Le ministre du Commerce s'empêtre dans les circuits commerciaux. Après les épisodes du lait en sachet, de l'huile de table et de la farine, Kamel Rezig met son grain de sel dans le circuit de la commercialisation des produits agricoles qui fonctionnait tant bien que mal, hormis quelques dérapages enregistrés à l'occasion des fêtes religieuses. Sa dernière décision soulève un tollé aussi bien chez les syndicats des commerçants, que chez les travailleurs de la terre. Une décision qui semble avoir été prise dans la précipitation sans étude ni autre analyse du marché. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - Les agriculteurs sont depuis dimanche 5 septembre autorisés à vendre leur production sur les marchés de gros, de détail et directement au consommateur, sans avoir à fournir de document particulier. Une décision du ministère du Commerce qui vise à «réguler et contrôler les marchés», et à «poursuivre les opérations de lutte contre toute forme de spéculation». Si ce nouveau mode opératoire a été applaudi par les consommateurs, les marchands de gros de fruits et légumes, eux, ne l'ont pas du tout «apprécié». Il a d'ailleurs soulevé un tollé chez cette corporation. L'Union générale des commerçants et artisans d'Algérie (UGCAA) dénonce cette décision et la qualifie d'«arbitraire». Elle estime qu'elle pénalise toute l'économie du pays. «Nous ne trouvons nulle part ailleurs au monde ce genre de transactions commerciales. L'UGCAA est contre cette décision. Nous avons d'ailleurs exprimé notre position au ministère du Commerce», souligne son secrétaire général et porte-parole, Hazab Benchohra. Selon lui, l'agriculteur a déjà suffisamment de difficultés à gérer et s'occuper de sa ferme et de sa production, pour lui attribuer la mission de commercialiser ses récoltes. «Ce n'est pas possible ! D'ailleurs, même les agriculteurs ne sont pas favorables à cette décision. Cette nouvelle mission risque de leur faire perdre leur vocation, et de les convertir en des commerçants sans registre de commerce et exonérés d'impôts. Un jour, ils vont proposer des bananes alors qu'ils ne les produisent pas», fait-il savoir. À ce rythme, poursuit-il, «nous allons apparemment retrouver les producteurs transformateurs de produits alimentaires vendre leurs produits sur le pas de leur unité de production. Idem pour les importateurs. Nous allons finir par ne plus avoir besoin de commerçants dans notre pays !» Très critique envers le ministère du Commerce, le secrétaire général et porte-parole de l'UGCAA estime qu'en prenant cette décision, la tutelle n'a pas du tout mesuré ses lourdes conséquences, tant sur le plan économique que sur le plan social. Il estime que pour réguler le marché et stabiliser les prix des fruits et légumes, le département de Kamel Rezig se trompe de cible. Pour lui, le nœud gordien se trouve dans le commerce informel et non pas chez les commerçants légaux. «Soixante-dix pour cent des commerçants activent dans le commerce illicite et provoquent la flambée des prix des produits. Le marché de gros obéit à la règle de l'offre et de la demande ,et avec autant de marchands informels qui ne payent ni loyer, ni impôts, ni charges sociales, le prix des marchandises augmente. C'est cette concurrence déloyale qui fait flamber les prix», explique-t-il. Hazab Benchohra affiche, à cet effet, l'adhésion et le soutien de son organisation à la traçabilité du produit et à la facturation. «Si l'Etat veut limiter la marge bénéficiaire sur chaque produit, on n'est pas contre», ajoute-t-il. Il rappelle que l'UGCAA a toujours plaidé pour être un partenaire associé à la prise de ce genre de décisions. Malheureusement, déplore-t-il, «ce ministère s'entête à prendre des décisions unilatérales». Il affirme, par ailleurs, que de nombreux marchands de gros de fruits et légumes à travers les différentes wilayas du pays ont manifesté leur colère et comptent entreprendre une action pour protester contre cette décision. «Ils veulent incendier la société avec des décisions pareilles ! Seulement après, ils sollicitent l'UGCAA pour apaiser les esprits. Nous ne sommes pas des sapeurs-pompiers», conclut-il. Ry. N.