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Entretien
AMARA BENYOUNES, PR�SIDENT DE L�UDR, AU SOIR D�ALG�RIE �Nous pouvons construire une d�mocratie en terre d�islam�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 30 - 11 - 2011


Entretien r�alis� par Brahim Taouchichet
D�put� sur les listes du RCD, deux fois ministre, Amara Benyoun�s a d�missionn� de ce parti en 2001 pour de profondes divergences de vues qui avaient fait des vagues, suivies d�une violente pol�mique qui s�estompera avec le temps. Aujourd�hui � la t�te de L�Union pour la d�mocratie et la r�publique (UDR) qu�il a cr��e, il attend l�agr�ment de son parti pour �activer l�galement sur le terrain� marqu� par �l�absence des partis de la mouvance d�mocratique alors que tout bouge autour de nous�. Violemment oppos� aux islamistes qui �ne cherchent tous qu�� s�accaparer du pouvoir�, il appelle les d�mocrates � leur barrer la route en se rassemblant m�me si ��a sera tr�s difficile�.
Dans la foul�e des changements en Tunisie, au Maroc, en Libye et en Egypte, l�hypoth�se de l�arriv�e des islamistes au pouvoir chez nous �n�est pas totalement � exclure � mais, dit-il, �nous pouvons, nous Alg�riens, construire une d�mocratie en terre d�islam du fait de notre potentiel de modernit�.
Le Soir d�Alg�rie : D�clarations, r�unions des instances de l'UDR, etc. Qu'est-ce qui motive le retour de Amara Benyoun�s sur le devant de la sc�ne politique ?
Amara Benyoun�s : Ce sont les nouvelles r�formes lanc�es par le pr�sident de la R�publique et la probabilit� de l'obtention de l'agr�ment de l'UDR, les d�bats sur les partis politiques notamment � l'Assembl�e nationale. Nous avons maintenant de fortes chances d'exercer de mani�re l�gale notre activit� politique. Le Conseil national a d�cid� d'organiser trois r�unions r�gionales � Oran hier (NDLR : samedi 26 novembre) et la semaine derni�re � Alger, et une autre � Skikda le 3 d�cembre qui va regrouper toutes les wilayas de l'Est en vue de pr�parer soit notre congr�s constitutif, si nous devons changer notre dossier par rapport � la nouvelle loi sur les partis, soit un congr�s extraordinaire pour �lire une nouvelle direction.
La loi sur les partis politiques est tr�s controvers�e quant � ses nouvelles dispositions. Il y a une forte opposition au sein de l'APN et du S�nat et certains parlent de la mainmise de l'administration et son ing�rence manifeste dans les affaires internes des partis. Quelle est votre position ?
Fondamentalement, cette loi n'apporte rien de nouveau par rapport � l'ancienne sur le plan des principes. Mais il y a une trop forte pr�sence de l'administration quant � l'agr�ment des partis politiques. Dans toutes les d�mocraties, il n'existe pas de loi sur les partis politiques mais simplement un syst�me d�claratif. Avec cette nouvelle loi, il va y avoir une trop forte mainmise de l'administration sur les partis dans l'octroi ou pas de l'agr�ment.
Comment vous d�terminez-vous par rapport aux risques qu'induit la nouvelle loi ?
Je vous r�affirme qu�il ne faut pas de loi sur les partis politiques mais qu�il faut opter pour un syst�me d�claratif. Le ministre de l'Int�rieur dit que c'est dangereux. Je ne vois pas en quoi car les partis sont tenus de respecter la loi. La Constitution est claire quant � la pratique politique dans le pays, ainsi que la charte pour la r�conciliation nationale. Par contre, on a besoin d'une loi sur le financement des partis politiques et de l'utilisation des moyens de l'Etat. Les partis de l'alliance pr�sidentielle disposent de centaines de locaux � travers tout le territoire national tandis que les nouveau partis qui verront le jour ne pourront m�me pas avoir un local.
Le ministre de l'Int�rieur a clairement exprim� son hostilit� � la prolif�ration de partis politiques...
Ce n'est pas � lui de d�cider quels sont les partis les plus repr�sentatifs, mais au peuple. Ce n'est pas � lui de dicter les programmes des partis politiques. Je lui ai demand� de commencer par appliquer la loi qui existe. Si le peuple alg�rien veut voter pour 50 partis, en quoi cela le regarde ? Je l'ai dit � Oran, il n'y a jamais trop de d�mocratie mais toujours trop de dictature dans un pays. Il n'y a pas assez de libert� en Alg�rie mais plut�t trop d'interdits.
