Ouverture de la 12ème édition du Festival international d'Oran du film arabe    Saisie de près de 94 kg de kif traité à Tlemcen et Naâma en provenance du Maroc    L'APN prend part à N'djamena à la 82e session du Comité exécutif de l'UPA    Un stock important de médicaments antipaludiques affecté aux hôpitaux pour parer à toute urgence    Jeux scolaires Africains 2025: l'Algérie abrite la 1re édition en juillet prochain    Réunion des ministres de l'Intérieur du G7 : M. Merad s'entretient avec son homologue italien    Pillage des ressources du Sahara occidental: le verdict de la CJUE constitue une "grande victoire" pour les Sahraouis (présidence sahraouie)    Migration clandestine : la gestion du phénomène requiert une vision globale    Energies renouvelables : production d'environ 4 Gigawatts d'ici début 2025    Cas de paludisme et de diphtérie dans le Sud: vaccination impérative de tous les habitants des régions affectées    Algérie-BM: l'Algérie engagée dans son programme de réformes pour un développement durable et inclusif    Le président sahraoui Brahim Ghali reçoit l'envoyé personnel du SG de l'ONU pour le Sahara occidental    Le Conseil de la nation prend part aux réunions de la 82e session du Comité exécutif et de la 46e Conférence de l'UPA    Sonatrach récompense les athlètes médaillés lors des Jeux Paralympiques-2024    Oran: lancement des travaux d'urgence pour la restauration du Palais du Bey dans les brefs délais    Le Premier ministre pakistanais félicite le président de la République pour sa réélection    Pluies orageuses sur plusieurs wilayas du nord à partir de jeudi    CAN-2025: une liste de 26 joueurs pour la double confrontation face au Togo dévoilée    Arrivé lundi à Laâyoune pour ce qui constitue sa première visite dans la région    Ligue 1 Mobilis : L'entraîneur de l'ASO Chlef Samir Zaoui suspendu un mois    Festival international d'Oran du film arabe: 18 documentaires longs et courts métrages en compétition    L'Algérie met en garde contre les plans israéliens    Renfort vaccinal général pour la population du Grand-Sud    Une délégation du Conseil de la nation participe à la 4e partie de la session ordinaire 2024    «L'Algérie, une boussole dans la réalisation des infrastructures énergétiques en Afrique»    De Mistura en visite, jeudi, aux camps des réfugiés sahraouis    Les impacts entre 2025/2030/2050 des politiques de la transition énergétique seront déterminantes    Nettoyage et embellissement    L'intelligence artificielle, un allié pour les journalistes    Les Verts pour un sans-faute face au Togo    Décès de l'ancien président du MC Oran Mohamed Brahim Mehadji    Scarthin Books à Cromford, antre du livre en pleine campagne    Ouverture du premier atelier national sur l'actualisation de la liste indicative    La création de l'Etat-nation algérien au fondement de l'islamisme (II)    Audience Le président du CSJ reçoit une délégation du groupe de la Banque islamique de développement    Chefs d'Etat et dirigeants du monde continuent de le féliciter    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



ENQUETE TEMOIGNAGES
Ah ! si vieillesse pouvait...
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 02 - 2012

Ombres furtives rasant les murs, les pensionnaires du foyer d�accueil pour personnes �g�es de Boukhalfa, dans la banlieue ouest de Tizi-Ouzou, �gr�nent le temps au gr� des jours qui s��coulent. Les yeux hagards, ils scrutent un horizon qu�eux seuls voient. A la vue d��trangers au centre, leurs visages s�illuminent d�un sourire plein d�espoir.
Autrefois inenvisageable en Kabylie et ailleurs, le principe de mettre ses vieux parents dans les foyers pour personnes �g�es qui ont perdu leur autonomie est aujourd�hui banalis�. Le centre social de Tizi-Ouzou pour personnes �g�es et/ou handicap�es nous a ouvert ses portes. Sur place, le constat rel�ve une triste r�alit�. Changement du mode de vie ou r�gression de l��chelle des valeurs, il reste que d�ann�e en ann�e, la pratique devient routini�re. Les enfants d�laissent leurs parents et les placent dans des centres sp�cialis�s. Cependant, les raisons derri�re ces placements diff�rent.
