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Les jeunes jurés retrouvent le goût de la lecture
Prix Goncourt des lycéens
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 11 - 2020

La lecture n'était souvent pas leur fort, mais les voilà propulsés jurés d'un prestigieux prix littéraire : si les élèves qui participent à la désignation du Goncourt des lycéens prennent à cœur cette responsabilité, c'est bien souvent qu'elle leur a permis de découvrir le plaisir de lire.
«Quand on leur a dit en septembre qu'il faut lire 14 livres, on a pensé qu'ils allaient s'enfuir en courant», se remémorent Tania Gaudin-Lenz et Valérie Laurent, respectivement professeure de lettres et documentaliste au lycée Marchal de Molsheim (Bas-Rhin). «En fait non, ils y vont, ils ont tous pris plusieurs livres pendant les vacances de la Toussaint. On est étonnées par leur enthousiasme.» Pour expliquer l'adhésion des élèves à cette aventure littéraire, une notion revient fréquemment : le plaisir de lire. Pas toujours présent quand il s'agit d'aborder les classiques inscrits au programme, il est beaucoup plus fort quand la lecture devient volontaire.
«C'est vrai qu'en cours, on a des contraintes, des évaluations, des exercices, il faut apprendre à faire une dissertation», concède Tania Gaudin-Lenz. «Ce prix, c'est inciter la lecture autrement». Le constat est partagé par les élèves. Inès, 16 ans, est intarissable sur Les Impatientes, roman de la Camerounaise Djaïli Amadou Amal qui aborde le sujet des mariages forcés, à travers les regards de trois femmes. «Il y en a une dans laquelle je me suis bien reconnue, du point de vue du caractère. Certaines réactions qu'elle avait, j'aurais pu les avoir : ça fait bizarre de se retrouver comme ça», explique la jeune fille blonde et longiligne. «Ce livre, c'est comme si on m'emportait dans un monde parallèle.»
«Des heures à bouquiner»
La lycéenne prend son rôle très au sérieux et souhaite terminer «le plus de livres possibles» parmi les 14 sélectionnés par l'académie Goncourt, et mis à la disposition de sa classe par la Fnac, le co-organisateur. Alors chaque soir, elle se consacre plusieurs heures à ces romans.
Après Chavirer de Lola Lafon, qui lui a «beaucoup plu», elle s'est attelée à Saturne de Sarah Chiche, et ne compte pas s'arrêter là. Cette envie de tourner les pages s'est installée beaucoup plus facilement que pour les lectures obligatoires du bac comme La Princesse de Clèves, roman publié en 1678 par Madame de La Fayette, à présent relégué au fond de son armoire.
«Ce n'est pas que je n'aime pas lire l'ancien français, mais c'est moins agréable, on n'a pas le même point de vue parce qu'on n'est pas dans la même époque», estime l'adolescente. «J'ai du mal à m'identifier aux personnages.»
Sa camarade Anaïs concède sans difficulté qu'elle n'aurait «jamais lu» à la Toussaint si elle n'avait pas été embarquée dans le concours. Mais la lycéenne a joué le jeu, ramené quatre ouvrages à la maison pendant les vacances, et passé des heures à bouquiner, en commençant par L'Anomalie, d'Hervé Le Tellier. «Elle nous a dit, à son père et moi : ‘‘Il faut absolument que vous le lisiez, il est formidable ce livre''», se réjouit Laurence Koebel, sa mère. «C'est la première fois qu'elle nous parle comme ça, je pense que c'est un livre qu'on pourra acheter.»
Rencontres avec les auteurs
Derrière ce «marathon de la lecture», le concours représente aussi pour ces élèves une opportunité rare de rencontrer des auteurs (en visioconférence cette année), et démystifier un peu plus la littérature. «Pour eux, un auteur, c'est un nom sur une couverture, c'est très abstrait, c'est quelqu'un du passé», relève Tania Gaudin-Lenz. Alors pouvoir dialoguer avec chacun des écrivains sélectionnés, «c'est vraiment leur rendre la lecture accessible».
Au-delà de la classe d'option «humanités, littérature et philosophie», la seule du lycée Marchal à participer au Goncourt des lycéens, la direction de l'établissement aimerait faire profiter les autres élèves, en filière général comme en filière technique, de cette expérience. «Nous allons valoriser leur travail en proposant une exposition, des comptes rendus, des lectures publiques», assure Christophe Lopatka, le proviseur adjoint.
«L'objectif est que ça donne envie aux autres d'intégrer ce type de projet culturel, même si on ne leur demandera pas de lire les 14 œuvres».
Le Goncourt des lycéens, auquel participent 56 lycées, devait initialement être décerné le 26 novembre, mais le jour de proclamation a été repoussé à une date non encore fixée.


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