Face à la crise politique, économique, financière et sanitaire, le médiateur de la République, Karim Younès, plaide pour le lancement d'un front national de solidarité et pour un consensus autour de plusieurs questions prioritaires. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Cette initiative, lancée hier à Alger par Karim Younès, lors d'une rencontre entre son institution et le Conseil national des droits de l'Homme, vise à «asseoir la stabilité du pays et à permettre une activité politique saine, encourageant l'émergence d'une nouvelle élite de compétences plurielles, susceptible d'inscrire notre nation dans des projets de développement qualitatifs». Dans son intervention, il a évoqué une crise politique, économique et sanitaire qui fait que «l'Algérie traverse une période critique, au plan interne et externe, menaçant la stabilité des institutions et la paix sociale». «L'absence de visibilité épidémiologique sérieuse sur le devenir à plus ou moins long terme de la pandémie Covid-19, l'incertitude relative au marché international des hydrocarbures et la dévaluation conséquente de la monnaie nationale, avec ses répercussions sur les prix des produits de consommation de base, exposent notre pays à des difficultés futures de gestion de la dégradation sociale», a-t-il alerté. À ce constat, l'orateur ajoute une bureaucratie traumatisante au plan moral, favorisant la corruption et aggravant le fossé entre la population et son administration. Pour lui, cette situation inédite «nous impose de prioriser la recherche de solutions consensuelles pour atténuer les répercussions sociales de la crise sanitaire». Et de soutenir que la période que nous traversons ne laisse pas de place à la confrontation politique ni à la compétition des programmes partisans. «Elle appelle à la mobilisation de toutes les énergies, afin d'éviter l'écroulement social aux conséquences imprévisibles, voire dramatiques pour toute la société, sans distinction d'appartenance idéologique», a-t-il dit. Ainsi, le front national de solidarité qu'il souhaite édifier a pour objectif principal de «mobiliser les énergies humaines, toutes tendances politiques confondues, afin de définir une démarche consensuelle de prise en charge des problèmes sociaux, issus à la fois de la crise politique et de la démobilisation citoyenne, de la chute des recettes en devises et des conséquences de la pandémie de Covid-19». Des mesures sociales, parfois contraignantes mais nécessaires, appellent à une adhésion massive et dynamique, afin de ralentir les effets délétères de la crise multidimensionnelle et remettre progressivement le pays sur les rails d'une politique économique productive, sortant de la dépendance des hydrocarbures, a-t-il ajouté. Karim Younès a, en outre, appelé à la mobilisation citoyenne, à travers ses représentants compétents, sans distinction, qui doit permettre l'adhésion consensuelle autour des quelques questions dont l'équité régionale dans la répartition des ressources, pour un développement local participatif, la sauvegarde de l'emploi et de la production des entreprises, dont les responsables ont été pénalement sanctionnés, l'identification et mobilisation des ressources de financement hors hydrocarbures, la définition des règles d'un fonctionnement de la justice, indépendant et respectueux des lois et l'élaboration d'une charte d'éthique et morale, pour les activités politiques et syndicales. Selon sa conception, la recherche d'un consensus autour d'une solidarité nationale passe par l'organisation d'un espace de débats constructifs, avec la participation de compétences multisectorielles, issues des différentes franges de la société. «Les divergences politiques doivent, conjoncturellement, céder la place à la recherche de convergences sur les questions sociales et de sécurité nationale», a-t-il estimé, avançant l'idée de l'organisation d'une conférence de solidarité nationale, impliquant des compétences consensuelles, dans les différents secteurs de la vie sociale. «Les réflexions issues des ateliers spécialisés feraient l'objet d'adhésion consensuelle, que chaque partie représentée s'engagerait à respecter, lors de la reprise de la compétition politique», a-t-il précisé. Par ailleurs, Karim Younès a affirmé que la situation économique grave et complexe de notre pays exige d'ouvrir le chantier de la débureaucratisation de tout le système. «S'attaquer à la bureaucratie consiste à saper sa logique, ses assises et son mode opératoire», a-t-il souligné. Il a plaidé, en outre, pour une véritable politique de décentralisation avec un contrôle a posteriori, en expliquant que le mode de gestion centralisé éloigne l'administré de l'administration, dilue les responsabilités et désespère l'administré qui, impuissant, va chercher d'autres voies et moyens pour régler son problème. K. A.