[email protected] Le conflit s�culaire qui oppose sunnites et chiites prend parfois des proportions inattendues et dangereuses, susceptibles de d�boucher sur des incidents sanglants. Ces derni�res ann�es, la situation a d�g�n�r� avec le climat de violence entretenu au Liban, notamment, sous la houlette de T�h�ran, et avec la b�n�diction de Damas. Durant la p�riode de gloire, dite nationaliste, les Arabes faisaient all�geance � la patrie, avant toute autre consid�ration. Puis l'Arabie saoudite et le wahhabisme sont venus imposer la soumission � une doctrine religieuse intransigeante, � l'exclusion de toutes les id�es modernistes. Par opportunisme ou lassitude, les nationalistes se sont inclin�s devant plus fort et se sont tourn�s vers La Mecque. On se souvient comment les factions et partis qui se disaient nationalistes, comme le parti du FLN de M. Mehri, d'alors, avaient transmis le �flambeau� aux islamistes, en 1990 � Beyrouth. Le Hezbollah, n� de la matrice irano-syrienne, commen�ait alors � prendre ses quartiers dans la capitale libanaise, et �rodait impitoyablement l'influence de la milice authentiquement libanaise Amel. Les r�sidus de nationalisme qui subsistaient depuis la disparition du grand dirigeant druze, Joumblatt, ont fait le reste. On sait que l'Irak est en train de se transformer progressivement en condominium de l'Iran, gr�ce � l'envahisseur am�ricain. Quant au Bahre�n qui s'agite � la moindre saute de vent venue de T�h�ran, il ne doit son salut qu'� l'omnipr�sente sollicitude du grand fr�re sunnite saoudien. Cependant, sunnites et chiites se livrent une autre guerre, moins sanglante et moins retentissante, mais avec des cons�quences qui pourraient changer la face du monde musulman. La guerre se d�place d�sormais sur les �crans de cin�ma, et avec des personnages cl�s de la gen�se de l'Islam. A la veille du Ramadan, une violente pol�mique avait oppos� les sunnites entre eux, puis les sunnites aux chiites, � propos du feuilleton Hassan et Hossein. Cette production raconte l'histoire des guerres intestines dans lesquelles furent entra�n�s l'Imam Ali et ses deux fils, les trahisons et les traquenards dont ils ont �t� les victimes, ainsi que leur fin tragique. Avant m�me de le voir, les Iraniens ont cri� au scandale, et ont d�nonc� des contre-v�rit�s historiques, au sujet de personnages objets d'un v�ritable culte chez les chiites. R�agissant aussi � l'aveugle, Al-Azhar avait �mis une fatwa contre le feuilleton, laquelle fatwa s'appuyait sur l'interdiction de repr�senter le Proph�te et ses proches (Ahl Albe�t). Il �tait dans l'ordre des choses, enfin, que le parlement irakien, � majorit� chiite, vote une loi proscrivant la diffusion du feuilleton en Irak. Ignorant ces coups de semonce, plusieurs cha�nes satellitaires priv�es l'ont programm� durant le Ramadan, avec un certain succ�s( 1). Du coup, les cin�astes iraniens se mobilisent, ils annoncent qu'ils vont produire une trilogie relatant la vie du Proph�te de l'Islam, dont le r�le sera jou� par un acteur, en d�pit de l'interdiction religieuse qui p�se sur cette innovation. Le sc�nario de cette superproduction en trois �pisodes serait pr�t depuis longtemps, et le r�alisateur est connu. Reste � trouver l'acteur assez t�m�raire pour jouer le r�le principal, une qu�te qui ne s'annonce pas de tout repos. Un qu'il n'est pas interdit de montrer � l'�cran, mais qui n'est pas content quand m�me, c'est Fouad Negm, le grand po�te �gyptien et compagnon, de cellule et de sc�ne, de Cheikh Imam. Un film qui lui est consacr� vient de sortir au Caire sous le titre Al-Fadjoumi, le surnom (qui pourrait se traduire par le critique acerbe) que lui ont attribu� ses concitoyens et admirateurs. Ce film