Vous connaissez tous l'histoire de cette actrice algérienne qui s'était offert un coup de pub à l'égyptienne en annonçant qu'elle adoptait désormais le hidjab pour expier ses anciens péchés. Comme elle manquait singulièrement d'imagination, elle a repris purement et simplement la version en vogue : j'ai rêvé que j'ai visité le tombeau du Prophète, et c'est là que j'ai vu la lumière. Et comme elle n'avait pas de signes de ponctuation pour l'arrêter, elle en a rajouté en prenant l'engagement de ne plus jouer désormais au cinéma que des rôles dénués de scènes suggestives. Comme si le cinéma algérien offrait des baisers fougueux, et des étreintes torrides, en veux-tu en voilà. Mais, c'était le b.a - ba du laïus enseigné par les islamistes aux candidates au voile, parce que trop jeunes encore pour mettre fin à une carrière, ou à la retraite pour celles que l'âge talonnait. Les milieux artistiques, qui lisaient aussi les nouvelles d'Egypte, sont restés dubitatifs, et je me souviens de cette réflexion hilare d'un acteur de mes amis : «Il était temps, ces scènes hors caméras l'épuisaient.» Il y a aussi la version que Karadhaoui a enseignée à ses protégées, dont une de nos célèbres speakerines, à savoir : «Je me suis battue avec le diable (avec ou sans hidjab ?), et je l'ai terrassé.» Apparemment, ces batailles nocturnes, avec Iblis, et qui ont lieu durant le sommeil profond, notez-le, ont inspiré beaucoup d'autres adhésions au hidjab, source de réussite, et de renommée. On raconte aussi à propos de cette comédienne qu'un matin, en sortant de chez elle, elle a découvert que toutes les femmes, et jeunes filles, de son quartier, s'étaient mises aussi au voile. Furieuse, et dépitée, elle a décidé de se dévoiler, et de revenir à son état d'avant le rêve nocturne, révélant du même coup des atteintes du temps qui passe, contre lesquelles le voile est impuissant. Un tel revirement est impossible en Egypte, où les opérations voile et/ou retraite pieuse, sont strictement codifiées, et peuvent même faire l'objet d'un contrat légal, avec primes à la signature. On a ainsi connu des conversions célèbres d'actrices qui ont répudié passé, et maris parfois, pour se consacrer exclusivement à la repentance, et «au service de Dieu», la cause islamiste, en réalité. Faire la promotion du hidjab, et faire passer l'image d'une femme égyptienne, vouée aux dévotions, et au service de son mari, dans les périodes que laissent les prières, et les invocations. Le mouvement amorcé au milieu des années soixante-dix a eu ses actrices célèbres, devenues les figures de proue du voile, comme Hanane Turk, ou Safa Abou Souôd, (mariage avec le Saoudien Cheikh Salah). Que ce soit pour l'argent, ou pour la religion, ou les deux puisqu'ils se marient souvent idéalement, les actrices, trop jeunes pour s'arrêter, ou trop vieilles pour continuer, sont tombées dans l'oubli. C'est le cas de la grande comédienne Suhaïr Al-Babali, qui a connu la notoriété, surtout au théâtre, avec des pièces, comme ces éternels succès que sont L'Ecole des cancres, ou bien Raya et Sakina. Suhaïr Al-Babali ne s'est pas voilée, et retirée, pour faire un riche mariage, puisqu'elle a pris sa retraite, à l'orée de la soixantaine en 1992, et après quatre mariages, et échecs. Sa conversion doit surtout au lent, et méthodique, travail de sape des islamistes égyptiens dans la société, et auprès des enfants, et des adolescents, pour les mettre en porte-à-faux avec leurs parents. Comme elle l'a expliqué sur le moment Suhaïr Al-Babali, elle a choisi le voile, et la retraite, d'abord après les conseils du fameux Cheikh Chaâraoui qui l'avait incitée à mieux choisir ses rôles. Ensuite, parce que son unique enfant, sa fille de quatorze ans, s'était voilée, et qu'elle éprouvait une certaine honte à s'occuper beaucoup plus de son métier d'actrice que de son rôle de mère. Pourquoi évoquer précisément cette actrice, et avec une pointe de regrets? Parce qu'elle est avec Ferdous Abdelhamid, et Leïla Aloui, l'une de mes actrices préférées, et qu'elle vient de se manifester. Son intervention, par le biais d'une vidéo dans laquelle elle s'adresse à ses fans, et en fait une véritable opération de prévention en matière de santé publique, et face à la pandémie de Covid-19. Elle demande simplement à ses fans d'éviter de s'embrasser durant cette période délicate que traverse l'Egypte pour éviter que le virus se propage davantage par les bisous qu'affectionnent les Egyptiens. Un geste que ne risque pas d'imiter un autre acteur voilé, côté masculin, à savoir Hassan Youssef qui s'est reconverti dans les rôles de dévots, mieux assortis à ses choix et à son physique. Hassan Youssef, pour les plus âgés, c'est cet acteur falot et sans talent, qui ramassait les miettes que voulaient bien lui laisser des séducteurs comme Abdelhalim Hafez, ou Omar Sharif. Il a survécu au noir et blanc, mais la couleur était trop crue pour ses rides et il a dû se résoudre à jouer dans la cour des «Frères musulmans» et à jouer pour eux à la vie et au cinéma. Il est un peu le père spirituel de certains acteurs, comme Youssef Cherif(*), qui a joué le personnage principal du feuilleton Al-Nihaya, largement inspiré du roman de Waciny Laredj Histoire du Dernier Arabe. Bien plus, il apparaît au générique comme étant l'auteur de l'idée du feuilleton, ou le plagiaire en chef, mais aucun des journalistes égyptiens qui l'a interrogé ne lui a demandé s'il a lu le roman algérien. Une question d'autant plus opportune que l'acteur est au cœur d'une polémique sur les baisers au cinéma et qu'il est marié à une écrivaine, Angie Ala, auteure de plusieurs scénarios de séries. Et voilà qu'on apprend à l'occasion de la victoire du Real Madrid en Championnat d'Espagne que ladite épouse de Youssef Cherif est une supportrice avisée du Real et que son mari l'a félicitée. Ce faisant, il a fait preuve de fair-play, selon la presse égyptienne, puisqu'il est un fana de l'équipe de Barcelone, d'où mes questions : 1) Angies Ala a-t-elle lu le livre de Waciny Laredj, allègrement pillé par son mari, le réalisateur et le producteur du feuilleton Al-Nihaya ? 2) Comment se fait-il qu'une femme aussi intelligente, puisqu'elle soutient le Real, supporterait-elle de vivre avec un fan du Barça, pillard de surcroît, à moins d'être frappée de cécité comme l'a été une certaine Shakira ? A. H. (*) Comme le veut la relève des générations, c'est Youssef Cherif qui remplace désormais Hassan Youssef comme cible préférée à mes yeux, les deux sont de vulgaires imitateurs, mais le jeune est encore plus coupable, même s'il est de la même lignée.