De Tunis, Mohamed Kettou Avec plus de 17 000 décès déclarés officiellement, la Tunisie aura touché le fond tandis que le taux quotidien des contaminations dépasse 30% des tests effectués.
C'est, selon les experts en santé, une catastrophe. Pour y faire face, le Président Kaïs Saïed a décidé de confier la gestion de la crise à la Direction de la santé militaire. Cette décision traduit la méfiance que le chef de l'Etat nourrit à l'endroit des gestionnaires civils. D'ailleurs, il n'a pas caché son courroux, parlant de la campagne de vaccination «Portes ouvertes» organisée le jour de l'Aïd et qui a abouti à un échec. Il est allé jusqu'à parler d'un complot ourdi par certaines parties sans les nommer. «C'est un crime» dont la victime n'est autre que le peuple tunisien venu en masse à la recherche du vaccin, a-t-il dit. À qui s'adresse Kaïs Saïed ? On comprend, sans risque de se tromper, qu'il s'agit du chef du gouvernement Hichem Mechichi qui vient de limoger, sans demander l'avis de personne et sans même informer l'intéressé, le ministre de la Santé Faouzi Mehdi. C'est, d'ailleurs, par le biais des médias que ce dernier a appris son limogeage. Cette façon d'agir de la part de Mechichi a été jugée «dénuée d'élégance» par tout le monde y compris par ceux qui ne ménageaient pas leurs critiques à l'adresse du ministre sortant. Ce limogeage en pleine crise sanitaire sans précédent a fait couler beaucoup d'encre. Finalement, les réactions ont été, pour la plupart, en faveur du ministre démis. Accusé de mauvaise gestion dans la crise sanitaire, il a trouvé des appuis, lesquels lui ont trouvé des circonstances atténuantes à travers la crise politique, économique et sociale que traverse la Tunisie et à travers les décisions du gouvernement qui, souvent, n'écoute pas les recommandations du comité de lutte contre la pandémie. Le ministre limogé a affirmé que, contrairement aux dires du chef du gouvernement, il a été amené à ordonner l'organisation de la campagne de vaccination massive le jour de l'Aïd sous la pression des services de la primature. Cette crise alimentée par les différends entre les trois têtes du régime est à la base de l'expansion de l'épidémie du coronavirus, estime-t-on. Le ministre limogé reçu au palais présidentiel Toujours est-il que le ministre démis a été «honoré» par le chef de l'Etat en le recevant au palais de Carthage lors d'une audience au cours de laquelle a été annoncée l'ouverture d'une enquête pour déterminer les responsabilités devant lesquelles aurait fui le chef du gouvernement qui ne cachait pas son aversion envers Faouzi Mehdi pour son «allégeance» au président de la République. Cela s'explique, aussi, par le fait que Faouzi Mehdi, médecin militaire de son état, est l'un des ministres imposés par le chef de l'Etat dans le gouvernement Mechichi formé en septembre dernier. En fait, ce limogeage traduit et remet à jour — si besoin est — les dissensions qui enveniment les relations entre les deux têtes de l'exécutif, comme le traduit cette phrase de Kaïs Saïed : «Alors qu'on cherche de l'oxygène pour sauver des malades, certains passent leur temps à projeter un remaniement ministériel.» M. K.