trop longtemps, la lettre dit tout. Une précision est apportée avant sa lecture : «Les mots contenus sont dirigés à l'opinion publique, Ali Ghediri n'a jamais rien demandé, nous non plus». «Je ne recherche ni la compassion ni la pitié, si je me suis décidé à parler aujourd'hui c'est pour éviter une mauvaise interprétation de mon action et dire surtout que tout ce que j'endure depuis mon incarcération n'est dû qu'à une seule raison, ma candidature à l'élection présidentielle du 18 avril 2019 (...) J'ai pris ma responsabilité au moment où d'autres se préparaient au cinquième mandat (...) on m'accuse d'avoir attaqué l'armée, dans un entretien accordé au quotidien El Watan j'ai cependant déclaré que c'était la seule institution capable de sauver le pays des problèmes dans lesquels il se trouvait. A une question portant sur le chef d'état-major, j'ai également répondu, parce que je le connaissais personnellement, qu'il ne permettrait à quiconque d'outrepasser la Constitution et de déstabiliser le pays. Les décideurs se sont alors emparés de ce dernier point pour me jeter en prison. Mais il s'agissait en fait d'un confinement politique, car on voulait m'éloigner de la scène politique durant la période électorale (...) je ne recherche pas la compassion, je veux informer le peuple algérien de ce qu'il en est avant qu'il ne soit trop tard, j'ai fait l'objet d'une conspiration, mais j'ai gardé jusqu'à présent le silence pour éviter d'aggraver la situation durant les évènements qu'a vécus le pays». Ancien général-major, Ali Ghediri a été incarcéré à la prison d'El-Harrach le 13 juin 2019 pour «atteinte au moral de l'armée et divulgation d'informations portant atteinte à l'intérêt national à des parties étrangères». Après une longue bataille juridique, ses avocats ont obtenu l'abandon des poursuites pour la seconde accusation (espionnage) mais il demeure poursuivi pour atteinte au moral de l'armée. Une cassation a été à nouveau introduite auprès des instances concernées. La «procédure pourrait prendre de longs mois, six au moins, et il faudra attendre encore pour la programmation du procès, c'est très long pour un homme accusé injustement», déclarent ses avocats, inquiets de la grève de la faim entamée par Ali Ghediri depuis ce vendredi. Ils ajoutent : «C'est un homme de valeur, nous ne voulons pas le perdre, toutes les demandes de mise en liberté provisoire ont été rejetées, la lettre qu'il a adressée au président de la République pour dénoncer la cabale montée à son encontre n'a pas eu d'écho, la dernière décision, c'est Ghediri qui l'a prise.» Abla Chérif