Par Naoufel Brahimi El Mili Aux abords du parc Monceau devant l'ambassade d'Algérie à Paris, une bonne douzaine de journalistes français manifestent. Du jamais vu ! Au milieu de visages connus de la télévision française, trône une pancarte bien visible : «We are Khaled». Ils demandent la libération de leur confrère algérien, condamné le 10 août dernier à trois années de prison ferme. Au micro de France Inter, le présentateur vedette du journal télévisé du 20 heures de TF1, Gilles Bouleau, apporte son soutien à Khaled Drareni. Ce début de semaine, le microcosme journalistique français se mobilise à la demande de Reporters sans frontières. Paris devient la caisse de résonnance d'une certaine contestation algérienne. Et ce n'est que le début. Quelle que soit l'issue de ce type de pression ou d'une autre décision de justice, ce qui est certain, c'est que l'image du pays est quelque peu malmenée. Au moment où l'Algérie, contrairement à son voisin de l'Ouest, ne dispose pas de lobbies médiatiques en France ni d'une politique offensive de communication. Au Maroc, la Mamounia et d'autres établissements hôteliers prestigieux jouent le rôle d'annexe du ministère des Affaires étrangères. Ce qui est loin d'être le cas en Algérie. Jamais n'avais-je commenté une décision de justice même quand les tenants et aboutissants m'échappent, je me prononce simplement sur ses possibles conséquences médiatiques tant dans le pays qu'à l'étranger. Les réactions des médias les moins virulentes pointent du doigt les contradictions en opposition avec le message d'une Algérie nouvelle. Bien que réel, cet antagonisme n'est en grande partie que le reflet des difficultés du «Bouteflexit». À cela s'ajoute la pandémie de Covid-19 qui a paralysé toute la planète. Seulement en Algérie, le confinement semble avoir donné un second souffle à la contre-révolution. C'est à dessein que j'utilise cette expression sortie de mes années d'étudiant où, comme tant d'autres, j'étais léniniste. En effet, nombreux sont les «couacs» apparus ici et là dans quelques décisions gouvernementales. À l'instar de la nomination furtive du secrétaire d'Etat chargé de la diaspora algérienne à l'étranger. À croire que certains poussent le gouvernement dans un sens interdit, pour lui faire retirer son permis de conduire alors que la route reste très longue. En général, gouverner n'est pas un long fleuve tranquille. En Algérie, après un passage d'un ouragan dévastateur et qui a duré vingt ans, la queue du cyclone plane encore sur le pays. Pourtant, une nouvelle Constitution qui instaure l'équilibre des pouvoirs peut réduire autant que faire se peut les perturbations atmosphériques. Déjà l'élection présidentielle de décembre dernier avait permis au pays de sortir de la zone de turbulences. Toutefois, l'appréciable absentéisme électoral a rendu plus grands les défis du nouveau président investi. À cela s'ajoute la suspicion du poids du commandement militaire sur l'issue du scrutin. En effet, il apparaît clairement aujourd'hui que des généraux et non des moindres voulaient faire passer un candidat arrivé en fin de course en quatrième position sur cinq postulants. En d'autres termes, le représentant d'un des partis uniques algériens est arrivé avant-dernier ! Cependant, il était tellement confiant de ses appuis et des promesses que ses partisans avaient déjà réservé une salle dans l'hôtel El Aurassi pour fêter, avec champagne ou bien «zombrito pétillant», une victoire assurée par certains lourdement galonnés. Ce n'est qu'en milieu de soirée que feu Gaïd Salah, alors vice-ministre de la Défense, avait décidé de ne pas modifier le choix des urnes. Il est temps de réaliser que Abdelmadjid Tebboune n'était pas le candidat de l'armée. Quelques jours plus tard, Gaïd Salah décède d'une crise cardiaque. Le choc de la démocratie peut-être. Il est aussi temps de se poser la question : «Et si l'Algérie était enfin démocratique ?» Pour y répondre, il est nécessaire de faire cesser les couacs et faux pas, et pourquoi pas renverser la table ? Mon lointain vécu léniniste fait surgir sous ma plume : «Du passé, faisons table rase.» N. B. E. M.