Les positions des partis islamistes divergent et sont diamétralement opposées en ce qui concerne le projet de révision de la Constitution. Au moment où certains partis font campagne en faveur du texte, d'autres ont opté pour la participation au référendum, mais en votant contre le projet. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Les partis de la mouvance islamistes se sont entendus à ne jamais s'entendre. Telle semble être la devise des islamistes algériens qui se confirme, encore une fois, avec le référendum sur la révision de la Constitution. Le contenu du texte proposé au vote populaire le 1er novembre divise les rangs des islamistes. Une partie de ce courant, par opportunisme ou hypocrisie, soutient le projet en faisant campagne en sa faveur. C'est le cas du mouvement El Islah de Filali Ghouini, qui était partisan du cinquième mandat du Président déchu Abdelaziz Bouteflika, et qui soutient de manière inconditionnelle le nouveau régime depuis l'arrivée de Abdelmadjid Tebboune à la tête de l'Etat. C'est le cas également du mouvement El Binaa, de Abdelkader Bengrina, qui a décidé d'apporter son soutien au texte, appelant à voter oui pour le projet malgré « quelques réserves » exprimées par lui. L'autre partie de la mouvance islamiste, représentée notamment par le MSP et le FJD d'Abdallah Djaballah, a opté pour la participation au référendum mais en appelant les Algériens à voter contre le texte. Djaballah a justifié sa position en expliquant que « le texte arrange les affaires des laïcs et n'accorde pas suffisamment d'importance à l'Islam et à la langue arabe ». Abdallah Djaballah, qui n'avait pas trouvé à redire en 2016 lorsque Bouteflika et son clan avaient officialisé tamazight, trouve que le maintien de l'article représente « un danger pour l'unité nationale », au moment où tous ceux qui raisonnent de manière utile trouvent que cette officialisation éloigne le danger quant à la sécurité de l'unité du pays. En avançant un tel argument, Abdallah Djaballah offense une des constantes du pays et porte, selon les observateurs, une atteinte à l'unité nationale. Pour presque les mêmes considérations, le MSP d'Abderrezak Makri, connu pour son entrisme et son accompagnement des dérives de Bouteflika durant de longues années, a appelé à voter contre le projet. Ce parti, dont la fragilité n'est plus à démontrer (un membre de son instance dirigeante a accepté de rejoindre le gouvernement), et qui avait même proposé un artifice pour permettre à Bouteflika de mourir sur le trône (prolongation du quatrième mandat), a expliqué que le projet n'est pas consensuel et ne reflète pas les orientations de la majorité du peuple. « Nos propositions n'ont pas été prises en compte», avait justifié le président du parti. Au lieu de s'attarder sur les divisions de sa mouvance, Abderrezak Makri a préféré s'attaquer, récemment, aux laïcs. « Les laïcs représentent une cinquième colonne sur laquelle comptent les puissances coloniales, et certains d'entre eux sont des agents des sionistes », a-t-il lancé, sans avancer ni de noms ni de preuves. Mais en matière d'opportunisme politique, le mouvement El Islah est un cas d'école. L'évolution de ces positions ces dix dernières années montre le délitement de la pratique politique chez le parti islamiste. Ainsi, en 2009, le parti avait présenté son propre candidat aux élections présidentielles pour rivaliser avec Bouteflika. En 2014, il avait soutenu la candidature d'Ali Benflis contre Bouteflika et, en 2019, lorsque le projet du cinquième mandat était présenté comme un attentat contre la dignité du peuple algérien, il avait pris position pour Bouteflika. Le parti s'est investi, sans crier gare, dans la campagne en faveur du projet de révision constitutionnelle. K. A.