Affolé, paniqué par la décision d'expulsion dont il a fait l'objet de la part du propriétaire de l'immeuble qui comprend trois étages sis 37, Rue Abderrahmane-Arbadji – Casbah, un père de famille, Kribi Ahmed, 36 ans, accompagné de sa femme et de ses deux enfants en bas âge, nous a rendu visite pour dénoncer “la hogra subie par le propriétaire et l'Etat qui ne daigne même pas regarder mes deux enfants”, nous dit-il d'emblée la gorge nouée et des larmes sur ses joues. “Je ne comprends pas cette décision pour le moins injuste, je viens d'être saisi par mon avocat qui m'a informé qu'une décision de justice sera prononcée contre moi pour évacuer l'appartement que mon défunt père habitait depuis 1930, je ne trouve pas les mots pour qualifier cette injustice. Où vais-je aller avec mes deux enfants et ma femme, je vous assure que je suis prêt à utiliser les moyens les plus extrêmes pour ne pas sortir et jeter ma famille dans la rue. On m'a dit que l'huissier de justice passera après les élections, c'est comme si l'avenir de ma famille est lié au sort de ces élections. Je veux que les plus hautes autorités se penchent sur mon cas, je ne demande rien si ce n'est élever mes enfants dans la dignité. Je suis un simple fonctionnaire à l'APC de La Casbah qui touche à peine 13 000 DA par mois, je ne peux même pas louer un F1. La justice m'a donné raison durant les deux procès, mais le propriétaire se targue d'avoir de l'argent pour acheter tout le monde et me faire sortir. Où est donc passée la justice de mon pays. Est-ce normal que cette justice mette une famille de quatre membres à la rue ?” Sa femme intervient dans un flot de larmes : “Bouteflika ne cesse d'interpeller la justice pour qu'elle se mette du côté du pauvre, on voit le contraire. On demande à notre cher Président et au ministre de la Justice d'étudier notre cas avant qu'un drame ne survienne, car mon mari a juré de mourir et de ne pas voir ses deux enfants à la rue. J'interpelle toutes les personnes qui peuvent faire quelque chose pour nous trouver une solution !” Le père revient à la charge et nous exhibe les documents et les deux décisions de justice. “Regardez, deux procès sont en ma faveur, mais le 3e ne l'était pas. J'ai payé régulièrement mon loyer, je suis le seul à subir la hogra de ce propriétaire parmi tous les locataires. Avant moi, je vous informe qu'un ancien locataire a succombé à une crise cardiaque, il y a une dizaine d'année, en apprenant qu'il sera expulsé de son appartement. Ma femme enceinte risque d'avorter à tout moment par cette panique qui s'est emparée de nous”, dit-il. Avant de nous quitter, il a tenu à préciser : “Je veux vivre en paix, c'est tout ce que je demande. Sinon, je suis prêt à mourir plutôt que de voir mes deux enfants à la rue. Qu'on me donne un appartement, je suis prêt à sortir dans ce cas-là. J'ai vu le président de l'APC de La Casbah, le 22 mars, qui m'a dit qu'il ne peut rien faire pour moi. Donc, toutes les portes ont été fermées devant nous, il ne me reste que le suicide.” Ce cri de détresse témoigne de la précarité vécue par des citoyens qui ne demandent pourtant que de vivre en paix et dans la dignité.