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BONNES FEUILLES
�LA PARFUMEUSE�, ROMAN � PARA�TRE DE MOHAMED BENCHICOU La vie occult�e de Madame Messali
Publié dans Le Soir d'Algérie le 16 - 05 - 2012

Extraits du roman La parfumeuse de Mohamed Benchicou, publi� � l'occasion du 50e anniversaire de l'ind�pendance, � para�tre � la fin du mois de mai 2012, simultan�ment en Alg�rie, en Europe et au Canada. L�ouvrage exhume la vie occult�e d'une fa�onni�re m�connue de l'ind�pendance alg�rienne, �milie Busquant, plus connue sous le nom de Mme Messali.
Elle avait pris, ce soir-l�, le m�tro place de la R�publique, se rem�more-t-elle en fixant le chat qui ronronne sur ses cuisses rigides, pendant qu�il tombe une nuit bleut�e sur ce jardin de la Bouzar�ah o� elle n�allait plus. Il faisait bon dans Paris, ce soir-l�. Quelqu�un chantait Dans la vie faut pas s'en faire en imitant Maurice Chevalier, c��tait un bless� de guerre, un rescap� de la Somme, elle lui avait donn� trois sous, il avait fait une r�v�rence, elle lui avait souri.
- � quoi penses-tu, Emma ?
� mon dernier soir d�insouciance, aurait-elle voulu r�pondre. Mais elle n'a rien dit La soir�e s'annonce fra�che. De l�un des poiriers qui grimpent, en espalier, le long du mur du fond, une feuille jaune s�arrache avec majest�.
- Oui, je prendrais bien de ton vin de Calabre. Comme chaque soir, elle �tait descendue � la station P�re Lachaise, une femme riait sur le quai, un gar�onnet jouait au bilboquet, de nouvelles publicit�s d�coraient les murs, ici la derni�re Citro�n propos�e � cr�dit, en face le nouveau chocolat fondant de Lindt, l�-bas le prochain parfum � la mode, �Chanel n�5, le parfum de femme � odeur de femme�� Sur le boulevard de M�nilmontant, elle avait pris un journal chez le libraire Briscard puis salu� Maria l'Andalouse, la diseuse de bonne aventure qui mendiait � proximit� du cimeti�re, avant d�emprunter la rue de la Roquette pour acheter chez Mme Hubert une demi-livre de lardons fum�s en pr�vision de l�omelette lorraine qu�elle pr�voyait de pr�parer pour le d�ner. Sur le boulevard, une belle affiche annon�ait la sortie au cin�ma de La gar�onne, le roman qui a boulevers� la nouvelle France et tant indign� l�ancienne. L�histoire de Monique, cr�ature de cran et de folie qui a lib�r� son corps et son esprit, Monique qui n�en finit pas de faire tourner les t�tes, les belles t�tes de femmes cach�es depuis des si�cles par toutes sortes de coiffes, de cornettes, de foulards et de bonnets hideux, toutes ces coiffures qui emp�chaient les demoiselles d�exhiber leurs splendeurs, car c�est cela �tre femme, exhiber sa splendeur, et que vint d�livrer la d�raisonnable mode des cheveux courts, avec frange �� la gar�onne�, le cou et la nuque enfin d�gag�s.
- Emma� Tu ne m��coutes pas.
- Je regarde cette feuille jaune qui vient de tomber de l�arbre.
- Qu'est-ce qu�elle a, cette feuille ?
- Je trouve que je lui ressemble.
- Voil� que tu reprends tes propos obscurs.
- Si, si, je lui ressemble. Dans son bonheur int�rieur.
- Tu lui ressembles dans son bonheur int�rieur ?
- Et dans sa destin�e aussi. Bonne pour le vidoir. Regarde bien.
- Tu ne peux pas oublier�
- �Que je suis devenue impotente, clou�e dans ce fauteuil roulant, isol�e de tous et que je vais mourir dans quelques jours ? Non, Grazy, je ne peux pas.
- Ne sois pas triste, Emma. Je suis avec toi.
- Je sais, Grazy, je sais. Mais nul n�a jamais rien pu contre les souvenirs.
- Tu ne me dis pas tout.
- Non. Tu le sais, Grazy, tu le sais, il y a d'�tranges fatalit�s dans la vie des femmes, depuis toujours, celles qu'elles avouent et celles qu�elles pr�f�rent taire.
