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Le Sahel : un Waziristan bis ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 04 - 2012


Par Zineddine Sekfali
Le Sahel avec ses probl�mes est sous les projecteurs de l�actualit�. Pour les chancelleries et pour certains hommes d�Etat et politiciens d�Afrique en particulier, il est une source de pr�occupation et de soucis. En fait, cette situation n�est ni nouvelle ni inattendue. Le clich� touristique de �l�homme en bleu juch� sur un chameau�, comme la repr�sentation folklorique et pittoresque des Touareg, hommes et femmes dansant au rythme du �tindi�, est � rel�guer au d�p�t des accessoires usag�s.
Le Sahel, espace oubli� de Dieu et abandonn� par les gouvernements, est une zone aux confins vagues et incertains, un d�sert exceptionnellement dur, dans lequel des hommes survivent en errant dans la plus extr�me pauvret� ; on y meurt toujours de famine ou d�une de ces maladies �pid�miques qui, sous d�autres cieux, ont �t� �radiqu�es, il y a longtemps. Le Sahel, c�est malheureusement aussi, une r�gion de crises politiques graves dont les origines sont lointaines, un lieu de tensions raciales et religieuses exacerb�es par les d�coupages territoriaux et les trac�s frontaliers que les puissances colonisatrices ont laiss�s comme autant de champs de mines et de bombes � retardement. Le Sahel est donc propice aux insurrections violentes ; il s�y dessine, en outre, un large front de conflits arm�s sanglants. L�anarchie y est devenue structurelle, l�ins�curit� est end�mique et la corruption atteint des records. Des milliers de pauvres gens fuient ces lieux dangereux ; les d�placements de populations vers les pays limitrophes se suivent et se ressemblent. Il n�y a d�s lors rien de surprenant � ce que le Sahel soit devenu une des plus grandes plaques tournantes des mafias, et le carrefour o� se croisent tous trafics transfronti�res de stup�fiants, d�armes et de cigarettes. Les probl�mes du Sahel sont nombreux, divers et incontestablement ardus � r�soudre. Les solutions � quand elles existent � sont �videmment diff�rentes pour chaque probl�me et pour chaque question. Aujourd�hui, les pays du Sahel dits Etats �du champ�, selon une expression �diplomatique� apparemment nouvelle, sont interpell�s par toute une s�rie d��v�nements graves survenus de mani�re soudaine et concomitante au Mali. Il s�agit, en l�occurrence, d�un coup d�Etat militaire, d�une insurrection arm�e conduite par un mouvement de lib�ration nationale, de la proclamation d�un nouvel Etat dit de l�Azawad, de l�incroyable regain d�activisme de quelques bandes de terroristes islamistes qui se r�clament soit d�Al Qa�da, soit d�Aqmi, soit du dernier- n�, le Mujao, et enfin de l�enl�vement et la s�questration par des hommes arm�s de sept fonctionnaires du consulat de l�Alg�rie � Gao. Si le putsch des capitaines maliens s�est rapidement et heureusement r�sorb�, c�est gr�ce � quelques chefs d�Etat de la Cedeao, organisation r�gionale cr��e en 1975 et qui compte quinze pays anglophones, francophones et pour certains d�entre eux, lusophones. A l�origine organisation simplement �conomique, la Cedeao a pris une dimension politique et militaire ; elle dispose en effet de l�Ecomog (1990), c�est-�-dire d�un �tat-major conjoint et d�un corps de troupes pr�tes � intervenir. Notre UMA, dont la cr�ation date de 1989, est h�las encore � ses premiers balbutiements� La Ced�ao a surtout d�excellents n�gociateurs et m�diateurs puisqu�en quelques jours, elle est parvenue, en permettant d�une part � A.T. Tour� � qui a d�missionn� en bonne et due forme �, d�autre part aux officiers putschistes � qui sont amnisti�s � de �sauver leur face�, ou comme on dit en arabe, d�avoir un peu �d�eau pour le visage� ; elle a en plus r�ussi � faire r�tablir l�ordre constitutionnel et remettre en marche le processus d�mocratique. L�enlisement n�a pas eu lieu, le sang n�a pas coul� : c�est assez rare et c�est pour cela qu�il fallait souligner le succ�s de la Cedeao, dans cette affaire. Reste � comprendre le pourquoi et le comment de l�insurrection des Touareg ! D�aucuns diront peut-�tre que ce n�est pas quelque chose de nouveau. C�est � la fois vrai et inexact. C�est vrai dans la mesure o� les Touareg du Mali sont en �tat d�insurrection ouverte ou latente depuis le d�but des ann�es 1960, c�est-�-dire depuis la proclamation de l�ind�pendance des Etats africains. A cet �gard, l�Alg�rie a plus d�une fois jou� un r�le de m�diateur entre le gouvernement malien et ces Touareg. On parlait lors de ces