Abderrezak Makri, le chef du MSP, voit des laïcs partout ! Selon lui, « le projet de révision constitutionnelle qui sera soumis à référendum le 1er novembre prochain, refléterait l'orientation laïque de ses rédacteurs». «Ce texte, précise-t-il, contient une orientation laïque, c'est pourquoi il faut aller aux urnes pour le faire tomber (...) Il faut, dit-il, voter ‘‘non'' pour rejeter le courant laïque » ! Rien de moins ! Si au moins c'était vrai on lui pardonnerait sa lecture politicienne de la révision constitutionnelle. On retiendra toutefois que le MSP ne boycottera pas le référendum constitutionnel. Le 28 février dernier, le même Makri accusait déjà le « courant laïque extrémiste de vouloir « s'approprier le Hirak » ! Un courant, qui selon lui, est infiltré par « des agents de la France et de la franc-maçonnerie ! » Avant d'affirmer que son parti est en mesure de faire descendre par milliers ses partisans dans la rue mais que par souci de ne pas diviser le Hirak, il a renoncé à le faire ! Dans la bouche de Makri et de ses amis islamistes, par courant laïque, ils entendent le courant démocrate et progressiste et dans leur esprit, le mot laïc, voire démocrate, est synonyme d'athéisme ! Makri devrait en toucher un mot à son ami Tayyip Erdogan, qui est à la tête d'un Etat laïque autoritaire ! Son allié Abdallah Djaballah, qui lui dispute le monopole de l'islam politique, est sur la même ligne : n'a-t-il pas qualifié les membres de la commission Laraba d'être « des personnes issues toutes du même courant, laïque et éradicateur » (Soir d'Algérie du 23/9) ! Si Makri appelle à voter non à la révision constitutionnelle, on notera sans surprise qu'au sein de la galaxie islamiste et islamo-conservatrice, El Binaa d'Abdelkader Bengrina, le PLJ et les partis de l'ex-Alliance présidentielle — FLN, RND, TAJ dirigée désormais par l'ex-ministre Fatma-Zohra Zerouati, plus ce qu'il reste du MPA de Amara Benyounès, sont d'un avis contraire : ces gens, qui ont voté toutes les lois sous Bouteflika se sont déjà prononcés au sein du Parlement en faveur du projet de révision constitutionnelle. Quant à l'islamiste Djaballah, qui a critiqué le fait d'avoir confié la réforme constitutionnelle à un comité d'experts qu'il récuse, son positionnement définitif se fait désirer. Cela étant, il y a tout de même un sujet qui ne divise pas les islamo-conservateurs, c'est le tamazight langue officielle. Alors là, les langues se sont déliées. Sur sa page Facebook, le chef d'El Binaa a qualifié l'article 4 stipulant que « tamazight est langue nationale et officielle » de « résidu de la îssaba » ! Pour Abdallah Djaballah encore, le texte adopté est une « menace pour les constantes nationales » ! Pour d'autres, la constitutionnalisation de tamazight c'est « le retour de la France coloniale et de sa langue » ! Pour Abdelkader Bengrina, « la langue nationale officielle est une (l'arabe) et elle n'est pas sujette à discussion et débat et à se soumettre aux groupes de pression », déclarait-il le 8 mai dernier ! Le plus inquiétant est que durant le Hirak on a assisté, à compter du mois de juin, à une escalade de propos anti-tamazight s'exprimant de manière décomplexée sous une forme politico-religieuse et... anticolonialiste ! C'est contre cette banalisation de propos stigmatisant sans retenue l'identité amazighe que le président de l'association des zaouïas soufies s'est élevé l'autre jour à Tizi-Ouzou en interpellant le conseiller du président Tebboune, Nazim Benramdane. C'est aussi à propos de ces dérives à l'endroit notamment de Matoub Lounès que la famille et la Fondation Matoub Lounès ont déposé plainte le 20 septembre dernier contre un certain Noureddine Khettal pour « publications odieuses et ordurières » sur les réseaux sociaux. Parce que, explique Malika Matoub, la sœur du défunt chanteur, « cela risque de pousser le pays vers un point de non-retour ». D'autant que de tels propos sont tenus en violation de la loi et sans crainte par des politiques et des experts auto-proclamés qu'on voit défiler sur les plateaux de certaines télés privées. H. Z.