Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Il y a une ann�e, nous avions tent� une �valuation de l��conomie turque et nous avions conclu qu�il fallait compter dans les ann�es � venir avec la Turquie. Nous avions d�j� soulign� que pour nous, pour notre �conomie, il y avait beaucoup de le�ons � tirer de l�exp�rience �conomique turque de la d�cennie 2000. Aujourd�hui et � la suite d�un �change que nous avons eu avec des coll�gues �conomistes turcs, nous avons jug� utile de reprendre, pour alimenter le d�bat, une analyse de l�industrie turque. Ce secteur fera de la Turquie, � n�en pas douter, une �conomie �mergente, solide et comp�titive dans la d�cennie � venir. Les consommateurs alg�riens trouvent sur le march� national de plus en plus de produits industriels manufactur�s turcs. De bonne qualit�, de prix abordables et comp�titifs y compris avec les produits chinois Les Alg�riens d�couvrent l�industrie turque L�industrialisation turque n�est pas r�cente. D�s les ann�es 40, une industrialisation par substitution d�importations est mise en �uvre. L�Etat turc y joue un r�le pr�pond�rant mais la pr�sence du secteur priv� est importante, notamment dans les industries textiles et agroalimentaires. Dans les ann�es 60, cette industrialisation est acc�l�r�e et lorsqu�en 1995, la Turquie signe le Trait� d�union douani�re avec l�Europe, son exp�rience industrielle est d�j� assez longue. Aujourd�hui, la production manufacturi�re turque occupe la 11e place en termes de valeur ajout�e, la 6e pour les exportations parmi les pays �mergents. L�industrie manufacturi�re participe raison de 25 % au PIB, 80 % aux exportations et 20 % � l�emploi total du pays (4 millions d�emplois en 2008). La structure de la valeur ajout�e et des exportations manufacturi�res est la suivante : Participation des branches industrielles V.A (%) Exportation % Agroalimentaire 20 12 Textile, habillement, cuir 18 12 Bois, ameublement 2 3 Chimie, p�trochimie, raffinage plastique 29 12 Ciment, verre, c�ramique 7 11 Sid�rurgie, m�tallurgie 7 13 M�canique, �lectrique, �lectronique 10 20 Equipement de transport 5 14 Divers 2 3 Une industrie bien diversifi�e Les branches industrielles qui ont le plus progress� ces dix derni�res ann�es sont les suivantes : (Base 100 en 1997)
Branche Ann�e 2008 Chimie 173 Sid�rurgie, m�tallurgie 168 Equipement m�canique 185 Machine de bureau 246 Electronique grand public 210 Construction automobile 220 Le secteur manufacturier pris globalement est pass� de l�indice 100 (en 1997) � 141 en 2008. � La Turquie a beaucoup d�velopp� l�industrie automobile. Elle exporte entre 35 et 45 % de sa production. � L�industrie des biens interm�diaires s�est �galement red�ploy�e dans l�exportation. La Turquie est le premier pays europ�en exportateur de ciment, le deuxi�me de verre plat, le premier d�engrais. La sid�rurgie turque exporte 40 % de sa production. � Avec 1,1 million de v�hicules fabriqu�s en 2007, la Turquie a d�pass� l�Italie et se classe au 5e rang europ�en. Cette branche est domin�e par les joint-ventures et est pass�e de l�assemblage � l�insertion dans la strat�gie internationale des grands constructeurs. 60 % de la production automobile sont export�s. La Turquie est un tremplin d�exportations pour les grandes marques Fiat, Renault, Ford, Toyota, Honda, Hyundai, sur la base de la sous-traitance internationale, les entreprises turques ont progress� dans les domaines de l��lectrom�nager (r�frig�rateurs, machines � laver) et de l��lectronique grand public (t�l�viseurs). Les IDE Les groupes industriels turcs ont des r�ticences � ouvrir leur capital (capitalisme familial), mais les entreprises �trang�res jouent en Turquie un r�le non n�gligeable notamment dans l�industrie agroalimentaire et surtout la construction automobile. Part des 500 entreprises � participation �trang�re dans les exportations industrielles turques (les 500 plus grandes entreprises)
