Le pass� colonial, non assum� par la France officielle, mine les rapports entre les deux pays. Les d�clarations d�plac�es de Nicolas Sarkozy sur les bienfaits de la colonisation, son d�sir de r�habiliter les anciens de l'OAS, n'aident pas � avoir des relations apais�es. Par Hassane Zerrouky Pr�s de 50 ans apr�s la fin de la guerre de Lib�ration nationale, l�Alg�rie et la France ne parviennent toujours pas � avoir des relations apais�es. Le pass� colonial, sur lequel il est difficile de faire l�impasse � 132 ans de colonisation ont laiss� des traces � empoisonne toujours autant les rapports entre les deux pays. Dernier exemple en date, le film de Rachid Bouchareb. Bien avant sa sortie en salles, certains conseillers de l�Elys�e avaient souhait� le visionner. Au festival de Cannes, des nostalgiques de l�Alg�rie fran�aise avec en t�te des �lus de l�UMP, parti au pouvoir, ont d�nonc� la projection de ce film. Il a �t� jug� �partisan� ou �r�ducteur� par ses d�tracteurs, quand ce ne sont pas des extr�mistes de droite, comme cela s�est pass� � Marseille, qui ont tent� d�interdire sa projection. Certes, on est loin de l��poque o� la Bataille d�Alger avait �t� publiquement interdit en France ! Mais, except� le quotidien l�Humanit�, ce film, le premier � montrer la guerre d�Alg�rie vue de l�autre c�t�, sans manich�isme, a fait l�objet d�articles de presse, moins �logieux que ceux dont a b�n�fici� Indig�nes. C�t� radios, Franceinter fait exception : elle est bien la seule � lui avoir consacr� une �mission en pr�sence du r�alisateur et de l�historien Pascal Blanchard, � une heure de grande �coute. Passons sur les d�clarations de Djamel Debouz, acteur et producteur du film, assurant qu�il faut �accepter qu�on ait un pass� en commun� et que le FLN en France �fait partie int�grante de l�histoire de France�, et retenons qu�au moment de sa sortie, trois documentaires sur la guerre d�Alg�rie ont �t� diffus�s par France T�l�visions. La blessure consacr� aux harkis � est ce un hasard ? � a �t� diffus� � une heure de grande �coute (20h30) par FR-3, alors que les Guerres secr�tes du FLN en France de Malek Bensma�n, l�a �t� � 23h sur FR-2, suivi � minuit pass� par L�Autre 8 Mai 1945 ! Un traitement m�diatique qui en dit long sur la frilosit� fran�aise � aborder sereinement des faits qui font partie de l�histoire de France. Les �coliers alg�riens et fran�ais partagent en commun la m�connaissance de l�histoire respective de leurs pays Cette m�me frilosit� n�est pas propre aux Fran�ais, elle existe chez nous. Il suffit de rappeler le toll� provoqu� par la sortie du livre de Sa�d Sadi consacr� au colonel Amirouche ou tout autre �v�nement relatif � la p�riode 1954-1962 qui d�rogerait � la vision officielle de la guerre de Lib�ration nationale. Par exemple, pourquoi traiter la colonisation sur le simple mode de la domination ? Pourquoi cacher le fait que des centaines de milliers d�Alg�riens ont pris part � toutes les guerres de conqu�te coloniale apr�s l�occupation de l�Alg�rie et ont pris part aux guerres imp�rialistes ? Des tirailleurs alg�riens ont pris part aux guerres napol�oniennes en Italie en 1859- 1960 ou encore � l�exp�dition du Mexique entre 1861-1967 ! Ces m�mes tirailleurs ont �t� sur d�autres fronts : la guerre de Crim�e en 1851, la conqu�te coloniale en Indochine et y compris au Rif marocain contre l��mir Abdelkrim ! Et ce, sans compter les Premi�re et Deuxi�me guerres mondiales. Cette histoire, il faut bien l�assumer. Poursuivons. L�Alg�rie dans l�histoire de France, c��tait le r�le qu�a jou� Alger, o� fut cr�� par de Gaulle en 1942, le Comit� fran�ais de lib�ration nationale, juste apr�s le d�barquement am�ricain. C�est � partir d�Alger que l�arm�e d�Afrique � dont 138 000 Alg�riens � est partie lib�rer la France. En dehors de la guerre de Lib�ration nationale, c�est Alger encore qui a �t� le th��tre de deux �v�nements marquants de l�histoire de France : le putsch du 13 mai 1958 qui a port� de Gaulle au pouvoir et le putsch avort� des g�n�raux Salan, Challe, Jouhaud et Zeller contre ce m�me de Gaulle quand ce dernier a compris que la guerre �tait perdue et qu�il fallait n�gocier avec le FLN ! Ni en Alg�rie, ni en France, cette histoire est connue. Ce qui fait que les �coliers des deux pays partagent une m�me m�connaissance de faits importants de leur histoire. En France, parce qu�� l�instar de Nicolas Sarkozy, qui affirmait en pleine campagne �lectorale que �la v�rit�, c�est qu�il n�y a pas eu beaucoup de puissances coloniales dans le monde qui aient tant �uvr� pour la civilisation et le d�veloppement et si peu pour l�exploitation�, on pratique la culture de l�oubli : rien sur l�exploitation coloniale, les expropriations massives, la paup�risation et les famines, la r�pression massive � les Alg�riens �taient r�gis par le code de l�indig�nat