relate, en effet, des �pisodes de sa vie qui �veillent en lui de douloureuses nostalgies, surtout lorsqu'on a eu des conqu�tes comme Souad Hosni(2). Or, selon Negm, le film Al-Fadjoum le montre uniquement comme s�ducteur et coureur de femmes inv�t�r�, ce qu'il n'est plus � l'entendre. Il proteste donc contre ce parti pris de l'�uvre qui insiste et enfonce le doigt dans la plaie, alors qu'il avoue �tre totalement hors jeu sur le plan sexuel. A 82 ans, et encore en proie � des pics de libido, Fouad Negm affirme qu'il est aussi inactif que l'auraient �t� les castrats de Naples(3) et il ne se souvient m�me plus � quand remonte son dernier rapport. Ce sont ses probl�mes de sant� actuels qui l'emp�chent d'avoir une vie sexuelle(4), mais il ne veut pas recourir au Viagra, parce qu'il �rejette les plaisirs artificiels�. Interrog� justement au sujet de sa consommation de hachich, Negm affirme qu'il n'en fume plus parce que le hachich actuel est frelat�. �Chaque fois que j'en fume, je suis sujet � des quintes de toux.� Le po�te �gyptien souligne qu'il aurait aim� que le film insiste beaucoup plus le fait qu'il est un grand po�te qui a influ� sur le cours de l'Histoire. Il se consid�re, en effet, comme l'un des artisans de la r�volution du 25 janvier, m�me s'il n'y a pas pris une part directe. �Je peux mourir tranquille maintenant que la r�volution a triomph�.� Fouad Negm r�v�le d'autre part qu'il a eu une conversation avec Moubarak, un mois avant les �v�nements. Il lui a demand� de prendre une d�cision qui inscrirait son nom dans l'Histoire, en supprimant l'appartenance religieuse sur la carte d'identit� �gyptienne. Ce qu'il a refus� de faire. Autre feuilleton � suivre avec int�r�t puisqu'il se d�roule sous nos yeux, et � l'int�rieur de nos fronti�res, celui des membres de la famille Kadhafi venus partager nos p�nuries de l'A�d. Tout d'abord, j'ai pest� contre cette fille g�t�e, nomm�e A�cha, qui d�barque � l'improviste avec sa suite et qui risque d'allonger les cha�nes devant les boulangeries. Puis, bon c�ur, j'ai pens� � la petite Safia qui vient de na�tre, et qui est des n�tres en vertu du droit du sol. Je me suis inqui�t� pour son biberon, sachant qu'apr�s le pain, c'est le lait qui manque le plus durant la longue fermeture de l'A�d. J'ai �t� vite rassur� parce que les pharmaciens, qui ne sont pas aussi riches que les boulangers, �taient ouverts. Puis, je suis revenu � A�cha, la fille dorlot�e de son tyran de p�re, et le doute m'a assailli : pourquoi vient-elle chez nous pour accoucher ? Au fait, on ne nous dit toujours pas qui est son p�re ? Aurions-nous un DSK, tapi � l'int�rieur de nos institutions et sp�cialis� dans la chasse aux h�riti�res? Quoi qu'il en soit, je suis absolument certain de ne pas �tre le seul � m'�tre pos� ces questions. A. H. (1) On raconte que des t�l�spectateurs alg�riens se sont interdits de regarder le feuilleton, pour ne pas tomber dans le p�ch�. Encore une interpr�tation tr�s �troite et tr�s s�lective des �dits religieux, un domaine dans lequel nous sommes pass�s ma�tres, plus ma�tres que nos inspirateurs saoudiens. (2) La �Cendrillon� du cin�ma �gyptien ne serait pas morte d'une chute du balcon de son appartement � Londres, mais aurait �t� assassin�e sur l'ordre de Moubarak parce qu'elle ne voulait plus travailler avec les services secrets �gyptiens. (3) C�l�bre �cole de musique et de chant qui recrutait de jeunes enfants, et proc�dait � leur castration afin que leur voix ne mue pas avec l'adolescence et la pubert�. (4) L�universitaire islamiste Safinaz Kadhem qui fut l��pouse de Fouad Negm de 1972 � 1976 a tir� � boulets rouges sur le film, qualifi� de m�diocre et de mis�rable, en ce qu�il nuit � �des personnes respectables�.