Plusieurs demandes d'agr�ment de partis politiques dont la v�tre dorment au fond des tiroirs du minist�re de l'Int�rieur. L'UDR, cependant, ne cache pas son optimisme. Pourquoi �tes-vous aussi s�r ?
Cela fait, en effet, 7 ans et demi que nous patientons. �a se passe comme �a en Alg�rie, comme dit une publicit�. Nous ne sommes ni interdits ni autoris�s. Nous n'avons eu aucun �cho du c�t� du minist�re de l'Int�rieur. L'UDR est plus ou moins tol�r� sans plus. Avec la nouvelle approche du pouvoir alg�rien, nous esp�rons qu'enfin prenne fin cet �tat de fait.
Quels sont les signes qui font que vous vous d�clarez optimiste quant � l'obtention de l'agr�ment ? Certains observateurs et autres analystes vous pr�tent l'intention de jouer le jeu du pouvoir et que c'est la mission qui est d�volue � l'UDR dans la recomposition du paysage politique...
Si le pouvoir voulait me faciliter l'obtention de l'agr�ment, je n'aurais pas attendu 7 ans et demi. Les gens sont libres de raconter ce qu'ils veulent mais les faits sont l�, t�tus. Si nous �tions un parti du pouvoir comme ceux de l'alliance, nous l'aurions obtenu depuis longtemps.
Les critiques disent aussi que l'UDR est justement un parti de l'administration et que son opposition au syst�me n'est qu'un leurre, d�autant que vous ne cachez pas votre soutien au Pr�sident...
Notre position est tr�s claire. Le conseil national de l'UDR avait d�cid� de soutenir le candidat Abdelaziz Bouteflika aux �lections pr�sidentielles de 2004 et 2009. Nous avons soutenu un programme, un projet et un bilan. Je dis et je le r�p�te, je n'ai aucune relation particuli�re avec le pr�sident Bouteflika. Contrairement aux dires de certains, je ne suis pas son ami et pour ne rien vous cacher je n'ai jamais de ma vie pris un caf� avec lui.
On vous colle cette �tiquette malgr� tout...
C'est normal quand l'on me voit moi, secr�taire g�n�ral de l'UDR, � deux reprises �tre dans le staff de campagne du candidat Bouteflika. Que l'on nous juge sur ce que nous disons et sur nos actes.
Quelles le�ons tirez-vous de l'�chec de l'alliance UDR-ANR-MDS lors des derni�res �lections ?
En 2007, nous avons fait une tentative de rassemblement des d�mocrates. Nous avons pu avec l'ANR de R�dha Malek �tablir des listes communes. Malheureusement, nous n'avons pas pu le faire � trois ne nous �tant pas entendu avec le MDS. On nous a attribu� 4 d�put�s. Bon, on sait comment les �lections se sont pass�es...
Les le�ons que vous en tirez pour l'avenir ?
De mon point de vue, il faut que les d�mocrates et les r�publicains de ce pays se rassemblent imp�rativement, nous n'avons pas d'autre choix. Aucun parti d�mocrate ne peut, seul, pr�tendre � la gestion du pays et nous ne pourrons arriver au pouvoir qu'en �tant rassembl�s, et ce, quel que soit ce qu'il y a eu dans le pass�, les conflits entre responsables politiques. Je ne vous cache pas que ce sera difficile.
Difficile ? Utopique compte tenu des divisions ?
Utopique non, mais difficile oui. Moi, je n'ai de compte � r�gler avec aucun responsable politique alg�rien. Je me d�termine en fonction des projets et des id�es, jamais en fonction des hommes. Force est de constater que les responsables des partis politiques ne se rencontrent pas, il y a tant de haine entre eux que ce sera extr�mement difficile d'o� la n�cessit� de voir �merger une nouvelle classe politique et de nouveaux dirigeants, et de nouvelles t�tes dans la mouvance d�mocratique qui soient affranchies des querelles du pass�, qui parlent de l'Alg�rie de demain.
Une question de g�n�ration ?
Le probl�me ne se pose pas en ces termes mais en terme de projet et de gestion de ces partis politiques. Le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne sont pas g�r�s de mani�re suffisamment d�mocratique pour faciliter l'�mergence de nouveaux dirigeants. Cela fait 20 ans que des tentatives de rassemblement sont tent�es sans r�sultat. Il faut donc d�passer cette classe politique.
L'UDR participera aux l�gislatives de 2012. Avec quels atouts comptez-vous prendre part � cette comp�tition �lectorale qui s'annonce rude, le timing aussi n'�tant pas en votre faveur ?
