Par Hassane Zerrouky Quand en avril 2007, au cours d�une guerre �clair, l�Ethiopie a chass� les islamistes de l�Union des tribunaux islamiques (UTI) qui avaient pris le contr�le de la Somalie, chacun savait que ce n��tait que partie remise. Trois ans plus tard, sous la conduite de Mohamed Abdi Godane, alias Abou Zuba�r, la branche jeune de l�UTI, les Shebabs, qui d�tiennent depuis 2009 deux agents de la DGSE (services fran�ais), ont repris pied en Somalie et contr�leraient plus de la moiti� du pays, et ce, en d�pit de la pr�sence des forces de l�Union africaine cens�es y assurer la s�curit�. Ce mouvement islamiste, ayant fait all�geance � Al-Qa�da, est le fruit de conditions sociohistoriques qui ont vu la Somalie sombrer dans le chaos. L�implantation de l�islamisme dans ce pays est d�ailleurs ant�rieure � la chute du r�gime de Siad Barre en 1991. C�est en effet durant les ann�es 1970, apr�s l�adh�sion de la Somalie � la Ligue des �tats arabes, que se cr�ent les premiers noyaux islamistes. En guerre pour le contr�le de l�Ogaden, avec une �thiopie dirig�e par le dictateur Menguistu Ha�l� Mariam, alors soutenu militairement par l�URSS et Cuba, le r�gime �socialiste� de Siad Barre se tourne vers les pays du Golfe alli�s et les Etats-Unis qui lui fournissent argent et armes. Washington, soucieuse de reprendre pied dans une r�gion consid�r�e comme strat�gique, fournira plus de 100 millions de dollars jusqu�en 1989. Une aide qui cessera avec la chute du mur de Berlin et la fin de l�URSS. N�entrant plus dans les plans de Washington, qui pensait qu�avec la disparition du �camp socialiste � le monde entrait dans l��re de la fin de l�histoire�, la Somalie sombre dans un �tat de guerre civile quasi permanent, livr�e � des seigneurs de guerre se livrant � toutes sortes de trafics et faisant r�gner l�ins�curit�. Entre-temps, gr�ce aux ONG caritatives islamistes des pays du Golfe pr�sentes dans le pays sous l��re de Siad Barre, l�id�ologie salafiste fait son petit bonhomme de chemin et p�n�tre graduellement une soci�t� o� l�islam soufi �tait dominant. Regroup�s au sein d�Al-Itihad al-islamiya (l�Union islamiste), les premiers noyaux islamistes somaliens s�assurent pacifiquement le contr�le de la plupart des ports somaliens, avant que le chef de guerre Mohamed Ayyidid ne les en chasse. Une d�cision qui ne les emp�chera nullement de poursuivre tranquillement la r�islamisation de la soci�t� somalienne dans un pays sans Etat, livr� � l�anarchie, au racket et � la loi des seigneurs de guerre. Bien plus, en d�pit de ce contexte th�oriquement peu favorable aux affaires, les islamistes somaliens passent la vitesse sup�rieure : ils se dotent en 1989 d�une banque, Al Barakaat, financ�e par les pays du Golfe, et se donnent ainsi les moyens d�instaurer un Etat islamiste. Gr�ce cette banque (dont les avoirs seront gel�s apr�s les attentats contre le World Trade Center en 2001) et le soutien r�gulier d�ONG caritatives des pays du Golfe, les islamistes ont d�velopp� tout un r�seau d�aide sociale, gagnant ainsi l�estime d�une grande partie des somaliens. C�est aussi durant cette p�riode qu�ils cr�ent les premiers groupes arm�s et vont donner naissance en 1994 � l�UTI (Union des tribunaux islamiques) qui finira par devenir la principale force arm�e du pays. En 2006, l�UTI n�aura aucun mal � contr�ler militairement tout le territoire somalien instaurant l�ordre social islamiste nouveau. Chass�e par l�intervention militaire �thiopienne, l�UTI dispara�t. Son chef, Ahmed Sharif laisse la place plus radicaux que lui, issus de la branche jeune du mouvement, les Shebabs. Ces derniers, qui profitent de l�incurie des dirigeants somaliens ramen�s dans les fourgons de l�arm�e �thiopienne et dont le pouvoir ne tient que gr�ce � la pr�sence des forces de l�Union Africaine, ne vont pas tarder � frapper aux portes du pouvoir.