Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] D�j� dans son dernier discours � la nation, puis lors du Conseil des ministres du 2 mai, Bouteflika a appel� � reconstruire le dialogue social et � impliquer dans les d�cisions de politique �conomique les partenaires sociaux dans un esprit de concertation s�rieuse. Cet appel s�est prolong� par l�instruction donn�e au Premier ministre de r�unir une tripartite consacr�e � l�entreprise et qui a eu lieu le 28 mai de cette ann�e. Mais au-del� de cet appel, il faut bien constater que le dialogue social conna�t quelques distorsions � corriger. Ainsi la tripartite existe (bien que non institutionnalis�e), un pacte national �conomique et social a �t� paraph� par les trois partenaires que sont le gouvernement, le syndicat et le patronat mais il n�y a aucune connexion entre les deux. La tripartite qui attend toujours d��tre institutionnalis�e devrait logiquement n��tre rien d�autre que l�instance de suivi de la mise en �uvre des grandes orientations du Pacte �conomique et social. Mais pour que cela puisse avoir lieu, il faut un vrai pacte �conomique et social et non pas le document l�ger et insipide qui en fait office actuellement. Pour bien faire comprendre le sens de cette observation, il nous faut rappeler ce qu�est un pacte �conomique et social (la terminologie consacr�e parle de pacte social). Qu�est-ce que le pacte �conomique et social ? Dans notre pays, c�est d�j� � la fin des ann�es 80 que les r�formateurs du FLN, en �cho aux revendications de l�UGTA, lancent l�id�e de l�adoption d�un pacte social. Mais la Centrale syndicale craignant de voir sa marge de man�uvre �tre s�rieusement rogn�e par des engagements pris dans un contexte politiquement et socialement instable, a fait la sourde oreille aux propositions du gouvernement. Au d�but des ann�es 2000, la nouvelle �quipe arriv�e aux affaires relance l�id�e et propose la conclusion d�un pacte �conomique et social, le rajout du qualificatif �conomique �tait l� comme pour marquer l�imp�ratif d�une dichotomie voulue par le gouvernement : du social oui mais adoss� � une performance et une comp�titivit� �conomiques avec tout ce que cela comporte comme objectifs d�am�lioration de la productivit�, d�abandon de l�assistanat, d�acc�l�ration des privatisations, d�ouverture �conomique, de lib�ralisatiouconton des prix� Le social n�est pas consubstantiel � l�Etat. Celui-ci ne porte pas en lui-m�me l�imp�ratif social quelle que soit la situation de l��conomie. Alors, certes, les partenaires sociaux ont des exigences sociales mais ils ont aussi des devoirs �conomiques. Le probl�me �tait et reste pr�cis�ment de d�finir ces devoirs �conomiques et de les situer dans un projet consensuel qui propose une allocation des ressources accept�e par tous et la justifie. Nous pouvons observer en tout cas qu�en cette p�riode du d�but de la d�cennie 2000, il y avait encore un esprit de r�formes �conomiques et un air de rigueur et en tout cas un discours moins populiste. Tout cela semble avoir fait long feu : la rente p�troli�re est pass�e par l� (encore une fois !) Que pourrait �tre un pacte �conomique et social comme l�ont d�nomm� les Alg�riens ? Il faut tout d�abord observer que cette appellation de pacte �conomique et social est sp�cifique � l�Alg�rie (encore une sp�cificit� alg�rienne !) Dans les pays � d�mocratie avanc�e, on parle de pacte social. C�est dans les pays nordiques que la pratique de pacte social a le plus prosp�r�. Nous savons que dans ces pays, c�est le syst�me de d�mocratie de n�gociation qui est en �uvre. Une d�mocratie sociale faite de dialogue, de n�gociation et d��laboration de consensus et non pas un syst�me de d�mocratie de conflit, qui caract�rise par exemple la d�mocratie sociale fran�aise, faite de revendications, de manifestations et surtout de gr�ves syndicales. Dans les pays nordiques (Su�de, Danemark, Finlande), le pacte social est un accord tripartite qui porte sur la politique sociale de l�Etat. Il d�finit plus pr�cis�ment les principes qui pr�sident � la politique sociale, celle du pouvoir d�achat et des salaires, celle plus sensible encore du droit du travail et notamment le code du travail. Ce pacte est n�goci� par les syndicats (notons bien les syndicats), le patronat et le gouvernement. Il est adopt� et son application est suivie r�guli�rement par chacun des partenaires. Il est ren�gociable � d�lai d�fini, en principe un an. G�n�ralement, les syndicats y revendiquent l�indexation des salaires (indexer les salaires au co�t de la vie), l�assurance-ch�mage et un syst�me de protection sociale par r�partition fond� sur la solidarit� et la redistribution. Le recours � la gr�ve par les syndicats devient exceptionnel et les r�visions de la politique sociale par l�Etat ne peuvent avoir lieu qu�en concertation avec les syndicats. Le patronat, pour sa part, obtient un ensemble de �souplesses� qui touchent � la flexibilit� du march� du travail, la n�gociation du niveau de la pression fiscale qui p�se sur les entreprises ainsi que la r�vision des politiques salariales, tous ces dossiers ayant �t� discut�s lors de l��laboration du pacte social. Le gouvernement, quant � lui, d�fend la stabilit� macro-�conomique, les �quilibres financiers internes et externes, la mobilisation des acteurs �conomiques pour une croissance �conomique robuste, c�est-�-dire sans d�ficit budg�taire et sans inflation, et durable. Bien �videmment, ce pacte est un consensus, c�est-�-dire �une solution qui ne satisfait personne mais avec laquelle tout le monde peut vivre�. Une solution qui fait en tout cas avancer la soci�t� dans la r�solution de certains de ses probl�mes. En Alg�rie donc, un pacte �conomique et social a �t� sign� par l�UGTA, les organisations patronales et le gouvernement. Ce pacte n�a pas �t� malheureusement du niveau de ceux sign�s dans les pays nordiques. Il est rest� vague, peu d�taill� et sans obligations clairement �tablies. On aimerait bien qu�� l�occasion de cette 14e tripartite, les partenaires sociaux et le gouvernement engagent enfin un vrai d�bat et un dialogue approfondi sur au moins trois dossiers : 1. Comment construire une �conomie comp�titive et efficace 2. Comment consolider l�Etat redistributeur 3. Comment construire la coh�sion sociale. M�me si le pacte �conomique et social doit �tre de port�e plus modeste, il constitue une occasion, tellement attendue par les Alg�riens, de d�battre s�rieusement des perspectives �conomiques nationales, du projet �conomique que nous voulons pour notre pays et de ce que chacune des forces vives de l��conomie peut y apporter. La r�ussite �conomique passe obligatoirement par la mobilisation de tous les partenaires et celle-ci exige le dialogue, la d�lib�ration, l��change sur les grands choix de la politique �conomique et sociale.