Une centenaire raconte
�Autrefois, la famille �tait le clan qui vivait dans un espace prot�g� o� personne ne se sentait seul. Les grands parents �taient v�n�r�s. Maintenant, nous nous sentons des fardeaux pour nos familles. Les enfants, absorb�s par un travail stressant, ne vivent plus sous le m�me toit que nous, et nous constituons un v�ritable obstacle pour leur bonheur.� De nos jours, la vie de couple a en effet pris le dessus sur celle de la famille nombreuse. Les jeunes mari�s habitent s�par�s des parents, et souvent tr�s loin d�eux dans les villes dont le mode de vie n�est pas compatible avec l��ducation des vieux parents qui pr�f�rent la mis�re du village au confort de la ville consid�r�e comme une prison pour eux. Mais la solitude et la perte d�autonomie finissent par les plonger dans les bras des centres pour personnes �g�es. Selon Razika, pharmacienne : �Les brus et les filles assuraient la prise en charge des vieux parents. De nos jours, elles assument aussi le r�le de femmes actives. Une �volution sociale qui reste pourtant pr�judiciable au bien-�tre des plus faibles.� Pour y pallier, la mode est au recours aux gardes-malades mais de jour seulement. Restent des cas o� il est difficile de concilier travail et vie de famille. Le travail, un des principes radicaux de l��volution des modes de vie : des horaires antinomiques avec l��tat des personnes �g�es qui ont besoin d�une pr�sence physique et beaucoup d�affection des leurs. Autrefois, les travaux des champs, pourtant accaparants, ne portaient pas pr�judice � l�organisation rigoureuse qui pr�valait au sein du couple. De sorte qu�il y avait toujours une personne au chevet du parent grabataire. A ce probl�me s�est greff� celui des enfants que les parents actifs placent dans les cr�ches� Notre visite a co�ncid� avec l�heure du repas de midi. Un repas complet servi par un personnel affable �tait au menu du jour : de la salade, des lentilles avec viande et un dessert alors que les diab�tiques avaient droit � une soupe. Cr�� en 2003, ce centre qui a h�rit� de la d�nomination du foyer pour personnes �g�es de Yakouren accueille des personnes qui ont perdu leur autonomie, du fait de leur fragilisation par des pathologies m�dicales lourdes, des personnes sans ressources et sans attache familiale et des handicap�s. Les conflits conjugaux et familiaux sont �galement � l�origine des ruptures et de l�explosion familiale. L�une des perspectives du centre est d�ailleurs la r�insertion familiale, un travail de proximit� avec les familles pour r�cup�rer leurs ascendants. La structure humanitaire de Yakouren dont le statut initial �tait de servir de centre de transit, devait son av�nement en 1994 au comit� local du C-RA de Yakouren pr�sid� alors par un m�decin.
Victime d�une d�pression nerveuse suivie d�une h�catombe familiale, il atterrit au centre.
Le projet humanitaire a vu le jour gr�ce � la d�lib�ration du P/APC de l��poque, pupille de la nation. Il avait mis le Centre de vacances de la jeunesse et des sports � la disposition du C-RA local. Beaucoup de pensionnaires de Boukhalfa ont �t� d�localis�s du centre qui avait mu� en foyer pour grabataires, mais aussi pour des personnes de tous �ges et des deux sexes trahis par la vie. G�r� essentiellement par des bienfaiteurs, il a v�cu par la suite des situations difficiles en raison de conflits d�int�r�ts. Le transfert sur fond d��meutes des pensionnaires qui refusaient de quitter ce nid d�humanit� pour une institution �tatique r�gie par un r�glement drastique illustrait cet attachement � un foyer o� des liens s��taient tiss�s entre les pensionnaires ayant en commun un destin tragique. C�est d�ailleurs le seul grief que les pensionnaires de Boukhalfa reprochent � leur centre. Car � Yakouren, ils disposaient de toutes les libert�s pour sortir, s�absenter et veiller.