- Tu me diras ?
- Oui, promis. Tout � l'heure, je te raconterai ma terrible nuit dans le cimeti�re.
- Ta�
- Essaye de ne pas trop me juger sur la fa�on que j'ai de survoler mes malheurs. Je ne veux pas m'y �terniser. Ce n'est pas de ma faute apr�s tout, si ceux qui souffrent le plus sont presque toujours ceux qui savent le moins parler de malheur. (�) Elle avait quitt� Mme Hubert pour prendre le pain chez son boulanger D�put� G�rard et, en empruntant la rue du Repos, elle se souvient avoir tressailli en regardant sa montre : 17 heures et 15 minutes ! Dans moins d�une heure, elle avait rendez-vous avec Mme Cou�toux, sa vieille voisine, pour prendre le th� et faire connaissance avec un jeune homme venu d�Alg�rie.
- Un amour, Emma ! Un �tre si courtois, troubl� par la condition de ses semblables indig�nes mais si tendrement irr�solu... Un gar�on charmant, que j�ai connu enfant et qui, � ce que j�en ai appris, l�est un peu rest�. Un grand bambin d�sar�onn�, qui donne l�impression de se chercher encore sa m�re. Moi-m�me, vois-tu, il me consid�re comme sa seconde maman� Un amour, je te dis ! A cet instant pr�cis, venait de se terminer son dernier soir d�insouciance. D�sormais, sa vie ne sera plus qu�enfer, passion, amour br�lant et cavalcades, jusqu�� devenir guerri�re dans les faubourgs de Paris, justici�re de la Casbah, madone du Parti du peuple alg�rien, Emma la louve, Emma la m�re du peuple alg�rien, fille du pays de la mine et des gr�ves, emport�e � jamais par ce malheur de cumuler trois folies perp�tuelles, la d�mence de la m�re protectrice, la fureur de l�amante inassouvie et la hargne de la militante obstin�e, l�une se moulant dans l�autre pour former une ivresse incontr�lable et irr�sistible qui l�entra�nera, pendant trente ans, si fort, si loin, dans les r�ves d�un peuple qu�elle ne connaissait pas, jusqu�� n��tre plus, aujourd�hui, que l�impotente esseul�e, rien qu�une ruine clou�e � ce fauteuil roulant et accroch�e � ses souvenirs, �Emma l�andouille !� aurait dit Mamie Berthe Grosse Voix :
- Je te l'avais dit, petite gourde ! Mais toi, qui pouvait te parler ? Toujours cach�e sous le lit, � lire les livres interdits de ton p�re ! C��tait pas de ton �ge, ces bouquins politiques o� l�on apprend � maudire Dieu et les riches. Je savais que �a allait te faire du mal ! Et comme si les livres de ton p�re ne te suffisaient pas, il y avait les journaux de ce G�g�ne ! Tout cela allait te faire mal, je le savais ! Non, avec trente ans de distance, elle en est s�re, elle ne pouvait pas deviner qu�� cet instant- l�, elle allait basculer dans l��poque formidablement tourment�e de sa vie et qu�elle consumerait sa jeunesse, sa jeunesse puis tout ce qui lui resterait d�existence, � vouloir faire de ce jeune homme un des plus c�l�bres insurg�s de son temps. Elle se pensait d�li�e des pactes du pass�, indemne de ces perfides faiblesses qui terrassent les c�urs de jouvencelles. Elle se rappelle avoir press� le pas en se promettant d�aller voir La gar�onne. Elle a aim� le roman ; elle aimera le film. Mais ce ne sera pas avant l�autre semaine. Ce dimanche, elle pr�voyait de d�couvrir, avec Damien, cette production am�ricaine qui fait fureur, Nanouk l�esquimau, puis danser, � Montparnasse, ce charleston dont tout le monde parle et peut-�tre pousser jusqu�� Pigalle, � l�Ange rouge, pour y voir Mathilde. L�histoire� Ah! l�histoire, se dit-elle, en fixant le drapeau vert qui tr�nait � c�t� du buste de son p�re Lucien. Une affaire d'hommes, l�histoire, les plus habiles souvent, ceux-l� qui, depuis toujours, savent confier aux martyrs la besogne de conqu�rir la libert� pour aussit�t s�y engouffrer, la contr�ler, puis gouverner par le glaive et le mensonge et, � l'occasion supprimer les souvenirs des martyrs