Branches Entreprises �trang�res Agroalimentaire 6,3 % Textiles, habillement 0,2 % Bois, ameublement 0,1 % Chimie 2,1 % Mat�riaux de construction 0,0 % Sid�rurgie, m�tallurgie 1,3 % Equipement m�canique, �lectrique, �lectronique 9,2 % Automobile 81 % Ensemble des exportations 10 % Mais les IDE � destination de la Turquie sont surtout un secteur des services : banques, services financiers, tourisme. La Turquie a re�u les IDE en MDS USD 2004 2,8 2005 9,8 2006 20,1 2008 16/an 2009 16 La comp�titivit� industrielle de la Turquie repose sur une bonne productivit� globale des facteurs (PGF) comme le montre le tableau suivant : Productivit� globale des facteurs (capital et travail r�unis)
Moyenne OCDE 1 Cor�e du Sud 0,94 Espagne 1,03 Gr�ce 0,68 Turquie 1,45 Maroc 0,51 Hongrie 0,25 Egypte 0,27 Faible co�t de la main-d��uvre, fluidit� du march� du travail, qualification : ce sont ces �l�ments qui expliquent la bonne productivit� des entreprises turques. Durant la d�cennie � venir, il faudra compter avec l�industrie turque m�me si on en reste encore � la production de masse, � l�industrie �traditionnelle � et non pas � l�industrie de haute technologie et � l��conomie fond�e sur la connaissance. Apr�s vingt ans de protection qui lui ont permis de se diversifier (industrialisation par substitution aux importations), l�industrie turque a commenc� � s�ouvrir dans les ann�es 80 et a �surmont� le test de l�Union douani�re� (avec l�Europe). Aujourd�hui, l�industrie turque r�siste bien � la concurrence chinoise en red�ployant ses exportations vers l�automobile et l��lectronique. Ce red�ploiement s�appuie sur l�importation de produits semi-finis chinois qu�elle transforme pour les exporter sur le march� europ�en, o� elle est comp�titive. Il faut aussi observer que la Turquie s�int�resse de plus en plus � l�immense march� chinois et qu�� l�inverse, les investisseurs chinois s�int�ressent � la Turquie � la fois en tant que march� et surtout en tant que tremplin vers le march� europ�en. Les analystes de l��conomie turque pr�voient une d�cennie favorable � l�industrie turque dont la comp�titivit� ne cesse de s�am�liorer et les parts de march�s ext�rieurs d�augmenter. Comment la Turquie a-t-elle obtenu ces bons r�sultats �conomiques ? Sans h�sitation, on peut r�pondre : en construisant un nouveau r�gime de croissance. Il faut d�abord rappeler que sur les dix derni�res ann�es, la Turquie a connu trois crises �conomiques : 1994, 1999 et 2001. Cette derni�re a �t� particuli�rement s�v�re avec une d�valuation de la livre de 50 %, une s�v�re r�cession (- 6,7 %), un effondrement du syst�me bancaire et un tr�s fort endettement public. Un programme triennal de r�formes �conomiques est �labor� par le gouvernement et couvre la p�riode 2002-2004 avec le soutien du FMI et de la Banque mondiale. La Turquie a mis � profit cette p�riode pour construire un nouveau r�gime de croissance. D�abord, l��laboration et la mise en �uvre d�une politique de l�offre (que nous attendons toujours en Alg�rie) qui a repos� sur des r�formes structurelles dont les effets positifs n�en sont qu�� leur d�but. Trois grands volets structurent cette politique de l�offre, dont l�essentiel des mesures concernent directement l�entreprise. 