La psychologue du centre nous explique
�Il serait suicidaire de g�rer le centre sans un r�glement drastique, que contestent certains pensionnaires avides de libert�, car beaucoup d�entre eux souffrent de divers troubles et maladies qui ne leur permettent pas de quitter les lieux sans autorisation et/ou sans accompagnateur. Des permissions d�livr�es aux r�sidents jouissant de toutes ou partie de leurs facult�s � l�image de Rachid qui a sollicit� et obtenu avec le sourire une permission pour aller en ville. Des proc�dures indispensables pour d�gager la responsabilit� du centre qui renferme des personnes de sant� fragile. Rachid qui parle un fran�ais sans accent nous a fait part de ses projets socioculturels. Compr�hensive de sa situation, la psychologue le ram�ne gentiment � la r�alit� en lui tendant son autorisation de sortie. De nombreux pensionnaires de Yakouren regrettent bien les veill�es autour du feu de bois offert par les bienfaiteurs et l�APC et ils ont encore du mal � s�habituer � la structure flambant neuf du centre qui leur offre pourtant toutes les commodit�s contrairement au foyer de Yakouren o� ils logeaient dans des box s�par�s par des cloisons sommaires et des d�pendances � la limit� de l�insalubre. Ces derniers reconnaissent toutefois que les conditions d�h�bergement et de restauration sont nettement meilleures � Boukhlafa notamment avec ce personnel aux petits soins avec les pensionnaires. 58 pensionnaires sont originaires de la wilaya de Tizi-Ouzou et le reste des wilayas d�Alger, Blida, Boumerd�s, Beja�a et Batna. Plusieurs cat�gories de malades sont r�pertori�es. Les pensionnaires souffrent de retard mental, de troubles psychiques, d�autres sont atteints d�amn�sie et de la maladie d�Alzheimer marqu�e par une d�sorientation dans le temps et l�espace, de maladies organiques, troubles visuels et auditifs. Beaucoup de cas n�cessitent un r��quilibrage psychologique selon la psychologue. La diversit� des cas en pr�sence rend difficile la vie aux pensionnaires ayant toutes leurs facult�s. Pour encadrer les pensionnaires, le centre dispose de cinq �ducateurs permanents sp�cialis�s charg�s d�accompagner les pensionnaires aux plans mental et de l��coute, une psychologue, des assistantes m�dicales, une infirmi�re. Quatre psychologues recrut�es dans le cadre social �paulent la psychologue du centre qui coordonne les groupes de paroles o� la psychoth�rapie adapt�e � chaque pensionnaire est de mise. La mort et l��laboration du deuil pour ceux qui le d�sirent sont abord�es par le centre qui c�l�bre aussi les c�r�monies mortuaires. Avec la r�currence des pensionnaires originaires de la Kabylie du sud de la wilaya de Tizi-Ouzou, toute une �tude sociologique est n�cessaire pour en �tudier les causes, m�me si la pauvret� semble en �tre la raison principale. Trop de personnes sont ainsi marginalis�es par leurs propres familles du fait de leur �ge, de leur �tat de sant� ou de leurs conditions sociales. C�est dans ce contexte que le foyer se propose d�accueillir ces personnes pour les prot�ger et briser leur isolement.
Salim, un pensionnaire artiste
Lors de la visite des ateliers, notre attention a �t� attir�e par des tableaux de peinture et quelques fresques murales d�un int�r�t artistique �vident. Des �uvres d�un artiste peintre, nous apprend la psychologue, un ancien �l�ve de l�Ecole des beaux-arts d�Alger des ann�es 70 sp�cialis� dans la restauration des monuments. �C�est le destin qui a amen� Salim ici. Ce talentueux artiste qui a expos� en Italie et en Suisse a �t� victime d�une d�pression nerveuse suivie d�une h�catombe familiale. C�est pour ces raisons qu�il s�est retrouv� au centre o� il compte participer aux activit�s artistiques et � l�animation culturelle.� �Pour peu que tous les moyens soient mis � ma disposition par la direction.� L�artiste peintre affirme �tre heureux de voir les gens s�int�resser aux pensionnaires qui se sentent abandonn�s par les leurs en soulignant le r�le du personnel aux petits soins avec eux.
