Par Ahmed Halli [email protected] La lune de miel serait-elle termin�e entre l'arm�e �gyptienne et la jeunesse r�volutionnaire de la place �Al-Tahrir� au Caire ? La question que tout le monde se posait depuis plusieurs semaines a pris plus d'acuit� apr�s les violents incidents qui ont eu lieu le vendredi 8 et le samedi 9 avril � �Al- Tahrir�. Pour la premi�re fois depuis la retraite forc�e de Moubarak, le 11 f�vrier 2011, le Haut-Conseil militaire qui a repris les choses en main a choisi la confrontation. Les autorit�s ont entrepris de faire �vacuer par la force les jeunes qui occupaient encore le centre de la capitale. Ces derniers qui revendiquent toujours la mise en jugement de Moubarak, dans sa retraite dor�e de Charm-Al-Cheikh, ne se sont pas laiss� faire. Il y aurait eu officiellement un mort et une soixantaine de bless�s, les premi�res victimes de ce qui s'annonce comme la contrer�volution en marche. En fait, il semblerait que ce soit la participation de militaires � la manifestation de vendredi qui a fait d�border le vase kaki. Plusieurs officiers sont mont�s, en effet, � la tribune pour demander non seulement le jugement de Moubarak, mais aussi l'�puration de l'arm�e de tous les �l�ments compromis avec l'ancien pr�sident. Ce qui est une attaque frontale contre le mar�chal Tantaoui, le plus haut grad� de l'arm�e qui pr�side le HCM. Des slogans visant personnellement Tantaoui et r�clamant l'instauration d'un pouvoir civil ont �t� entendus, mais les porte-parole de la r�volution se sont d�solidaris�s de ces slogans. Sur son blog, Nouara Negm, l'une des �g�ries de la place Al-Tahrir, a m�me exprim� son d�saccord avec le fait de laisser des militaires en uniforme prendre part � la manifestation. Toutefois, ce durcissement trouve aussi son explication dans les dissensions apparues au sein des jeunes r�volutionnaires et dans la d�fection d'une partie de la soci�t� civile, tent�e de composer avec les nouveaux ma�tres du pays. Revigor�s par le succ�s du r�f�rendum sur les amendements constitutionnels du 19 mars dernier, les militaires avancent leurs pions. Alors que la pol�mique autour de l'article 2 de ladite consultation battait son plein, un membre du Haut-Conseil militaire a tranch� le d�bat � sa mani�re : la Charia restera la source principale de la l�gislation en �gypte. C'est-�-dire que l'article 2 de la Constitution, dont les coptes r�clament l'abolition, sera maintenu vaille que vaille. Les islamistes, qui pavoisent depuis le succ�s du �oui� au r�f�rendum constitutionnel, se sont encore senti pousser des ailes. Le mouvement des Fr�res musulmans, qui quadrille tout le pays, pr�pare d�j�, avec la certitude du succ�s annonc�, les l�gislatives de septembre prochain. Cependant, cette euphorie pourrait �tre de courte dur�e, si on en croit le ton alarmiste des �ditorialistes �gyptiens. Il semble que le vrai danger, aujourd'hui, c'est la r�surgence des fondamentalistes qui se sont attribu� le m�rite de la victoire du �oui� au r�f�rendum du 19 mars. Les fondamentalistes se sont proclam�s vainqueurs de �Ghazouet- Essanadiq�, la bataille ou la razzia des urnes, en r�f�rence aux premiers combats de l'Islam des origines. En foi de quoi, ils ont invit� leurs �concitoyens� coptes � �migrer au Canada ou aux Etats-Unis �s'ils n'�taient pas contents�. L'hebdomadaire Rose-al- Youssef, qui a chang� son staff de direction, s'insurge contre les crimes des fondamentalistes et le silence coupable de l'Etat. Il fait �tat de l'�trange initiative de Aboud Al-Zamr, un membre du groupe qui a pris part au meurtre du pr�sident Anouar Sadate. Lib�r� apr�s l'�viction de Moubarak, en m�me temps que plusieurs centaines de dirigeants islamistes, Aboud Al-Zamr a propos� de mettre sur pied, sans retard, un comit� national du �Takfir�, version antiapostats de la commission Mac Carthy. Ainsi, ce