La pandémie de Covid-19 a eu des conséquences inattendues sur la prise en charge des autres maladies. Plusieurs patients atteints de pathologies chroniques ont été privés du suivi médical. Ceux qui devaient subir une intervention chirurgicale ont été, eux aussi, pénalisés. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - L'ampleur que prend la propagation du nouveau coronavirus fait presque oublier que d'autres pathologies et problèmes de santé existent. Ils sont pourtant nombreux ceux qui souffrent d'une maladie chronique, qui luttent contre un cancer qui ronge leur corps, ou qui attendent une chirurgie salvatrice. Ces patients «non malades du Covid-19» ont vu, depuis le début de la pandémie, leur suivi et traitement mis en mode pause. La réquisition de plusieurs services des hôpitaux et la mobilisation de leurs personnels pour la lutte contre ce virus ont bousculé la planification de l'ensemble du système de soins. Jugées non urgentes, beaucoup d'opérations chirurgicales ont été déprogrammées. Idem pour les traitements des personnes atteintes d'un cancer notamment la chimiothérapie, qui ont été reportés. Les malades métastatiques, eux, ont vu leurs traitements modifiés. Quant aux patients poly-pathologiques, ils vivent, depuis, sans suivi et sans prescription. Une situation qui perdure depuis plus de quatre mois. Atteinte d'un cancer de l'estomac, Fatiha, la cinquantaine passée, n'a pas eu de séances de chimiothérapie depuis le début de la crise sanitaire en mars dernier. Au Centre hospitalo-universitaire Zighoud-Amine, ex-clinique des maladies respiratoires de Beau-Fraisier, à Bouzaréah, sur les hauteurs d'Alger, elle est à chaque fois refoulée. «Je fais de la chimiothérapie depuis une année, mais depuis avril dernier, je n'ai eu aucune séance. Au centre de Bouzaréah, on me dit à chaque fois qu'ils vont m'appeler mais sans suite», précise-t-elle. Même ses contrôles médicaux au CHU Beni Messous n'ont pas été maintenus. Elle attend toujours un rendez-vous qui s'éternise. Sans chimiothérapie depuis plus de quatre mois, Fatiha passe son temps à se tordre de terribles douleurs à l'estomac qui l'empêchent de dormir et de mener paisiblement sa vie. Si cette mère de famille prend son mal en patience, la maladie, elle, évolue sans doute sournoisement. Malades hors Covid-19 s'abstenir ! Le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), Dr Lyes Merabet, déplore l'inconscience constatée chez beaucoup de citoyens qui, selon lui, est à l'origine d'un personnel soignant épuisé, d'établissements hospitaliers au bord de la rupture, et d'une souffrance physique et psychologique chez les patients qui n'ont pas le virus de Covid-19. «Ils sont nombreux les malades qui n'ont pas le coronavirus mais qui ont d'autres problèmes de santé nécessitant une prise en charge et un suivi soutenu. Malheureusement, on ne s'en occupe pas correctement parce que tous les moyens sont déployés pour lutter contre la pandémie», explique-t-il. Pourtant, la plupart des maladies chroniques nécessitent un suivi régulier. «Certains sont tributaires de l'avis d'un cardiologue, d'un urologue, d'un endocrinologue,... Ces patients dont l'état de santé n'est pas équilibré comme les diabétiques, les patients ayant des problèmes cardiaques, ceux souffrant de complications respiratoires, les insuffisants rénaux et d'autres ont justement besoin d'un suivi rigoureux avec des bilans et un avis médical spécialisé, et cette situation devient très longue pour certains d'entre eux», ajoute-t-il. Rappelant que les services Covid-19 dans les hôpitaux étaient à l'origine de différents services de pneumologie, de médecine interne, d'ORL, de chirurgie générale, de dermatologie, ... qui ont été dédiés à la prise en charge des cas de coronavirus, le Dr Merabet fait remarquer que les conséquences sont visibles. «Tous ces services traitant ces spécialités sont aujourd'hui quasiment à l'arrêt. Cela se traduit par un manque de lits pour les malades souffrant d'autres pathologies», dit-il avant de poursuivre : «À défaut d'une prise en charge, ces patients sont en train de s'installer dans les complications de leurs maladies.» Ry. N.