Attendu sur la révision constitutionnelle, c'est plutôt sur l'intensification de la lutte antiterroriste que Abdelaziz Bouteflika, en sa qualité de chef suprême des forces armées, s'est prononcé, jeudi, aux Tagarins, siège de la Défense nationale à l'occasion du discours consacrant le 45e anniversaire de l'Indépendance. Il abordera également des sujets brûlants d'actualité. Le rendez-vous, un face-à-face Bouteflika- état-major de l'armée, est immuable depuis 1999. Le discours a été néanmoins aux tonalités différentes cette année. Dans un bastion favorable, en usant aussi de sa qualité de chef suprême de l'ANP, Abdelaziz Bouteflika a “ordonné” au chef d'état-major, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, que “la lutte contre les résidus terroristes redouble d'intensité”. Les “agressions criminelles” de la capitale et ailleurs ont rappelé, dira le Président, la “nécessité absolue de ne point baisser la garde”. “Il y va de notre sécurité et de la sauvegarde des acquis de la paix retrouvée qui rendent possible le redressement de l'économie nationale et de la préservation de l'image et de l'attrait économique du pays”, précisera-t-il. Quelques minutes auparavant, il avait insisté sur l'impératif de consolidation de la paix. “Et pour cela d'abord, poursuivre sans relâche la lutte contre les entreprises criminelles et terroristes de ceux qui refusent l'appel magnanime de la nation, se déclarent résolument ennemis du peuple et voudraient perturber le mouvement de refondation de la cohésion nationale…” Et c'est l'ANP qui est “investie dans le cadre des lois et du fonctionnement de la République de la mission de venir à bout de ces menées résiduelles avec le concours des services de sécurité”, précisera le ministre de la Défense nationale. L'instruction est claire. Sans appel. Point de polémique en ce 5 juillet. La Révolution algérienne, l'Indépendance ont besoin d'être, pour lui, rappelés, célébrés. “Ces rappels sont toujours nécessaires. Non pas pour exacerber un quelconque chauvinisme national. Non pas pour entretenir de quelconques ressentiments et pas davantage pour légitimer de quelconques droits ou privilèges au nom des sacrifices passés.” Ils sont impératifs, dira Abdelaziz Bouteflika, à “la vérité alors que des tentatives honteuses de réécriture de l'histoire se développent”. D'ailleurs, le chef de l'Etat exprimera sa “tristesse” de voir la jeunesse “ignorer” son histoire et particulièrement celle de la Révolution algérienne. Certains, estimera Abdelaziz Bouteflika, l'assimilent à “l'Iliade ou l'Odyssée”, d'autres “pour un événement comme les autres”. “Comme je suis triste en voyant que l'avenir de l'Algérie est entre les mains de ces jeunes…”, révélera-t-il en précisant que les dates symboliques de la Révolution, tel le 1er Novembre 1954, sont des “constantes nationales” et un rappel de “la force et le prix de l'unité nationale”. Le “bien commun et le plus précieux” de tous les Algériens. Et duquel découle, précisera le chef de l'Etat, la réconciliation nationale. Pour assurer l'unité nationale, il s'agit pour lui de “tirer les erreurs et insuffisances du passé qui ne laissent d'autre choix que dans l'élargissement et l'approfondissement continus d'un projet démocratique authentique et global” où “le libre débat et la confrontation pacifique des idées sont une nécessité impérieuse”. Le Président livrera sa vision de la démocratie qui ne serait “ni de façade ni une transposition artificielle de mécanismes déconnectés des réalités propres du pays”. Une telle expérience nous en avons douloureusement payé le prix, dira Bouteflika. Si une “nouvelle assise” a été depuis donnée, des “insuffisances se sont révélées” pour lui. Une “nouvelle étape” pour l'Algérie Le chef de l'Etat veut imprimer, dans ce cadre, un “nouvel élan à la construction du projet national” et prendre acte de cette “nouvelle étape” en apportant “les aménagements propres à fluidifier le fonctionnement institutionnel du pays et à élargir le champ d'exercice des libertés publiques”. La feuille de route se décline autour de quatre réformes. En pleine polémique sur la révision de la loi électorale, Abdelaziz Bouteflika estime qu'il s'agit de “rationaliser les règles relatives à la constitution de la représentation citoyenne au sein des instances élues en les débarrassant des perversions qui en dénaturent l'esprit”. Cependant, il s'agira aussi, “par une saine pratique de cette représentation, évitant notamment le détournement des mandats électifs à des fins personnelles, d'accroître la confiance des citoyens dans les assemblées élues et dans le principe démocratique”. Il y a eu pour lui de poursuivre la réforme du système éducatif et de l'institution judiciaire. La réforme Sbih ressort d'ailleurs des tiroirs où elle était embourbée. “Cette action sera soutenue par un effort plus marqué pour tendre vers la transparence de la gestion publique qui s'inscrit parmi les objectifs de la réforme des structures et missions de l'Etat.” Elle connaîtra, selon le Président, des “concrétisations significatives” prochainement. Notamment pour ce qui est de “la répartition des rôles et des responsabilités entre les différents niveaux de l'administration publique dont le chevauchement actuel est source d'importants dysfonctionnements”. Au programme de cette mise en œuvre, entre autres l'adaptation des statuts de la Fonction publique aux “exigences de plus grande efficacité et de meilleure réactivité qui doivent à l'avenir caractériser les modes d'intervention de l'Etat”. Il demandera d'ailleurs aux “structures de l'Etat”, à tous les niveaux, qu'elles “élèvent le taux de rigueur dans leurs actions et qu'elles développent davantage d'initiatives et de visions prospectives” dans la prise en charge de leurs missions respectives. Il fera d'ailleurs un panel de ces missions allant de la modernisation des services publics à l'efficience des pouvoirs de contrôle de l'administration, en passant par l'élimination des “excroissances bureaucratiques” et freins à l'initiative ainsi que par la lutte contre la corruption. Le président de la République en focalisant son discours sur des questions d'intérêt national, et de l'heure, aura pris à contre-pied tous ceux qui l'attendaient sur la révision constitutionnelle. Un projet que Abdelaziz Bouteflika avait, certes, annoncé l'année dernière, à la même période et au même endroit. La belle arlésienne qu'est une éventuelle révision de la loi fondamentale attendra encore que le “premier citoyen concerné”, dixit Nourredine Yazid Zerhouni, se prononce. Dans d'autres occasions, peut-être… Samar Smati