ne serait plus des individus ou des groupes qui d�cr�teraient que telle ou telle personne est �kafer�, apostat, mais une institution ad hoc. Le journal �voque, d'autre part, les attaques r�p�t�es contre les mausol�es de certains saints musulmans et la destruction d'�difices religieux. Une soixantaine de tombeaux de saints auraient �t� profan�s, alors que le minist�re des Affaires religieuses n'en a d�nombr� que six, pour m�nager les fondamentalistes, selon certains repr�sentants du soufisme. Dans certaines villes comme Le Caire, des groupes d'illumin�s font �galement la chasse au hidjab, consid�r� comme �kofr� et prof�rent des menaces contre les femmes qui ne portent pas le niqab. Il arrive aussi que l'exaltation fondamentaliste confine aux hallucinations et au crime stupide et gratuit. Le magazine rapporte le cas d'un fondamentaliste de Wadi Natroune (au nord-ouest du Caire, c�l�bre par sa prison pour d�tenus politiques), imam occasionnel de surcro�t, qui a tu� l'un de ses amis par erreur. Connu sous le nom de �Cheikh Sadaoui�, cet employ� d'une exploitation affirme qu'il a c�toy� � plusieurs reprises un homme, nomm� Djomaa, qui se promenait avec un chien noir et prof�rait des injures contre Dieu. Il a donc d�cid� de faire justice et d'�liminer l'ennemi de la divine providence avant que celle-ci ne s'en charge. Seulement, au lieu de tuer le m�cr�ant au chien noir, qu'il est le seul avoir vu du reste, Sadaoui a assassin� un autre jeune homme, d'une vingtaine d'ann�es, Hanni. Le comble est que la victime s'�tait li�e de sympathie avec son meurtrier qui lui avait offert un exemplaire du Coran et des livres religieux qu'il avait �lus avec int�r�t�. L'hebdomadaire cite cet exemple pour fustiger les pr�ches enflamm�s et les incitations � la haine de certains pr�dicateurs fondamentalistes. Quant au quotidien du m�me nom, il s'en prend � Oujdi Ghenim, un t�l�pr�dicateur qui redouble de f�rocit� depuis le changement de peau du r�gime. Officiant la semaine derni�re dans une localit� du sud du pays, Oujdi Ghenim a demand� aux fid�les de ne pas serrer la main aux chr�tiens, ni de les saluer selon la formule rituelle. Il les a incit�s � r�pondre seulement par �ale�koum�, sans le �salam� qui pr�c�de, au cas o� un chr�tien les saluerait en premier. De plus, il ne faut pas permettre au chr�tien, selon lui, de marcher devant un musulman. Le pr�cheur a appel� aussi � retirer les croix au-dessus des �glises, interdire les manifestations publiques de la foi chr�tienne, notamment la sonnerie des cloches. Une vision encore plus pessimiste chez Adel Hamouda, le directeur-fondateur du p�riodique Al-Fedjr, qui estime que la r�volution a perdu en capitulant devant les milices religieuses. �Il y en a qui font tout pour nous faire regretter le r�gime de Moubarak, �crit-il. A Dieu l'immanence� la r�volution de janvier est morte en mars� elle sera enterr�e en septembre� et pas de condol�ances pour les martyrs !� Notre confr�re, soup�onn� un moment de sympathies islamistes, �num�re les faits qui l'ont amen� � d�sesp�rer de l'issue de la r�volution. Il �voque notamment la vill�giature dor�e dont b�n�ficie le pr�sident d�chu Moubarak et la pr�venance dont il est entour� � Charm Al-Cheikh. Adel Hamouda rappelle la destruction d'une �glise � Atfieh, pr�s de H�louan, en mars dernier. Il s'�tonne comment les responsables militaires ont �t� r�duits � solliciter la m�diation du chef des groupes fondamentalistes, Mohamed Hassan, pour calmer ses troupes. �Ce qui est une fa�on d'admettre qu'il existe un autre Etat que l'Etat de droit�, dit-il. �a ne vous rappelle rien tout �a ? Moi si : j'ai surtout l'image irr�elle, psych�d�lique, d'un responsable islamiste en tenue de combat dissertant avec un g�n�ral en costume et cravate. Vous y �tes ? Croyez bien que nous y sommes encore, et pour longtemps !