Faut-il, pour la énième fois, rappeler que l'idéologie du MAK et le discours de son premier chef sont dangereux pour l'unité nationale ? Dire encore qu'ils relèvent du délirium tremens mais qu'ils constituent désormais un poison réel. Enième épisode, nouvelle illustration de ce péril politique qui, même s'il n'est pas majeur, est à prendre néanmoins au sérieux. Et c'est Ferhat Mhenni, le leader historique du Mouvement de l'autonomie de la Kabylie qui l'exprime dans un bilan d'étape établi pour ses partisans. Dans une missive ad hoc, il voit de nouveau les Kabyles «à l'image des Kurdes de Turquie» que l'Algérie «traite en ennemis dont il faut éteindre l'identité et la langue y compris par l'extermination s'il le faut». Pis qu'un Cassandre, il exhorte alors ses militants à se «préparer à parer à toute éventualité, y compris dans la perspective de l'effondrement du pouvoir algérien». Et ce corbeau de mauvais augures de prédire la guerre civile comme issue inéluctable : «Il est vital que la Kabylie (…) ne soit pas aspirée dans la spirale de la guerre civile.» Il n'y a pas longtemps, le Nostradamus indépendantiste avait encouragé ses troupes à «constituer des services d'ordre et de vigilance». En fait, des milices ou une police parallèle à celle de la République. Forces susceptibles de s'opposer à la police et à la Gendarmerie nationales en Kabylie. Ce discours sécessionniste et belliciste est certes absurde mais est surtout de plus en plus dangereux. Cette façon de voir les choses est certes kafkaïenne mais elle fait partie d'un discours subversif, forcément destructeur car porteur d'une menace séparatiste réelle. En dépit de cela, les autorités nationales ont mis du temps pour en prendre un peu la mesure. Et qualifier enfin le MAK de «mouvement fractionnaire». Il est donc perçu par le pouvoir central comme étant désormais ce qu'il est : un mouvement séparatiste. Cette attitude de fermeté quoique tardive a tout de même ceci de bon qu'elle incite à se questionner sur la réalité de cette «menace fractionnaire». Quand il revendique l'indépendance de la Kabylie après avoir prôné son autonomie, il y a là un sérieux problème. Et cela devient plus problématique quand l'idée d'un schisme kabyle fait son chemin même lentement. Il est vrai que nos chers compatriotes kabyles ne sont pas, pour l'instant et dans leur grande majorité, acquis à ses thèses séparatistes. C'est du moins ce que l'on constate empiriquement en l'absence de sondages qualificatifs. Alors, tout en veillant rigoureusement à la préservation de l'unité nationale, il faudrait déconstruire le discours idéologique du MAK et faire la lumière sur ses soutiens, étrangers notamment. On sait que Mhenni avait jusqu'ici l'appui affiché du Maroc et le soutien discret d'Israël qu'il a visité et dont il appuie la politique d'occupation et d'expansion coloniales. En revanche, la nouveauté, c'est l'intrusion du méphistophélique Bernard Henri Lévy qui confond lui aussi, délibérément, Kabyles et Kurdes. Les Kabyles, «ce peuple sans Etat comme le sont les Kurdes». Le grenouilleur international français, qui aime tant être l'étincelle du feu de déstabilisation des pays qui refusent de pactiser avec Tel Aviv, reprend à son compte une antienne du MAK. Pour Ferhat Mhenni, une Kabylie indépendante, c'est un nouveau Kurdistan qui serait le meilleur allié des USA et de l'OTAN contre Daech. Avant qu'il ne se perçoive lui-même en Kabyle-Kurde, son discours a évolué pour passer de la régionalisation à l'autonomie avant d'évoquer une nette séparation de la Kabylie du corps national. On sait que le Ferhat M'henni du jour n'a plus rien à voir avec le patriote unioniste et démocrate de naguère. Place donc au séparatiste devenu ami d'Israël, l'obligé du makhzen marocain et le nostalgique assumé de la colonisation française de son pays. Il n'y a pas si longtemps que ça, devant des députés de droite français glorificateurs de la colonisation, il avait estimé alors qu'elle était un «regrettable accident» historique. Dans son esprit, c'est un «malentendu» ayant pour point de départ la bataille d'Icherridène en Kabylie (24 juin 1857) et pour point final l'indépendance de toute l'Algérie. Même la Libération est un «malentendu», vu qu'en 1962, «la Kabylie n'a jamais récupéré sa souveraineté transférée» par la France coloniale au pouvoir central de l'Algérie libérée. Il avait trouvé aussi que la France coloniale fut plus clémente à l'égard de la Kabylie que ne l'aurait été le régime algérien depuis 1962 : «Ce qui oppose le pouvoir à la Kabylie est bien plus lourd que ce qui a opposé la France à la Kabylie depuis 1857 jusqu'à 1962». La colonisation est ainsi absoute de tous ses crimes. Du coup, ses compatriotes au pouvoir depuis 1962, décideurs Kabyles inclus, fort nombreux au demeurant, auraient commis des «crimes bien plus graves que ceux de la colonisation». Dans cette logique, la geste héroïque de Fathma N'Soumer et des Cheikhs El Mokrani et El Haddad relèvent d'un «malentendu» à «dissiper». Les crimes à grande échelle du maréchal Randon et des généraux Mac Mahon, Renault et Maissiat en Kabylie relèvent aussi d'un «malentendu». Dans la sémantique séparatiste du MAK, il est question également d'«ethnocide» et de «génocide» de Kabyles devenus par ailleurs les «nouveaux Juifs», les victimes supposées d'un Exodus à l'algérienne. Délirium tremens mais poison réel. A ne plus jamais négliger. N. K.