A �J� moins quelques poussi�res de l�A�d, les pr�paratifs vont bon train. Sup�rettes et �piceries voient tous les matins leurs �tals ployer sous des tonnes d�ingr�dients, indispensables � la confection des g�teaux. Les sucreries tr�neront sur nos tables d�s mardi ou mercredi prochain, selon les r�sultats de la nuit de tous les doutes et des caprices du croissant lunaire. Dans les couffins des m�nag�res, � c�t� des gerbes de coriandre et de menthe, � la touffe verte, l�on peut apercevoir une armada de paquets de farine, sacs de semouline, bo�tes de margarine, pots de miel, plaquettes d��ufs et autres composants glucos�s. Malgr� l�augmentation irrationnelle des prix de tous ces articles, promus au grade de produits de premi�re n�cessit�, les m�nages ne d�rogent pas � la r�gle. Le budget des g�teaux de l�A�d a �t� vot�, � l�unanimit�, par la famille. Il a sa place �VIP�, au m�me titre que les v�tements neufs des enfants. Makrout, tcharek, a�rayech, dzeriat, griwech et sabl�s viendront �clipser l�in�narrable kalb ellouz qui a jou� les starlettes un mois durant. Au bon petit filon ! Dans un petit commerce sp�cialis� dans ce genre d�ingr�dients (pr�s du march� Ferhat-Boussa�d), c�est la foule des grands jours. Les narines sont � la f�te. Cacao, eau de fleur d�oranger, sucre vanill�, fruits confits, vermicelles sucr�s, noix de coco, farine, sucre glace, amandes, cacahu�tes� Hum� �a sent tr�s bon ! Fouzia, une liste � la main, se saisit d�un paquet de petites marguerites sucr�es, color�es et d�coratives. Elle porte le paquet � son nez et demande le prix au vendeur. Fr�tillant de malice et fort de son nouveau statut de star du jour, il r�pond tout de go : �120 DA� ! Fouzia esquisse une l�g�re mimique avant de reposer le petit �tui en papier cellophane. �D�cid�ment, cette ann�e tout flambe ! Je viens d�acheter un kilo d�amandes �mond�es � 800 DA le kilo. M�me les cacahu�tes, qui habituellement sont bon march�, ont vu leur prix passer de 200 � 350 DA. Malgr� tout, je ne vais pas faire l�impasse sur les traditions. J�ai pr�vu de pr�parer des tchareks, des makrout et des petits sabl�s. Dans cette boutique, je vais acheter des caissettes et des bo�tes pour emballer et offrir des g�teaux aux proches le jour de l�A�d.� Redouane le vendeur fait des acrobaties dans tous les sens pour servir sa client�le, qui joue des coudes. Son magasin est aussi exigu qu�un mouchoir en papier. �C�est le moment de l�ann�e o� je r�alise mon plus gros chiffre d�affaires !� nous r�v�le-t-il. �D�ailleurs, aussit�t ma chorba et mes boureks aval�s, je remonte le rideau jusqu�� une heure du matin !� A quelques m�tres de l�, un autre commerce. Les vendeurs sont d�bord�s par cette client�le divine, pouss�e par les coutumes de l�A�d. Nous parvenons, tant bien que mal, � nous frayer un chemin. A l�int�rieur de la boutique, nous tombons nez � nez avec des pyramides de produits destin�s � la pr�paration des g�teaux. Pistache : 2 500 DA, noix de cajou : 1 400 DA, noix tout court : 1 500 DA, amandes sans peau : 800 DA, cacahu�tes, 350 DA� �R�kha y�deheche !� plaisante Nabila qui attend de se faire d�plumer � son tour. Elle compte bien repartir avec un kilo de noix pour ses baklaouas. �Je suis originaire de Constantine, confie-t-elle. Mes g�teaux, je les pr�pare � base de noix et ils seront, comme chaque ann�e, succulents !� �On explose notre budget pendant le Ramadan et l�A�d, ensuite on se sert la ceinture en se mettant � la di�te tous les autres mois de l�ann�e !� commente- t-elle, en partant d�un grand �clat de rire. L�essentiel c�est el-fel ! M�re d�une famille nombreuse, Atika, 34 ans, rencontr�e dans une superette, n�a pas du tout l�intention de tirer le diable par la queue. �Toutes nos �conomies ont fondu comme neige au soleil. Ramadan, A�d et rentr�e scolaire. Un trio infernal pour les m�nages � faible revenu. C�est pourquoi j�ai opt� pour des g�teaux secs, sans fioriture. Croquets, halwat� taba� et ghribia feront tr�s bien l�affaire et c�est meilleur pour la sant�. L�essentiel est de marquer le coup avec ce qu�on appelle commun�ment chez nous el-fel .� L�A�d, ce n�est pas du g�teau ! Certes, la plupart des femmes pr�f�rent pr�parer les g�teaux de l�A�d � la maison. G�n�ralement, c�est plus frais, �a a meilleur go�t et c�est moins cher que de les acheter. Mais pas toujours facile de trouver du temps pour mettre les mains dans la farine quand on rentre lessiv�e du boulot. La solution ? Passer commande chez un p�tissier. Chaque ann�e, � trois ou quatre jours de la f�te, H�sen, 54 ans, g�rant de la p�tisserie Morsli, rue Ahmed-Zabana, voit accourir des femmes compl�tement d�pass�es par le rythme soutenu de ce mois pas comme les autres. �La plupart de mes clientes travaillent et n�ont pas le temps de pr�parer les g�teaux de l�A�d. Il y a aussi celles qui n�ont pas envie de s��puiser apr�s un mois de je�ne d�j� �reintant. Baklaoua, makro ut, a�yache, dzeriat, mkhabaz� arrivent en t�te des commandes. C�est 40 DA la pi�ce, mais je fais une petite remise lorsque les quantit�s sont importantes.� Et d�enchainer : �Il y a aussi les femmes qui pr�parent leurs g�teaux � la maison mais elles nous les confient pour la cuisson. Cela co�te 100 DA la grande sniwa (plateau) et 50 DA la petite.� A la question de savoir si notre p�tissier a d�j� cram� un plateau, H�sen reconna�t que oui. �D�ailleurs, on en parle encore pour rire avec la cliente qui venait r�cup�rer son plateau de baklaoua. Elle �tait devenue furax, d�autant que nous �tions � quelques heures seulement de l�A�d. On a veill� jusqu�� tr�s tard pour lui pr�parer un autre plateau�, se souvient- il l�air amus�. Avec toutes les ressources d�pens�es pour la circonstance et tout ce que cela implique en terme de sacrifices, on continue � appeler l�A�d el-Fitr la petite f�te, par opposition � l�A�d el-Ad�ha qui est qualifi� de grande f�te. Et dire qu�il faudra encore pr�voir assez de monnaie � distribuer aux enfants� Tradition oblige !