Ce projet a un nom: le Front national de solidarité. Il a un auteur: le ministre d'Etat et médiateur de la République, Karim Younès. Les contours de cette initiative ont été déclinés, hier, à l'occasion de la signature d'une convention de collaboration avec le Conseil national des droits de l'homme. Pour justifier les raisons de cette initiative, salvatrice, les arguments n'ont pas manqué au médiateur de la République. Ils sont d'abord d'ordre politique, économique et compliqués par une grave crise sanitaire. Dans son allocution, Karim Younès a noté que l'Algérie traverse une période critique, au plan interne et externe, menaçant la stabilité des institutions et la paix sociale. L'absence de visibilité épidémiologique, l'incertitude du marché pétrolier et la dévaluation conséquente de la monnaie nationale, avec ses répercussions sur les prix des produits de consommation de base, sont autant d'éléments qui, aux yeux de Karim Younès, exposent le pays à des difficultés futures de gestion de la dégradation sociale. Un signal d'alerte à prendre très au sérieux, sachant que l'auteur, n'est ni un défaitiste ni un amateur de l'alarmisme. À ces ingrédients s'ajoute une bureaucratie traumatisante au plan moral. Elle génère la corruption et aggrave le fossé entre la population et son administration. Que dire de la conjoncture internationale avec des menaces sérieuses à nos frontières, qui accentuent les risques d'une déstabilisation du pays? Le médiateur de la République ne s'est pas contenté du rôle de simple lanceur d'alerte. Ayant posé son diagnostic, Karim Younès en vient aux solutions. Que faire? «Cette situation inédite nous impose de prioriser la recherche de solutions consensuelles pour atténuer les répercussions sociales de la crise sanitaire qui frappe le monde et dont l'Algérie n'est malheureusement pas épargnée.» Pour l'ancien président de l'APN, il y a urgence et le temps n'est ni aux débats stériles, encore moins à la confrontation politique. Il s'agit plutôt de rassembler nos forces face à des dangers imminents qui nous menacent dans notre existence. «La période que nous traversons ne laisse pas de place à la confrontation politique ni à la compétition des programmes partisans», avertit le médiateur, appelant ainsi à la mobilisation de toutes les énergies avant de lâcher cette terrible sentence: cette mobilisation est une nécessité vitale «pour éviter l'écroulement social aux conséquences imprévisibles, voire dramatiques pour toute la société, sans distinction d'appartenance idéologique». C'est donc l'urgence qui dicte l'édification de ce front uni de solidarité. Ces objectifs sont nobles. Ils visent avant tout à réveiller des énergies assoupies, à mobiliser toutes les tendances politiques agissantes dans le pays et le tout sera contenu dans le cadre d'une démarche consensuelle de prise en charge des problèmes sociaux, issus à la fois de la crise politique et de la démobilisation citoyenne, de la chute des recettes en devises et des conséquences de la pandémie de Covid-19. Dans son allocution, il cite les principaux objectifs: équité régionale dans la répartition des ressources, pour un développement local participatif, sauvegarde de l'emploi et de la production des entreprises, dont les responsables ont été pénalement sanctionnés, identification et mobilisation des ressources de financement hors hydrocarbures, définition et mise en place d'une stratégie de prise en charge des catastrophes naturelles... Le chantier est long et sa construction appelle à des sacrifices. Karim Younès affirme dans ce sens que «des mesures sociales, parfois contraignantes mais nécessaires, appellent à une adhésion massive et dynamique, afin de ralentir les effets délétères de la crise multidimensionnelle». Il explique que c'est de cette manière qu' «on remettra progressivement le pays sur les rails d'une politique économique productive, sortant de la dépendance des hydrocarbures». À l'évidence, la recherche d'un consensus autour d'une solidarité nationale passe par l'organisation d'un espace de débats constructifs, avec la participation de compétences multisectorielles, «issues des différentes franges de la société. Les divergences politiques doivent, conjoncturellement, céder la place à la recherche de convergences sur les questions sociales et de Sécurité nationale». Voilà donc une initiative à affiner davantage et qui offre des perspectives à une sortie de crise sans grands dégâts. La situation économique grave et complexe de notre pays, exige d'ouvrir le chantier de la débureaucratisation de tout le système, à la recherche d'une transparence des méthodes et des procédures fondamentales. Ces méthodes et ces nouvelles procédures doivent guider le fonctionnement de l'Etat et de ses démembrements au service d'une efficacité durable des actions engagées, actions à la fois viables et fiables. C'est une démarche qui aura un résultat durable et appréciable sur le vécu des citoyens de notre pays.