Longtemps occupés à se faire la guerre entre eux, les partis islamistes semblent avoir trouvé un point de convergence. Pour la première fois depuis de longues années, ils adoptent une même démarche vis-à-vis de la révision constitutionnelle : ils appellent à voter "non" contre le projet à cause, notamment, de la place qui y est donnée à tamazight. À l'unisson, les quatre partis islamistes, qui se sont prononcés jusque-là, n'ont pas caché les raisons qui les poussent à appeler les citoyens à voter contre le projet de révision de la Constitution. L'officialisation de tamazight et son inscription dans les articles, qui ne peuvent faire l'objet d'amendements futurs, ont fini par faire sortir les partis islamistes de leurs réserves. Et si le parti El-Bina d'Abdelkader Bengrina a décidé de voter en faveur de la révision constitutionnelle, tout en dénonçant le statut de tamazight, les autres formations du même bord idéologique ont choisi de s'opposer au projet à cause, entre autres, de ces dispositions liées à l'identité. Le premier parti politique à afficher clairement son aversion pour le nouveau statut de la langue berbère est le Mouvement de la société pour la paix (MSP). Lors d'une conférence de presse animée la semaine dernière, le président de ce parti, Abderrezak Makri, n'a pas contesté ouvertement l'officialisation de tamazight. Mais il a clairement affiché son refus de voir la disposition portant officialisation de tamazight inscrite dans la courte liste des articles qui ne peuvent plus être amendables. Tout en affichant son opposition à cette inscription "avant de définir les caractères de sa transcription", Abderrezak Makri va plus loin : il appelle à reconnaître tamazight "dans son cadre arabo-islamique". Plus que cela, l'homme a toujours associé l'officialisation de tamazight à l'usage de la langue française dans les institutions de l'Etat. Plus tranché dans ses positions, le président du Front pour la justice et le développement (FJD), Abdellah Djaballah, n'y est pas allé par quatre chemins pour dire tout le mal qu'il pense du statut de la langue amazighe. Outre son refus de voir cette langue officialisée car "cela constitue, selon lui, une menace pour l'unité de la nation", le leader islamiste s'en prend aux rédacteurs du projet de la révision constitutionnelle sur une phrase ajoutée dans le préambule du texte : il s'agit d'un paragraphe identifiant la "terre algérienne" comme étant "une terre arabe, numide...". La référence à la Numidie pose problème à Abdellah Djaballah, qui trouve, comme les autres leaders islamistes, que cette nouvelle version de la Constitution est l'œuvre des "laïcs". Comme Abderrezak Makri, Djaballah prend également un raccourci pour associer l'officialisation de tamazight à l'usage de la langue française. L'officialisation de tamazight "aidera la langue française", a-t-il fulminé. Les deux figures de l'islamisme algérien ne sont pas les seuls à s'opposer à la nouvelle révision de la loi fondamentale à cause, notamment, de la place de tamazight. Ils ont été rejoints par Ennahda et El-Bina qui, tout en appelant à voter en faveur du projet, se disent être "déçus" de voir la langue amazighe constitutionnalisée et protégée. "Les islamistes qui boycottent la Constitution ne sont pas nos adversaires", a résumé Abderrezak Makri. Ali Boukhlef