Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Islam et d�mocratie, arm�e et soci�t� politique, la Turquie est en train de r�ussir � concilier ce que nombre d�observateurs ont consid�r� et consid�rent encore aujourd�hui comme des donn�es irr�conciliables. Ce pays est regard� � l�heure des �printemps arabes� comme une r�f�rence pour ne pas dire un mod�le � �tudier de pr�s. Bien s�r, cela ne signifie pas que la soci�t� turque n�est plus travers�e par des contradictions ni que tous les conflits sociaux et politiques ont �t� r�gl�s. Mais personne ne peut nier la stabilit� qui caract�rise ce pays depuis une d�cennie et demie, ni la mont�e en puissance de son �conomie. Cette stabilit� qui explique pour une large part le r�le de plus en plus important jou� par la Turquie en tant que puissance r�gionale �mergente et pivot g�opolitique de grande importance. Rappelons que les dirigeants actuels de ce pays sont issus du parti islamiste AKP qui est arriv� au pouvoir en 2002 et qui a confirm� sa mont�e en puissance lors des �lections l�gislatives de juillet 2007, o� il a remport� 47% des voix et 61% des si�ges de d�put�s. Mais l�islamisme turc est analys� par les sp�cialistes comme un islamisme qui rejette le radicalisme et la violence. L��lite kemaliste, culturellement occidentalis�e, a laiss� place � une �lite plus en lien avec les masses de tradition musulmane. Modernit� et auto-affirmation culturelle islamique semblent caract�riser aujourd�hui l��lite au pouvoir. L�arm�e, pour sa part, 2e arm�e de l�OTAN, totalement engag�e dans la gestion politique du pays jusqu�� la fin des ann�es 2000, tr�s impr�gn�e de l'id�ologie kemaliste, et aujourd�hui enti�rement professionnalis�e, s�est retir�e de la gestion politique tout en continuant de veiller au principe constitutionnel de la�cit�. Ce mixe r�ussi d�islam et de d�mocratie, d�arm�e et de soci�t� politique explique pour une large part les succ�s �conomiques de la Turquie. La Turquie : une �conomie �mergente 2010 a consacr� la Turquie comme le nouveau �dragon� �conomique de l�OCDE. Le FMI classe la Turquie � la 17e place mondiale en 2010 avec un PIB de 729 milliards de dollars. Cette ann�e a aussi consacr� la Turquie comme meilleur taux de croissance �conomique mondial apr�s la Chine et l�Inde. Taux de croissance en 2010 Chine 10,4% Inde 8,6 Turquie 7,8 Br�sil 7,5 Cor�e du Sud 6,0 Mexique 5,2 Russie 4,0 Allemagne 3,6 Japon 2,8 France 1,6 La direction des �tudes �conomiques de la banque Natixis �crit dans son Flash Economie du 3 mars 2011, consacr� � la Turquie : �La Turquie a fait preuve d�une remarquable capacit� de rebond en 2010. Apr�s un taux de croissance de -4,7% en 2009, le PIB a affich� une croissance de 7,8% en 2010. La reprise peut �tre non seulement attribu�e � la solidit� des fondamentaux du pays mais aussi � la r�activit� du policy-mix (combinaison de l�instrument budg�taire et de l�instrument mon�taire) mis en place pendant la crise.� La consommation est le moteur principal de la croissance gr�ce au dynamisme du cr�dit, des salaires r�els et � la baisse du ch�mage. Mais les autres moteurs fonctionnent aussi : les importations de la Turquie confirment leur dynamisme et restent comp�titives. L�investissement priv� national et �tranger est sur une tendance haussi�re depuis le d�but de la d�cennie 2000. Cette d�cennie 2000 reste marqu�e aussi, pour la Turquie, par un effort remarquable de r�duction de la dette publique qui est pass�e de 74% du PIB en 2002 � 38% en 2008 et 36,1% pr�vue en 2013 (les ann�es 2009 et 2010 � ann�es de crise � ayant �t� marqu�es par un rebond de la dette : 44%PIB et 41%) La Turquie re�oit beaucoup d�IDE Les taux de croissance remarquables atteints par l��conomie turque, l'am�lioration du climat des affaires, l�importance du march� int�rieur, constituent les atouts majeurs des progr�s enregistr�s dans l�attractivit� du site Turquie. 60% du d�ficit courant du pays ont �t� couverts par les IDE en 2006. La crise financi�re mondiale des ann�es 2009 et 2010 a, bien �videmment, fait chuter les IDE entrants qui ne couvrent plus que 15% du d�ficit courant en 2010 (qui a atteint 48,6 milliards de dollars), soit des IDE de 7,29 milliards de dollars en 2010, volume qui reste tout de m�me significatif. Les principaux investisseurs �trangers ont �t� ces derni�res ann�es l�Autriche (28%), l�Allemagne et les Pays-Bas (8%), la France (9%), le Japon (6%), la Gr�ce (7%). Les probl�mes qui restent � r�soudre Trois questions doivent �tre prises en charge pour �viter une �rupture de dynamique �conomique � la Turquie� : 1/ Am�liorer le taux d��pargne. 2/ G�rer efficacement la forte d�pendance aux importations �nerg�tiques. 3/ Am�liorer le contenu en importations des exportations turques aujourd�hui trop �lev�. � La Turquie conna�t aussi un s�rieux probl�me d��conomie informelle. Celle-ci est importante et r�duit de mani�re significative la base fiscale de l��conomie turque. Pour faire refluer le secteur informel, le gouvernement a propos� en 2010 une amnistie fiscale qui concerne plusieurs imp�ts : sur les soci�t�s, les droits de douane, les charges sociales, les amendes, les factures de gaz, d��lectricit� et d�eau. � Un taux d�emploi encore faible Malgr� les performances de croissance �conomique r�alis�es cette derni�re d�cennie, la Turquie conna�t un taux de ch�mage �lev� qui s�explique par la forte croissance d�mographique, les importants transferts de main d��uvre agricole vers les secteurs non agricoles et le faible nombre de dipl�m�s dans la population active et dont a besoin l��conomie, l�offre d�emploi s�adressant principalement � cette cat�gorie de main-d��uvre active : 16,4% seulement de la population active sont des dipl�m�s du sup�rieur et 9,5% ont effectu� un apprentissage. L��conomie turque conna�t un d�ficit en main-d��uvre qualifi�e. Quel �clairage pour notre pays ? L�Alg�rie doit construire une �conomie forte mais le d�fi est moins � relever dans le domaine �conomique strict, domaine o� l�Alg�rie dispose incontestablement d�un potentiel appr�ciable, que dans les facteurs favorables � l�instauration d�une dynamique �conomique puissante. Parmi ces facteurs, bien �videmment, la d�mocratie et l��mergence de la soci�t� politique, facteurs dans lesquels nous enregistrons un �norme d�ficit. Ces deux facteurs renvoient � un programme de r�formes politiques profondes, s�rieuses et non pas � des tours de passe-passe qui ne dupent aucun Alg�rien. La Turquie peut constituer une source d�inspiration et l�Alg�rie a tous les moyens de r�ussir son �mergence.