Comme vous pouvez le constatez, j'emprunte ce titre à une écrivaine que j'ai beaucoup lue dans une autre vie ; il s'agit en l'occurrence de Françoise Sagan. Ça sert à cela aussi la littérature qui permet, heureusement, à l'utilisateur de pomper citations, vocabulaire, et titre (pourquoi pas ?). Il y a de cela un fagot d'années, alors un fagot énorme, sur conseil de mon professeur de philosophie qui, aujourd'hui, selon mes informations, vit un exil glacial au Canada qui, voyant que la philosophie n'accrochait pas grand monde dans la classe, nous conseilla de lire, pour maîtriser la langue, lire de tout y compris les illustrés. Il a remarqué que certains d'entre nous étaient plus proches de San Antonio que de Flaubert. Pour revenir à Françoise Sagan, je me dois de dire que j'ai pratiquement tout lu d'elle. J'ai aimé son style alerte, simple aussi, sans recherche d'un vocabulaire trop précieux. Il y a également une thématique librement choisie dans ses textes et dans sa vie qu'elle a brûlée de tous les côtés. Je ne me suis pas contenté de ne lire que Sagan. J'ai suivi le conseil de mon prof de philo, Chabane Bouaziz pour ne pas le nommer. J'ai écumé les polars de San Antonio à Chase, de Rex Stout à Paul Kenny. J'ai lu néanmoins de la littérature, celle qui présente bien, celle qui est fréquentable, celle dont on discute pour faire pédant, celle qui vous place en haut du podium. Une année de lecture, ça fait beaucoup. Puis, je n'arrête pas de lire. « Bonjour tristesse », parce que depuis quelques jours, je suis plein d'une douce tristesse, mélancolique, qui me renvoie à un parcours de vie, défilant souvent par bribes, comme le lancement d'un film à sensation. Le titre de Sagan sied à mon état d'âme actuel, à merveille ; aussi, l'ai-je emprunté ! Il m'arrive de me revoir adolescent à Alger, plus spécialement à Laâkiba, espace duquel je poussais mes incursions vers d'autres coins d'une capitale qui, le temps de quelques années, tenait encore son rôle de première ville d'Algérie, avant que Meskoud ne chante Ya Dzaïr ya el assima. Il m'arrive également d'aller du côté de Dellys, la ville de Habib Ayyoub, où nous allions tremper nos corps assoiffés dans ses rivages bleutés. C'est ainsi tout le temps, ces derniers jours. Comme si le trépas caressait mes phalanges. De là, une tristesse intemporelle, jouissive parfois, pénètre mon être. Je me laisse bercer par un ressac mémoriel d'une douceur inouïe. J'essaie d'oublier, ou de tenter d'oublier, la rudesse de mon présent. À chacun sa sensibilité, la mienne est à fleur de peau. J'avoue, je ne peux pas faire autrement, je ne sais pas taire mes sentiments, que mon espace immédiat se rétrécit au fil du temps. Je me retrouve graduellement seul face à ma tristesse. Il n'y a pas beaucoup qui comprenne qu'on peut être triste. Et, surtout, le montrer ; comme je le fais maintenant. Pour eux, un homme, ça ne pleure pas ; un homme, c'est un roc inébranlable ; un homme doit avoir la banane à longueur de temps. Désolé, il m'arrive d'être triste au point d'en pleurer ; je ne suis pas un roc ; je ne suis qu'un homme obèse de sa sensibilité, au point où j'ai la faiblesse de me réfugier dans la lecture. Et dans l'écriture principalement de la poésie. Et de pleurer ! Je disais donc que l'espace se rétrécit drastiquement. La mort, incorruptible et inexorable, fait son sale boulot. Elle passe sans prévenir. Hop, elle se sert ! Elle a le chic de choisir parmi les miens, ceux qui remplissent mon espace vital et ceux qui, sans doute comme moi, ont le cœur sur la main. Ce Covid a fait sa part de la sale besogne. Je le voue aux gémonies ; sauf qu'il varie sans prévenir et n'arrête pas de prendre son obole assassine. Puis, hier seulement, l'âge a eu raison de l'ami Saïd Smaïl, journaliste et écrivain ; il est parti, je le savais affaibli, sans crier gare, évasant cet espace qui me sert de refuge salutaire. Je ne suis pas le centre du monde. Je vis avec tout ce qui m'entoure, ici et ailleurs. Aussi, bien que je ne sois pas très football, j'ai vibré avec la victoire de l'équipe nationale, pas pour son beau jeu, mais par chauvinisme ; je le reconnais et je l'assume. Car certaines voix venues de ce Moyen-Orient, adulé par certains d'entre nous, à plusieurs reprises, nous indiquent que nous ne sommes pas des leurs ; nous ne formons même pas un appendice ; alors que nous nous accrochons, mordicus, à une nation mythique. Maintenant, qu'allons-nous faire de cette Coupe arabe ? Personnellement, je l'aurais offerte au Quatar comme cadeau de bonne année universelle. Peut-être aurais-je participé à clouer le bec à certains Qataris. Les joueurs l'ont déjà fait ; tant mieux, kho ! Je le disais dans ma dernière chronique, les maires ont été installés ; ça y est, c'est fait ! Je sais que celui de Tizi a mis son écharpe. Sur le terrain, je ne vois rien venir. Je pensais, naïvement certainement, qu'il allait mettre tous les travailleurs de la voirie, aux quatre coins de la ville, à s'occuper à récurer celle-ci de fond en comble, à s'occuper des pauvres arbres, figés tristement sur des trottoirs chaotiques, souffrant de rachitisme, à rapiécer solidement les rues défoncées. Il est vrai que c'est la fin de l'année. Que ça peut attendre l'an prochain. Sauf que l'an prochain, il faudra attendre la mise en place des budgets. D'ici là, en étant optimiste la fin du premier trimestre, la couche de saleté ira en grossissant. Et nos arbres arboreront toujours cette mine défaite et malheureuse. Ah s'il y avait une âme charitable, à la mairie, à la daïra ou à la wilaya, d'aller rendre visite à la stèle de Lalla Fatma N'Soumer qui cuve une solitude post mortem au milieu de broussailles inesthétiques ! Pas que, puisqu'il y a nos colonels qui connaissent la même situation, chacun à la place où la statue est érigée. En ce moment, Chahnaq commence à desserrer le poing. Puis, la Covid n'arrête pas de changer de gueule pour mieux engloutir la vie des gens. Je me suis vacciné (deux doses) contre ce virus, c'est ce qu'on nous a conseillé, du moins les scientifiques du monde entier ; je me suis vacciné, comme chaque année contre la grippe, pour éviter une confusion possible. Sauf qu'il faut encore une troisième dose dans un délai de six mois, nous dit-on, puis dans un délai de cinq mois, rectifie-t-on, puis (enfin) dans un délai de quatre mois, pour convaincre définitivement les récalcitrants. Juste au moment où on a repris souffle, un variant sud-africain vient semer encore le trouble et la peur. Surtout quand je vois sur la toile des « facebookers » appelant à l'aide, qui pour un concentrateur, qui pour le fameux médicament Lovenox, me semble-t-il. Pourquoi n'y a-t-il plus d'oxygène, encore ? Que se passe-t-il ? Qui peut répondre à cette question ? Y. M.