C'est vrai, nous n'avons pas l'avantage des partis traditionnels. Notre souci premier est d�ordre organique, c'est-�-dire aller vers un congr�s fin janvier 2012. Les �lections se tiendront probablement � la fin mai. Nous ne disposerons donc que de 3 mois pour nous pr�parer � ces �lections. Mais nous allons faire passer notre message et convaincue les Alg�riens de voter pour nous.
O� en est-on aujourd'hui, selon vous, dans les r�formes politiques � la lumi�re des promesses de changement faites par Bouteflika dans son discours du 15 avril dernier ?
Un gros retard a �t� pris. Nous sommes � la fin de l'ann�e, une seule loi a �t� vot�e (NDLR : la loi �lectorale), �a tra�ne � l'Assembl�e nationale comme sur les partis, les associations, l'ouverture de l'audiovisuel. On ne conna�t pas encore les contours de la r�vision de la Constitution.
Sont-elles toujours cr�dibles, ces r�formes ?
Il ne s'agit pas d'y croire ou pas. Le plus important pour un parti politique est d'obtenir son agr�ment pour aller se battre sur le terrain pour ses id�es et que les �lections soient les plus r�guli�res possibles. Pour moi, l'enjeu est dans la transparence et la libert� des �lections parce que toutes les lois peuvent �tre chang�es apr�s. Demain, si l'UDR est majoritaire � l'Assembl�e nationale, il pourra changer les lois et en faire passer d'autres parce qu'il aura la l�gitimit� populaire. Le plus important pour un parti politique c'est de parvenir au pouvoir de fa�on d�mocratique. Il faut �tre extr�mement vigilant lors des �lections l�gislatives et veiller � la surveillance des urnes.
A propos d'assembl�e nationale, vous vous positionnez contre une Constituante ?
Je suis totalement oppos� � la Constituante. C'est tr�s simple : une assembl�e constituante veut dire que les Alg�riens vont �lire des d�put�s dont la mission unique serait de r�diger la nouvelle Constitution. Personnellement, je ne veux pas prendre le risque de nous retrouver avec une assembl�e islamiste qui va r�diger une Constitution bas�e sur la charia. Si les islamistes, et c'est une hypoth�se qu'il ne faut pas totalement exclure, gagnent les l�gislatives et le pouvoir comme en Tunisie, en Libye, au Maroc et peut-�tre aussi en Egypte, cela voudra dire que nous allons donner aux islamistes en 2012 ce que le FIS n'a pu avoir en 1991. La question est l�, car alors pourquoi tant de morts, de massacres, de terrorisme pour donner, 20 ans apr�s, le pouvoir aux int�gristes alg�riens? Je suis persuad� que nous aurons une Constitution parfaitement r�publicaine si la proposition de r�vision de la Constitution vient du pr�sident de la R�publique Abdelaziz Bouteflika.
Pour certains analystes, l'islamisme radical fait d�sormais partie du pass� et c�de la place aux mod�r�s. Ils sont au pouvoir en Tunisie, au Maroc, en Libye et peut-�tre bient�t en Egypte. Partagez-vous ce point de vue ?
Personnellement, je ne vois pas de diff�rence entre un islamiste radical et un islamiste mod�r�, leur objectif �tant identique, � savoir la prise du pouvoir. Il y a une diff�rence entre un musulman et un islamiste qui est un militant politique dont l'objectif est l'instauration de la charia. Il y en a qui veulent le faire par la violence comme a tent� de le faire le FIS en Alg�rie. Il y a ceux qui ont compris que la violence ne m�ne � rien et tentent de passer par les urnes. N'oublions jamais que Ghannouchi a dit publiquement et officiellement qu'il voulait instaurer le 6e khalifa. Abdeldjalil en Libye veut appliquer la charia avant m�me les �lections. Quant � l'Egypte, les Alg�riens ne connaissent que trop bien les Fr�res musulmans de ce pays. La situation est moins grave et quelque peu diff�rente au Maroc o� le roi se place au-dessus de la m�l�e et peut intervenir � tout moment en cas de d�rive.
Nous sommes en 2012, l'exp�rience turque avec l'AKP de Erdogan semble faire recette dans les pays arabes. Quel destin pour l'Alg�rie dans cette nouvelle tendance qui semble avoir le vent en poupe et l�aval de l'Europe et des Etats- Unis ?
