À quelques jours de son installation au palais d'El-Mouradia, Abdelmadjid Tebboune doit faire face à une scène politique minée. Si ses opposants sont connus, ses soutiens sont aussi embarrassants que nécessaires. À peine déclaré "vainqueur", Abdelmadjid Tebboune a dû compter ses soutiens. Comme pour tous les hommes du système, celui qui vient d'être élu à la tête de l'Etat n'a pas trouvé de soutiens en dehors des laudateurs traditionnels du régime. Ainsi, TAJ, FLN, ONM, des organisations des enfants de chouhada et d'autres traditionnels partis du régime se sont bousculés pour le "féliciter". À cet effet, ces formations politiques n'ont pas hésité à utiliser le même vocabulaire que celui usité pour soutenir Bouteflika. Des formules dithyrambiques, une langue de bois poussée à l'excès et un patriotisme débridé sont la particularité lexicale de ces messages qui ornent les palais du sérail politique depuis des décennies. C'est ce qui a été servi à Abdelmadjid Tebboune. Fait singulier : le FLN, l'appareil politique qui a accompagné tous les chefs d'Etat depuis l'indépendance (en dehors de la parenthèse de la première moitié des années 1990), s'est trompé de "soutien". L'ancien parti unique, sans chef depuis l'incarcération de Mohamed Djemaï l'été dernier, s'était abstenu de soutenir un candidat avant de se raviser et appuyer, timidement, Azzedine Mihoubi, secrétaire général par intérim du RND. Mais le choix s'est avéré faux et le parti s'emploie désormais à soigner son image face au nouveau chef de l'Etat, membre du comité central du parti. "Chacun soutient qui il veut", avait répondu Abdelmadjid Tebboune à une question relative au soutien du FLN à Mihoubi, lors de sa première conférence de presse. S'il assure qu'il s'est appuyé sur le "mouvement associatif" et la société civile pour mener sa campagne électorale, Abdelmadjid Tebboune sait qu'il ne peut se passer des partis politiques de l'ancienne "Alliance présidentielle". Au risque d'être accusé de reconstituer le système Bouteflika, Abdelmadjid Tebboune n'a d'autre choix que de recourir à ces partis politiques qui ont servi de base politique à l'ancien chef de l'Etat. Le FLN, le RND et à un degré moindre TAJ et le MPA disposent en effet d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Et, en attendant des élections législatives qui ne semblent pas être sa priorité, le nouveau chef de l'Etat va donc s'appuyer sur l'actuelle Assemblée pour faire passer les lois qu'il présente comme prioritaires, à l'image de la loi électorale et la révision de la Constitution, qui doit passer par les deux Chambres du Parlement avant d'être soumise à référendum. Sauf que le choix qui se présente au chef de l'Etat est cornélien. S'il a besoin de ces partis politiques qui représentent "l'ancienne Algérie" dont il dit vouloir se débarrasser, Abdelmadjid Tebboune sait que compter sur ces appuis politiques est un exercice risqué. S'allier au FLN, au RND et aux autres partis le discréditera davantage, lui qui devra fournir des efforts colossaux pour se faire accepter comme président de la République. En plus d'être la cible des manifestants depuis plusieurs mois, ces partis politiques sont disqualifiés quasiment partout. Y compris par Karim Younès, qui avait affirmé publiquement qu'il n'avait pas l'intention de les associer au "dialogue" qu'il avait mené en septembre dernier. Un fait qui confirme que Tebboune, qui assure ne pas avoir l'intention de fonder un parti politique, est sur un terrain miné. À moins qu'il ne trouve une autre combinaison pour tout au moins donner l'illusion d'un changement.