«Les empires ne se conservent que comme ils s'acquièrent, c'est-à-dire par la vigueur, par la vigilance et par le travail», lit-on dans les Mémoires du Français Louis XIV. Et «le prix de la liberté, c'est la vigilance éternelle», apprend-on, d'autre part, de l'Américain Thomas Jefferson. En vérité, nous ne serons jamais assez vigilants ! Avec 6 427 kilomètres de frontières terrestres se répartissant entre sept pays limitrophes, y compris le Sahara Occidental occupé par le Maroc depuis 1975, l'Algérie est confrontée plus que jamais à la complexe question de leur sécurisation permanente. Outre le risque militaire classique, la multiplication des menaces liées à la criminalité diversifiée, la contrebande variée, l'immigration clandestine, au trafic de stupéfiants en tout genre et au terrorisme endémique rend encore plus malaisée leur surveillance efficace. S'il n'existe nulle part au monde des frontières totalement hermétiques, il existe cependant des possibilités technologiques permettant de réduire leur degré de porosité. Avec 1 643 kilomètres, 150 postes frontaliers accessibles sur une distance de 1 540 kilomètres, la frontière terrestre avec le Maroc, la plus longue de toutes, est celle qui pose le plus de problèmes à bien des égards. Les confins territoriaux avec le voisin belliqueux de l'Ouest connaissent, en temps normal, une forte densité et des échanges intenses. S'y ajoute le fait que le Maroc soit un pays de repli pour des réseaux de soutien terroriste et un lieu de passage pour immigrants illégaux en quête d'entrée dans les territoires de l'Union européenne (UE). Cette frontière est ainsi un laboratoire à ciel ouvert pour l'observation et la gestion de toutes les formes de crime organisé, d'immigration clandestine, de trafics en tous genres et de terrorisme transfrontière. Pour y faire face, les pouvoirs publics ont mis progressivement en place un réseau de surveillance électronique tout le long des frontières terrestres. En novembre 2006, un tronçon de 100 kilomètres sur les frontières ouest était déjà couvert. Il s'agit de l'installation de capteurs, notamment de type thermique, de radars et de caméras. À partir de 2010, la Gendarmerie nationale et les gardes-frontières disposaient d'un réseau unifié national d'informations et de télécommunications, baptisé Runitel, auxquels ont été reliés toutes les brigades de gendarmes et tous les postes de gardes-frontières. Il était temps. En se résolvant à se doter enfin d'un système de surveillance électronique de ses frontières, l'Algérie n'y a accompli en fait rien qui soit vraiment révolutionnaire. Il s'agissait tout simplement d'une simple mise à niveau sécuritaire à une époque où les menaces sont multiples et le risque criminel transfrontière permanent. Le risque zéro et les sanctuaires parfaits n'existent pas. En réalité, il s'agit alors, pour nous Algériens, du passage à une phase de gestion qualitative du risque frontière après les différentes étapes de délimitation des lignes de séparation avec les pays voisins. Voici venu donc, après les étapes de démarcation et d'abornement des frontières, le temps de la sécurisation technologique de haut niveau et de tous les instants. Ce processus implique l'existence de capteurs électromagnétiques, électro-optiques, des systèmes intelligents de signaux, d'images et de communication, ainsi que des radars en réseaux. Ces équipements de pointe peuvent être intégrés dans des installations fixes ou mobiles (avions, hélicoptères, drones et autres plates-formes). D'autres pays se sont déjà attelés à la mise en place de systèmes globaux de surveillance. Par exemple, la grande Russie du sécuritaire par excellence Vladimir Poutine. Cet Etat immense possède depuis 2003 un service fédéral de surveillance des frontières sous la coupe du FSB, héritier moderne du légendaire KGB. Quant à elle, l'Union européenne (UE) dispose notamment d'un instrument communautaire sophistiqué, l'Eurosur, système intégré de surveillance des frontières. Son objectif : améliorer notamment la connaissance de la situation aux frontières extérieures des Etats membres et augmenter la capacité de réaction de leurs services de renseignement et de contrôle des frontières. En somme, Big Brother aux frontières. Big Brother qui vous regarde, vous surveille, bref, veille sur vous ! N. K.