Parlons-en ! Il faut que les Alg�riens sachent ce qu'est la Turquie qui est un Etat la�c comme le stipule l'article 2 de sa constitution. Moi j'ai des questions � poser aux islamistes alg�riens qui parlent du mod�le de l'AKP pour diriger le pays. Sont-ils pr�ts � accepter que l'on inscrive cet article dans la Constitution alg�rienne ? Par ailleurs, l'arm�e turque dispose de pr�rogatives constitutionnelles pour prot�ger la la�cit� de l'Etat. La Turquie demande � adh�rer � l'Union europ�enne et doit donc mettre � jour toute sa l�gislation. La Turquie a des relations privil�gi�es et strat�giques avec l'Etat d'Isra�l, elle est membre de l'Otan depuis 1952. Je veux dire que ce n'est pas l'AKP qui est un mod�le, mais bien l'Etat turc. Ce monsieur Erdogan qui veut se pr�senter comme le nouveau khalife de l'islam n'a pas les mains libres pour faire ce qu'il veut. Par exemple, il a tent� de faire introduire le hidjab � l'universit�, il n'a pas r�ussi. Je doute tr�s fort que les islamistes alg�riens acceptent toutes les caract�ristiques de l'Etat turc.
Le chef du MSP, Aboudjerra Soltani, clame haut que son parti gagnera les prochaines l�gislatives...
Il prend ses d�sirs pour la r�alit�. Il n'aura jamais la majorit� dans notre pays. L'Alg�rie est le pays musulman qui a le plus gros potentiel de modernit�, de d�mocratie et de r�publique. Je suis convaincu qu'avec de la vigilance, en gardant � l'esprit l'essentiel, nous pourrons, nous Alg�riens, b�tir une v�ritable d�mocratie en terre d'islam. C'est le d�fi que nous devons relever.
C'est connu, l'islamisme mod�r� ou radical prend pour cheval de bataille l'injustice, la lutte contre la corruption, l'exclusion. Chaque jour, les m�dias nous r�v�lent des scandales et l'impunit� ambiante. D�sesp�rez-vous de vous faire entendre ? Les jeux ne sont-ils pas d�j� faits pour la mouvance d�mocratique ?
Il est tr�s important de ne pas laisser la moralisation de la vie publique aux islamistes. D�noncer la corruption doit �tre le leitmotiv de tous les d�mocrates. Il faut quand m�me rappeler que dans les dictatures islamistes comme l'Iran pr�sent� un temps comme mod�le, c'est l� qu'il y a la plus grande corruption au monde, la prostitution, la drogue. Pareil pour l'Afghanistan, la Somalie, le Soudan, ou l�Arabie saoudite. Toutes ces r�publiques islamiques sont le bastion de la corruption et des fl�aux sociaux. C'est � nous militants d�mocrates d'�tre concrets en allant vers le peuple, d�noncer la corruption. Les d�mocrates alg�riens doivent prendre � brasle- corps les soucis des Alg�riens en mati�re de logement, d'�ducation, de s�curit� avec des propositions de solution.
Sc�nario catastrophe : le raz-de-mar�e des islamistes lors des l�gislatives prochaines?
Non, je ne crois pas. Un raz-de-mar�e est possible pour les islamistes comme pour les d�mocrates. Mais si dans les 6 prochains mois les d�mocrates ne se mobilisent pas, l'hypoth�se de l'arriv�e des islamistes au pouvoir n'est pas � exclure. Je suis sid�r� par l'absence sur le terrain et le silence des d�mocrates au moment o� tout bouge autour de nous. Ils ne s'expriment pas sur la Tunisie, la Libye, le Maroc qui sont pourtant des pays frontaliers avec l'Alg�rie.
Et vous � l'UDR ? D�s l'obtention de notre agr�ment, nous serons pr�sents partout pour dire ce que nous pensons.
Partout ? Nous sommes pr�sents dans 48 willayas et nous pr�senterons des listes dans toutes les circonscriptions �lectorales aux prochaines l�gislatives.
Rached Ghannouchi re�u avec les honneurs dus � un chef d'Etat et m�me par Bouteflika. Certains voient l� une autre concession � l'islamisme tandis que pour d'autres c'est un signe de pragmatisme politique.
Ni l'un ni l'autre. Ce qui me g�ne par contre c'est que Ghannouchi soit re�u � l'a�roport par le num�ro 2 du pays avec les honneurs dus � un chef d'Etat.
Permettez une curiosit� pour clore cet entretien. 10 ans ont pass� depuis votre d�part du RCD. Quel est le sentiment dominant chez Amara Benyoun�s aujourd'hui ?
Je ne regrette rien. Je souhaite bon vent � tous mes amis. J'ai connu des hommes et des femmes extraordinaires dont certains ont �t� assassin�s par les terroristes. Je n'ai aucune animosit�. J'ai choisi une nouvelle voie politique. J'assume toutes les positions politiques de ce parti jusqu'en 2001, ann�e o� je l'ai quitt�.


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