m�diations, bons offices ou tentatives de r�conciliation, de d�centralisation, d�autonomie de gestion, de d�veloppement local, de dignit�, de respect des traditions, d�int�gration dans l�arm�e, d�une plus grande participation � la gestion des affaires publiques, etc. Des accords, baptis�s parfois �pactes�, ont �t� sign�s par les parties, sous l��gide de nos m�diateurs qui ont toujours �t� des personnalit�s de haut rang. A chaque fois, on croyait en avoir fini avec la question touar�gue. En v�rit�, tous les accords et pactes n�ont pour la plupart v�cu que ce que vivent les roses, l�espace d�un matin ; le sang a ensuite souvent coul�, lors de tueries horribles. Mais cette fois-ci ce qui est nouveau dans l�actuelle insurrection arm�e, c�est le quasi-effondrement de l�Etat malien d�sorganis� et rong� par la corruption, l�apparition de troupes touar�gues dot�es de 4X4 et d�armes lourdes en quantit�s importantes, et qui ont pris avec une rapidit� d�concertante les chefs-lieux des trois provinces du Nord, soit la moiti� de la superficie totale du Mali, et enfin la pr�sence de redoutables commandos de terroristes, dont on semble conna�tre avec force d�tails tous les sigles et m�me, para�t-il, l��tat civil complet des chefs de bandes� Et il y a quelque part, aussi, la prise de conscience qu�il existe dans cette partie du Mali, un groupe humain qui a une unit� et une identit� ethnique, linguistique et religieuse, laquelle identit� fait sa diff�rence avec la majorit� de la population de ce pays. Ce particularisme est au demeurant � la source des ostracismes, des conflits et des pogroms qui ont lieu p�riodiquement. Mais ce qui laisse perplexe, c�est l�indiff�rence vis-�-vis des Touareg de ce qu�on appelle la communaut� internationale ; il n�y a rien ou si peu sur les Touareg tant � l�ONU et ses satellites ; il n�y a rien ou si peu dans la presse de grande diffusion ; et les ONG, si promptes � s�enflammer pour les Erythr�ens ou les Sud-Soudanais, sont aux abonn�s absents. On ne parle � propos des �v�nements au Mali que du p�ril islamiste ! Les Touareg du Mali finiront-ils comme les Indiens d�Am�rique, une peuplade en voie d�extinction, parqu�e dans des �r�serves� ? Quand par extraordinaire on parle d�un Etat Azawad, c�est tout de suite pour lui d�nier le droit d�exister, en vertu d�un principe de la Charte de l�OUA, celui de l�intangibilit� des fronti�res h�rit�es du colonialisme. Sauf que ce principe n�a pas �t� un obstacle pour d�tacher l�Erythr�e de l�Ethiopie, ni le Sud-Soudan du Soudan. En fait, rien n�interdit de penser que la r�gle de l�intangibilit� des fronti�res n�a, tout compte fait, �t� instaur�e que pour pr�venir et emp�cher les diff�rends et conflits �inter�tatiques � qui auraient pu na�tre entre deux Etats, l�un voulant agrandir son territoire au d�triment de l�autre. Et puis dites, � vous invoquant sans cesse le droit international, qu�avez-vous fait du droit des peuples � l�autod�termination ? On terminera ces quelques r�flexions et observations g�n�rales, en regrettant que bien que disposant d�un �tat-major commun install� � Tamanrasset en avril 2010 et d�un service centralis� du renseignement dont le si�ge est � Alger depuis septembre de la m�me ann�e, les quatre pays du champ peinent � �radiquer le terrorisme int�griste et le grand banditisme, qui sont en train de transformer le Sahel en une sorte de Waziristan invivable. En tout cas, on n�a pas vu venir ou pr�venir ni le rapt de trois �trangers � Tindouf, ni l�attentat � l�explosif contre une structure militaire � Tamanrasset, ni le rapt � Gao de sept diplomates ; quant � �Belaouar� qu�on signale tant�t en Libye tant�t � Gao, il court toujours, non � dos de chameau mais � bord de 4X4 rapides mais plus faciles � d�tecter que les cam�lid�s. Il est clair que si les �Etats du champ� veulent r�ellement en finir avec la menace terroriste et la criminalit� transfronti�re qui pourrissent le Sahel et les pays voisins, il leur faudra vite frapper fort, l� o� il faut, ensemble, en toute sinc�rit� et avec une confiance mutuelle. Viendra ensuite le traitement �conomique et social de la contr�e. Faute de quoi, d�autres pays le feront � notre place et chacun sait ce qu�il en co�tera � nous tous. On d�plorera en dernier lieu, l�incompr�hensible confusion m�diatique et les rumeurs les plus insens�es provoqu�es par la fausse nouvelle de la lib�ration des diplomates enlev�s, nouvelle qui a fuit� le 7 avril. La communication publique a, de ce point de vue-l�, �t� nulle.


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