L�un des plus anciens torr�facteurs d'Alger nous a ouvert ses portes. Situ� � la rue Abderrahmane-Arbadji (ex-rue Marengo), � la Casbah, ce commerce existe depuis la fin des 50�s. Pour les anciens Casbadjis, pas question d�aller acheter leur caf� ailleurs. De la chemin�e du n�16 de la rue Abderrahmane-Arbadji (Casbah) montent des effluves de caf� torr�fi� � vous donner l�eau � la bouche. Lorsque la m�t�o annonce du vent, Ammi Abderezak, dit Mustapha (70 ans), torr�facteur de p�re en fils, met le turbo. Il sait que des essaims de touristes et surtout de visiteurs de passage � la zaou�a de Sidi Abderrahmane, situ�e � un jet de pierre d�ici, grossiront les rangs de ses clients habituels. All�ch�s par l�ar�me divin de son caf�, ils se pr�cipitent dans son commerce avant de repartir les bras charg�s de petits paquets jaunes estampill�s �caf� El Fadjr�. De g�n�ration en g�n�ration : 60 ans de m�tier Dans la famille Khelifaoui, on est artisan torr�facteur de p�re en fils. Il y avait El-Hadj Mohamed, le doyen, d�c�d� il y a quelques ann�es. Avant de rendre l��me, ses derni�res paroles pour ses fils r�unis � son chevet ont �t� : �Promettez-moi de ne jamais tricher avec notre caf� !� Promesse tenue. Le �kawa� a toujours le m�me go�t ; comme en t�moignent des clients aux cheveux grisonnants et des femmes en ha�k blanc rencontr�s sur place �El ba�na (le go�t) n�a pas boug� depuis 1959�, atteste un veillard affichant 80 berges au compteur. Dans la famille Khelifaoui, j'appelle le fils : Abderezak alias Mustapha (70 ans). Avec son fr�re, il a repris le flambeau de cette fabrique artisanale de caf�. Il d�roule pour nous le fil des souvenirs �A la fin des ann�es 50, il n�y avait que deux torr�facteurs � Alger. L�un situ� � la rue de Chartres et l�autre � cette adresse. A l��poque, le paquet de caf� moulu de 125 g co�tait � peine 1 DA. Celui de 500 g revenait � 4 DA, ya hasrah� Et de poursuivre : �Pour faire face � sa client�le qui augmentait de jour en jour, mon p�re s��tait �quip� d�un nouveau torr�facteur de la marque Probat. D�ailleurs, cet appareil continue � torr�fier les grains de caf� vert.� Du Br�sil � La Casbah Mustapha nous entra�ne � l�arri�re du magasin o� son fils Abderrahmane (26 ans) s�occupe de la torr�faction. Un grilloir cylindrique, d'o� se d�gagent des effluves ent�tantes, est en plein travail. �Nous torr�fions jusqu�� 500 kg de caf� par jour. Un m�lange de robusta � 90% et d�arabica � 10%�, indique Mustapha. Son fils v�rifie le degr� de cuisson des grains avec une sonde : �Je dois rester vigilant. Il m�est arriv� de cramer tout le caf� parce que j��tais dans la lune�, confie-t-il en riant. Le torr�facteur en rotation permanente permet aux grains d��tre torr�fi�s de mani�re uniforme sans br�ler. Apr�s une demi-heure environ, l�op�ration est termin�e. Abderrahmane ouvre la porte m�tallique du cylindre. Comme une pluie, les grains de caf�, tous bronz�s tombent dans un bac de refroidissement. En chemin, ils se sont d�barrass�s de leur fine pellicule argent�e et lib�rent un ar�me subtile. Ces grains qui ont voyag� dans des sacs en jute depuis le Br�sil et la C�te d�Ivoire seront ensuite moulus avant d�arriver dans vos tasses. Souvenir d�un caf� nomm� pois chiches Mustapha remonte le temps. Il �voque les ann�es 1980, au temps o� le petit noir avait le go�t de pois chiches. �A cette �poque, l�Onaco d�tenait le monopole de l�importation. Le kilo de caf� co�tait les yeux de la t�te, environ 150 DA le kilo. On nous le vendait avec l�obligation de le m�langer aux pois chiches.� A grand coup de matraquage publicitaire les marques made in, comme Lavazza, Legal, Nespresso, Maxwell, Carte Noire, Jacques Vabre... tentent de s�duire les consommateurs. Mais aux yeux des anciens Casbadjis, aucun autre brevage ne saura �galer en qualit� celui qu�ils ach�tent, depuis 60 ans, chez cet ancien torr�facteur de la vieille M�dina. Sabrinal