Mokrane, un cas humanitaire
Mokrane �tait le confident et l�ange protecteur des pensionnaires du foyer de Yakouren. Sa chute au centre est anecdotique. Employ� dans une institution publique, ses ennuis commenc�rent, selon lui, avec une sombre affaire de faux abandon de poste dont il aurait fait l�objet de la part de son administration. Chose qui a pouss� Mokrane � saisir le pr�sident de l��poque, Liamine Zeroual. La perte graduelle de son acuit� visuelle qui a abouti � une c�cit� en 2007 a fini par l�achever. Une descente aux enfers aggrav�e par une s�rie de malheurs qui s�abattirent sur lui : il a d�abord perdu ses deux parents � six mois d�intervalle, puis deux autres jeunes membres de sa famille dont un par noyade et un ami qui s��tait montr� aux petits soins avec lui au commencement de ses malheurs. Et lorsque la maison familiale s�est vid�e apr�s le mariage de ses deux s�urs qui lui vouaient une grande affection mais ne peuvaient rien faire pour lui, l�angoisse atteignit son paroxysme. Fier, Mokrane ne voulait pas constituer un fardeau pour la famille de son petit fr�re et choisit de se r�fugier au foyer pour personnes �g�es o� il se dit atteint du syndrome des hospices qui lui a coll� � la peau. L�acharnement administratif sur Mokrane continue � ce jour. Sa demande de logement social �tablie il y a 33 ans et renouvel�e chaque ann�e aupr�s de la da�ra de Beni Douala reste lettre morte en d�pit d�un solide dossier. Mokrane sent le destin et la chance l�abandonner lorsqu�un g�n�reux bienfaiteur de B�ja�a s�est propos� de prendre en charge l�op�ration chirurgicale cens�e lui faire recouvrer la vue. Mais apr�s plusieurs examens, il s�est av�r� que son cas est irr�versible. Virtuose du banjo et du mandole, Mokrane noie son chagrin dans la musique. Il a longtemps �gay� les soir�es du foyer avec son ami feu Mohand Sa�d Oubela�d, un grand de la chanson kabyle qui, comble de l�ironie, s��tait retrouv� lui aussi au foyer d�accueil de Yakouren. Il sera assassin� dans des circonstances dramatiques � Azeffoun� Parlant et �crivant un fran�ais ch�ti�, Mokrane se versera dans le journalisme en tant que correspondant d�un quotidien national o� ses �crits sont appr�ci�s par les lecteurs. Mais l� encore, il fera l�objet d�une machination parce que ses �crits g�naient la mafia locale. Se sentant abandonn� de tous, il adressa une correspondance path�tique portant demande d�asile humanitaire au ministre fran�ais Bernard Kouchner. �Un pied de nez aux autorit�s alg�riennes qui m�ont ferm� toutes les portes�, s�indigne-t-il, indiquant : �Mon avenir est derri�re moi.� Trouvant les conditions de s�jour au centre excellentes, il estime toutefois que la libert� manque cruellement aux pensionnaires avec les contraignantes demandes de permission qu�il trouve fastidieuses � son go�t, sugg�rant un retour aux bons de sortie valables une semaine.
Fier, Mokrane ne voulait pas �tre un fardeau pour sa famille, il choisit de se r�fugier au foyer.
Dans les yeux de certains pensionnaires se lit une d�tresse contenue. Rachid que nous avons rencontr� dans le bureau de la psychologue r�ve, quant � lui, de s�investir, une fois gu�ri, dans l�humanitaire en offrant le g�te aux personnes en d�tresse. Sensible au drame des personnes �g�es du centre, la psychologue estime, quant � elle, que �quels que soient la qualit� de la prise en charge et l�amour dont sont entour�s les pensionnaires au centre, rien ne peut remplacer la chaleur familiale tant le vide est pesant pour les pensionnaires�. Son souci premier est d�apr�s elle de gagner la confiance des pensionnaires face � une soci�t� qui a tourn� le dos aux bonnes vieilles traditions ancestrales qui vouaient aux personnes �g�es un respect quasi sacerdotal de par leur lien social et interg�n�rationnel.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.