1/ Le climat des affaires a �t� consid�rablement am�lior� entre 2003 et 2006. Pour la cr�ation d�entreprises par exemple, le nombre de proc�dures a �t� r�duit de 13 � 9, le d�lai n�cessaire de 38 � 9 jours, le co�t (rapport� au revenu par t�te) de 37 % � 27 %. 2/ En 2006, a �t� mise en �uvre la r�forme de la fiscalit� qui a consist� en une simplification de l�imp�t sur les soci�t�s (baisse du taux d�imposition) de 30 � 20 % ; exemption des cotisations sociales � la charge de l�employeur comprise entre 80 et 100 % ; subvention de 20 % sur les d�penses d��lectricit�. 3/ En mai 2003, a �t� introduite la r�forme du code de travail qui a organis� plus de flexibilit� : assouplissement des r�gles relatives � la dur�e de travail et aux heures suppl�mentaires ; rel�vement du seuil (de 10 � 30 salari�s) au-del� duquel les r�gles relatives � la protection sociale s�appliquent ; l�gislation des contrats � dur�e d�termin�e sans limite de renouvellement et des contrats � temps partiel. 4/ Le nouveau r�gime de croissance turque repose aussi sur une politique de relance de la demande qui s�exprime par une impulsion remarquable des exportations et un tr�s fort d�veloppement du cr�dit domestique. Entre 2000 et 2006, les exportations de biens et services (rapport�es au PIB en volume) ont augment� de plus de 15 % (soit 2,2 % en moyenne par an). Durant cette p�riode, l��conomie turque a r�alis� 45 % de gains de parts de march�. La consommation interne : La demande a �t� impuls�e aussi par une politique de cr�dits domestiques aux m�nages et � l�entreprise. Le cr�dit bancaire a atteint 33 % du PIB � la fin de l�ann�e 2006 (contre 20 % en moyenne entre 1990 et 2003). L�acc�s au cr�dit a �t� facilit� par une forte baisse des taux d�int�r�t et les cr�dits aux entreprises et aux m�nages ont repr�sent� plus de 50 % des cr�dits � l��conomie � la fin de 2006 (contre 33 % � la fin de 2003). Les pr�ts consentis aux m�nages ont tripl� et se r�partissaient en 1/3 en cr�dits logements ; 1/3 cartes de cr�dit et 1/3 autres cr�dits � la consommation. Remarques : Plus on avance dans l�analyse et plus on constate que l�Alg�rie fait, actuellement, exactement le contraire de ce qu�a fait la Turquie ! Il faut tout de m�me, avant de terminer cette pr�sentation, rappeler quelques fragilit�s de l��conomie turque. Il y en a au moins trois : 1/ Les finances publiques : Le d�ficit public s�est creus� pendant la crise (2008-2009). Le d�ficit public pr�vu pour 2001 sera de 4,5 % du PIB et la dette publique de 45 %. 2/ Le solde courant r�v�le une augmentation du besoin de financement de l��conomie alors que les flux de capitaux n�ont pas retrouv� leur niveau pr�-crise. La balance commerciale est d�ficitaire. 3/ L�inflation : Les pressions inflationnistes sont toujours l� : 9 % pr�vus pour 2010. Les ann�es 2008 et surtout 2009 ont �t� d�favorables � l��conomie turque qui a �t� touch�e par la crise mondiale, m�me si elle est rest�e r�sistante. Quelques indicateurs macro�conomiques Indicateurs 2007 2008 2009 2010 * PIB (%) 4,7 1,1 -5,3 1,8 * Dette publique (% PIB) 42,2 43,3 49 50,5 Solde courant -5,8 -5,7 -2,0 -3,5 Mais au-del� de cette phase conjoncturelle d�favorable de 2008 et 2009, l��conomie turque s�est consolid�e, a renforc� ses entreprises, a men� � bon port ses r�formes �conomiques autour de deux orientations majeures : 1/ Ouverture �conomique et commerciale r�gul�e. 2/ Encouragement de l�investissement priv� national et �tranger. Deux canaux d�int�gration � l��conomie mondiale et de construction de l��mergence. Bien �videmment, ces canaux se construisent dans le cadre d�une r�forme du r�le de l�Etat : de l�Etat providence � l�Etat r�gulateur. Quand notre pays engagera-t-il cette bataille ?