C'est donc officiel : le projet de la nouvelle Constitution est fin prêt et est, désormais, libellé sous forme d'un projet de loi à soumettre incessamment à l'approbation du Parlement avant celle du suffrage universel, le 1er novembre prochain. Hier dimanche, une réunion spéciale du Conseil des ministres avait été consacrée par Tebboune à cette seule question, l'examen et l'approbation de ce projet de texte appelé à tourner la page de ce qui était l'ère Bouteflika. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - C'est, d'ailleurs, ce que suggère un passage du communiqué de la présidence de la République, sanctionnant ladite réunion. Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad qui présentait le projet, affirmait, en effet, que ce dernier «intervenait en application de l'un des principaux engagements politiques prévus dans le programme électoral du président de la République. Ce projet ajoute aux principes généraux régissant la société, d'autres principes imposés par les exigences de l'interaction avec les nouvelles donnes tant à l'intérieur qu'à l'extérieur (...) Autant d'éléments qui confortent l'unité de la nation et ses constantes, consacrent le respect de la volonté populaire, et consolident la cohésion nationale, le principe de séparation des pouvoirs et l'équilibre des pouvoirs, l'alternance au pouvoir, la moralisation de la vie politique et la transparence dans la gestion des deniers publics, de même qu'ils épargnent au pays toute dérive de despotisme tyrannique et préservent les droits et libertés des citoyens». Ici, l'allusion à Bouteflika est à peine voilée. C'est une révision constitutionnelle décidée, imposée et menée à la hussarde en novembre 2008 qui avait permis, faut-il le rappeler, de faire revenir l'Algérie à l'ère des règnes à vie, lorsque Bouteflika se débarrassait du verrou constitutionnel que Zeroual avait introduit dans la loi fondamentale en 2016 en limitant les mandats présidentiel à seulement deux, au plus. Une dérive tiers-mondiste que l'Algérie ne peut plus se permettre, tant en raison des bouleversements spectaculaires que connaît le monde arabe depuis 2011 mais aussi, et surtout, avec le soulèvement populaire inédit en tout point de vue qui a métamorphosé l'Algérie depuis le 22 févier 2019. Dans son intervention en Conseil des ministres, Tebboune dira à ce propos en effet que : «Le projet s'inscrit en droite ligne avec les exigences de l'édification de l'Etat moderne et répond aux revendications du Hirak populaire béni. C'est pourquoi, ajoutera le Président, j'ai veillé à ce que la Constitution, dans sa nouvelle mouture, soit le plus largement consensuelle tout au long de son élaboration et ce, en permettant aux différentes franges de la société et aux faiseurs d'opinion publique d'en débattre durant plus de quatre mois, en dépit des entraves imposées par la crise sanitaire». Pour l'initiateur du projet, la crise de confiance quasi structurel, entre le pouvoir et le citoyen, tire son origine de l'ampleur du phénomène de la corruption qui a gangréné les institutions de l'Etat. «Ce qui est publié sur les procès relatifs aux différentes formes de corruption, dira Tebboune, un phénomène figurant parmi les raisons de la décadence des pays, dénote le niveau de la déliquescence morale et de la profondeur du mal fait aux institutions de la Nation et à ses richesses, mais explique aussi la crise de confiance de fond entre gouvernants et gouvernés». Aussi, poursuit-il, «de ce fait, le règlement de cette crise est une condition sine qua non de l'édification de l'Algérie nouvelle ou personne ne sera protégé ni par son immunité ni par son influence. L'on ne sera protégé que par l'honnêteté dans la parole, le dévouement dans l'action, l'attachement permanent à la créativité et le déni de soi, pour que chaque citoyen, notamment les jeunes, perçoive le changement et sache que l'Etat est véritablement au service du citoyen. C'est ainsi qu'il pourra reprendre confiance en lui et en ses institutions, pour être un facteur influent dans la démocratie participative». Cela étant, si le communiqué du conseil des ministres ne fournit aucun détail, s'agissant des principaux changements retenus pour cette mouture finale du projet préparé par le comité Laraba, Tebboune affirmera tout de même que «l'application de cet amendement constitutionnel, s'il venait à être plébiscité par le peuple, nécessitera l'adaptation de nombre de lois à la nouvelle ère, à la faveur de la réforme globale de l'Etat et de la réhabilitation de ses institutions et de son autorité». Plus explicite encore, le chef de l'Etat insistera sur un point très sensible et qu'attendait toute la classe politique ; les élections. Il dira à ce propos : «Le projet de la révision constitutionnelle assure toutes les garanties pour la régularité des élections, aussi bien par la constitutionnalisation de l'autorité nationale indépendante des élections, que par une codification stricte du financement politique, à l'effet de préserver la liberté de la volonté populaire, l'égalité des chances pour le vote et la candidature, pour que la voix de l'électeur soit respectée et la scène politique renforcée par une nouvelle génération d'élus.» Et d'enchaîner immédiatement après : «Pour cela, il est impératif de procéder, au préalable, à une révision constitutionnelle, car il est inconcevable de renouveler les instances élues avec des lois rejetées par le peuple.» Autrement dit, Tebboune annonce, ici, un nouvel agenda pour l'après référendum du 1er novembre et qui consiste en une séries de révisions des principaux textes de lois régissant la vie politique et, particulièrement, la loi sur les partis et le code électoral, avant toute élection, de quelque type que ce soit. K. A.