qui leur d�niait leurs droits les plus �l�mentaires, et l�analphab�tisme. A ce titre, on ne peut d�un trait de plume ou � partir d�un discours effacer les m�faits du syst�me colonial. En Alg�rie, on refuse de voir que l�exploitation coloniale a �t� � l�origine d�un prol�tariat �mancipateur : c�est en France au sein de l�immigration ouvri�re alg�rienne qu�est n�e l�Etoile nord-afrcaine avant qu�elle ne se transforme en PPA-MTLD, alors que les Oul�mas que l�histoire officielle pr�sente comme �tant � la source de l��veil de la conscience nationale pr�nait �l�Union fran�aise�, � savoir une Alg�rie int�gr�e � la France coloniale ! Pas plus qu�il ne faut faire l�impasse sur ces Fran�ais � tr�s nombreux � gr�ce � qui une majorit� de Fran�ais a pris fait et cause pour l�ind�pendance de l�Alg�rie. Sait-on que deux mois apr�s le 17 octobre 1961, le 8 f�vrier 1961, huit militants communistes sont morts, tu�s par la police fran�aise sur ordre de Papon, lors d�une manifestation (un million de personnes) pour l�ind�pendance alg�rienne et contre les crimes de l�OAS ! Et tous ceux � simples citoyens, artistes, intellectuels, militants politiques et syndicaux � qui, au m�pris du danger et de leur vie, ont pris une part active � l�ind�pendance du pays. Notre histoire, telle qu�enseign�e aujourd�hui dans nos �coles, en parle-t-elle ? Et pourtant, ce sont ces Fran�ais-l� qui ont sauv� l�honneur de leur pays en restant fid�les aux valeurs et aux id�aux de 1789, de la Commune de Paris, du Front populaire et de la r�sistance fran�aise. Ce sont eux qui ont pr�serv� l�avenir des relations entre les deux peuples. De l�histoire et des rapports des deux peuples, c�est cela qui doit �tre retenu. D�passer les passions et regarder l�Histoire en face Ces faits montrent qu�aborder l�histoire des deux pays n�est pas simple. Les griefs, les drames, les ressentiments de part et d�autre, les harkis dont les itin�raires et les parcours individuels renseignent sur la fa�on dont leur vie a bascul� � certains ont tu� et viol�, d�autres ont mouchard�, et d�autres l�ont �t� par accident et ont pay� pour les criminels et les colons � ont laiss� des traces qu�il est difficile d�ignorer. Au-del�, faut-il laisser le temps au temps afin d�effacer les s�quelles de cette histoire dramatique. Certes non, car � tout moment, une simple phrase, une comm�moration nostalgique, un film documentaire ou cette tendance n�gationniste bien fran�aise consistant � nier l�aspiration des Alg�riens � la lib�ration nationale, r�duisant la guerre de lib�ration � un affrontement entre le FLN et l�arm�e fran�aise o� les Alg�riens auraient �t� pris en otages, suffiront � r�veiller les vieux d�mons. Bien plus, faut-il faire d�pendre les relations �conomiques et culturelles entre Alger et Paris de la mani�re dont les officiels fran�ais voient le pass� entre les deux pays comme le sugg�rent certaines voix ? Une chose est s�re, le pass� colonial n�a pas emp�ch� le d�veloppement de relations entre les deux peuples. L�existence d�une importante immigration alg�rienne, voire de centaines de milliers de Fran�ais d�origine alg�rienne, attach�s � leur pays, sont des facteurs qui p�sent beaucoup. Qui plus est, des rapports humains transcendant les rapports tumultueux entre les deux pays ont �t� tiss�s de part et d�autre de la M�diterran�e. Durant la d�cennie noire, c�est en France que s�est exprim�e la solidarit� avec les Alg�riens victimes du terrorisme islamiste. Durant le s�isme de Boumerd�s, c�est en France, plus que dans les pays arabes dit fr�res, que l�opinion publique s�est mobilis�e. Plus pr�s de nous, les fran�ais ont �t� de tout c�ur avec l��quipe alg�rienne en Coupe du monde, etc. Des hommes d�affaires fran�ais veulent sinc�rement investir en Alg�rie. D�s lors les en emp�cher sous pr�texte que Sarkozy ne veut pas faire des �excuses� n�est pas dans l�int�r�t de l�Alg�rie. La seule chose � exiger � c�est une question de volont� politique � est de demander � Jean-Pierre Rafarin, qui viendra en Alg�rie en �mission command�e �, est de cesser de prendre l�Alg�rie pour un immense march� o� �couler les invendus des entreprises fran�aises ! Reste � savoir si du c�t� alg�rien, o� la maffia de l�import veille au grain, il existe une volont� politique � ce dont je doute pour l�heure � � casser les reins de ceux qui, profitant de la rente p�troli�re, cherchent � emp�cher l�implantation d�entreprises fran�aises en instrumentalisant le pass� colonial. Car, parmi ceux qui agitent la loi sur la criminalisation de la colonisation � pas tous bien s�r � il existe des gens qui ne sont pas int�ress�s par une coop�ration mutuellement avantageuse. Autrement, comment expliquer tous ces ratages �conomiques comme le refus d�une usine de montage de Renault, sinon pour pr�server le march� fructueux de l�importation de v�hicules !