Le tandem FLN-RND, suivis des petits partis, est fort de sa majorité parlementaire, il entend peser de tout son poids sur l'issue du référendum populaire du dimanche 1er novembre prochain. Mais c'est sans doute plus l'étape post-référendum qui nous réservera des surprises. L'ère post-Bouteflika sera réellement inscrite dans les faits à partir du 1er novembre prochain, date du référendum populaire sur la révision de la Constitution. En effet, cette dernière ouvrira la voie au renouvellement des personnels des institutions de base de l'Etat. Cela va de soi, car la nouvelle donne politique ne saurait s'accommoder de structures nées des anciennes pratiques instaurées à la faveur de la précédente loi fondamentale. Corruption, clientélisme, argent sale, étaient souvent la règle pour s'introduire dans un environnement politique fermé. Le vent du changement issu de l'alternative politique de la présidentielle du 12 décembre a besoin de mesures fortes, pas seulement dans les sphères supérieures, entamées par les décisions-sanctions prises par le nouveau locataire du palais d'El-Mouradia comme le limogeage de walis, de présidents d'Assemblées populaires communales et autres hauts cadres de secteurs sensibles qui impactent directement le quotidien des citoyens. Si les décideurs, à quelque niveau que ce soit, savent désormais à quoi s'en tenir, il n'est nul besoin de ravalement de façade, en ce sens que l'on veut que ces mesures s'inscrivent dans la dynamique de la nouvelle Algérie de Abdelmadjid Tebboune. Le nouveau président veut s'affranchir des pesanteurs d'appartenance partisane et transcender de la sorte les contingences liées aux rivalités politiques voire idéologiques. Le contexte est des plus favorables grâce au mouvement populaire du 22 février 2019 qui a cloué au pilori les fossoyeurs qui ont mené le pays dans l'impasse économique et sociale. En conséquence, des voix se sont élevées pour réclamer la fin du système et ses relais, c'est-à-dire la dissolution des Assemblées élues : APN, APC et APW. Cependant, si cette démarche semble aller de soi, la réalité est que le référendum pour la révision de la Constitution le dimanche 1er novembre dépend des dispositions de celle de 2006 qui met en avant le rôle de l'Assemblée populaire nationale et du Sénat. La dernière mouture contenant la synthèse des propositions des différentes parties activant sur la scène publique doit être déposée au bureau du Parlement pour débat et amendement. Le vote référendaire interviendra après son adoption par les députés. De quoi faire rager tous ceux qui contestent toute légitimité à l'Assemblée nationale. C'est le cas des partisans du boycott et de ceux qui revendiquent une Assemblée nationale constituante. Suffisant pour que les caciques du FLN et du RND sortent la tête de l'eau où les a plongés le Hirak et n'hésitent pas à jouer de leurs biceps. Pour le FLN, le président élu n'a jamais évoqué la dissolution des Assemblées élues lors de sa campagne électorale et même dans son allocution d'investiture à la tête de l'Etat. Il n'a pas tardé à battre le rappel de ses troupes – un temps groggy – par les manifestations populaires, et demander à son groupe parlementaire d'œuvrer dans le sens du soutien au projet soumis à débats. Ses 164 députés (sur 462) vont faire cause commune avec ceux du RND au nombre de 97. L'effet d'entraînement jouera pour les autres partis satellites à l'instar de TAJ, MPA, ANR et la constellation de partis islamistes qui saisissent cette occasion de faire une offre de service aux nouveaux tenants du pouvoir : c'est le «Oui» sans l'ombre d'un doute pour la nouvelle Constitution. Les applaudissements en sus ! Le vieux parti dispose aussi d'une présence structurelle à travers le territoire national avec 603 Assemblées populaires nationales et 711 élus aux Assemblées populaires de wilaya. Il est suivi par son dauphin le RND qui peut se prévaloir de 451 APC et 527 élus APW. Cette présence majoritaire aussi bien au Parlement que dans les communes fait donc de ces partis décriés des incontournables dans toute consultation électorale. Avec un mandat de 5 ans (élections de novembre 2017), les élus de ces structures de base voudront garder le bénéfice du verdict des urnes. Mieux, pour le FLN, Abdelmadjid Tebboune est issu de ses rangs étant toujours et à un degré moindre son Premier ministre, un transfuge du FLN, aujourd'hui indépendant. C'est donc à un vrai dilemme que Abdelmadjid Tebboune se trouve confronté : dissoudre le Parlement revient à couper la branche sur laquelle il se tient. Les «flnistes» de tout bord peuvent se réjouir, sourds aux scandales de leurs membres que nous révèlent chaque jour les tribunaux pour beaucoup désormais en prison. FLN, RND, MPA espèrent garder leur chance dans l'échiquier politique. TAJ rejoint les minuscules partis islamistes comme El Bina, El Islah pour apporter d'ores et déjà leur caution au projet de la nouvelle Constitution. Cela peut paraître paradoxal, mais l'alignement sur l'initiative du chef de l'Etat, son approbation avec un zèle non dissimulé a de quoi inquiéter les promoteurs de la nouvelle règle du jeu politique de l'Algérie d'après le référendum. Difficile de se laisser déshériter d'indus avantages acquis au prix de décennies de règne à l'ombre de la justice du téléphone. Mais fidèle à sa tradition, le FLN nous rappelle à sa présence à travers son discours lénifiant, le dernier en date de la bouche de son secrétaire général affirmant à propos du projet de référendum que «c'est un tournant décisif dans l'histoire de l'Algérie, et un couronnement dans la lutte du peuple algérien sur la voie de la liberté et de la démocratie» ! Par contre, l'échéance de l'approbation de la nouvelle Constitution, si elle ne provoque pas – visiblement — un séisme dans la vie publique ,introduit malgré tout, une nouvelle étape de post-référendum. La dissolution de l'Assemblée populaire nationale qui sera suivie des assemblées locales qui, selon toute vraisemblance, ne va pas tarder à sonner le tocsin des restes d'un régime qui ne finit pas de nous surprendre de ses turpitudes. Le «toilettage» initié par les mesures de salubrité publique va-t-il mener à l'instauration de nouvelles règles dans le fonctionnement des institutions de l'Etat à l'aune d'une éthique politique capable d'être l'image de cette Algérie nouvelle à laquelle appelle le premier magistrat du pays ? C'est aussi un appel du pays aux forces sociales tenues à ne pas se laisser doubler par les survivants de l'ancien régime afin que nous ne soyons pas face à un choix de système bis repetita... Brahim Taouchichet