pour mieux la brider. Vous les entendrez alors dire �nous� en parlant des martyrs qu�ils ont fait oublier ou des fils des martyrs qu'ils ont pr�ventivement pass�s par les armes. C�est alors qu�ils d�cr�teront que l�histoire des peuples n�a que faire de v�rit�s ni de m�moire et qu�elle a besoin de mythes, seulement de mythes, de faux h�ros, de vrais mensonges et d�orgueil grandiloquent. Mais comment pouvait-elle se douter de tout cela ? Elle ne connaissait encore rien de ce peuple cach� l�-bas, derri�re la mer, rien d�autre que ce que lui en avaient d�crit les mineurs d�Afrique du Nord qu�elle rencontrait � Neuves-Maisons, ceux-l� au teint basan� qui avaient franchi la fronti�re pour venir en Lorraine gagner leur part de pain noir et avec lesquels, parfois, elle prenait le temps de discuter. Nous sommes d�une terre sans p�res et sans enfants, lui avait dit le vieux Benacer qui mourut l�ann�e d�apr�s aux pieds des hauts-fourneaux, tu� par un forcen� x�nophobe lors de tristes journ�es d��meutes anti-arabes. Une terre aux hommes sourds et � la prog�niture sans ambition. Chez nous, on ne meurt plus que dans les guerres des autres� Benacer �tait revenu de Verdun, survivant au milieu des cadavres et des gaz qui vous privaient de l�oxyg�ne, pour entrer dans l�infinie apocalypse qui l'attendait dans son hameau de Boghari, aux portes du d�sert alg�rien, l�infini enfer des gens rabaiss�s, priv�s de cet autre oxyg�ne que l�on appelle dignit�. Le vieux mineur avait lev� un doigt vers le ciel, et c��tait comme s�il implorait Dieu qui l�avait priv� du calme de la mort, de ne pas le laisser davantage torturer par le tumulte insupportable de cette existence � laquelle il l�avait de nouveau convi�. Elle avait comme l�impression de l�entendre dire au ciel :
- Mon Dieu qui m�avez sauv� d�une guerre, ayez piti� de moi, ne me laissez pas mourir dans le d�sespoir d�une paix que je n�aurais pas su construire !
- Tu ne veux pas qu�on rentre ? Le jardin lui appara�t drap� d�une soudaine intimit�. Il fut son petit havre qui la reposait des excitations humaines. Que deviennent les pissenlits qu�elle aimait tant croquer par la racine ? Il aimait venir s�y r�fugier parfois, au sortir d'une �preuve, d'une prison ou d'un meeting, admirant la nature dans ce qu�elle offre de d�tail infini, dans ses asym�tries harmonieuses. Et l��me du pers�cut� trouvait alors un r�pit dans la verdure apaisante qui l'invitait aux parfums inconnus et aux silences si souvent, si vainement, recherch�s. Je redeviens Renou, lui disait-il alors, et elle aimait cette r�f�rence � Jean- Jacques Rousseau cherchant asile dans la campagne grenobloise, vestige de leur jeunesse quand il cherchait refuge dans ses bras, le temps si proche et si lointain o� ils d�couvraient l'amour, le combat, la vie, la vie � offrir aux autres, le cran, toutes ces belles choses qu'il avait apprises, p�le-m�le, dans sa zaou�a, dans les cascades de Saf-Saf, dans les ferveurs syndicales, avant de les lire, si bien restitu�es, dans Le contrat social et dans Les confessions.
Que devient-il aujourd'hui ? Prend-il ses ampoules ?
Et que va-t-il devenir sans elle ?
Au-dehors, le soleil s�estompe.
Il ne subsiste rien de l'ancienne verdure comme il ne subsistera sans doute rien d�elle dans la m�moire de ce peuple qu�elle a tant aim�. Y aurait-il eu tout �a, l'Etoile nord-africaine, le Parti du peuple alg�rien, la lutte pour l'ind�pendance, et bien d�autres liesses � venir et qu�elle ne verra pas, si la jeune fille de Lorraine n�avait tant d�vers� de cet amour qui ne se raconte pas ?
Elle d�tourne son regard de ce jardin abandonn�.
Moulay ne vient plus. Pas d�argent pour le payer. Pas d�argent, pas l�esprit � �a, non plus.
- Oui, rentrons.
- Coco Chanel ? Eh bien, va, cours mon enfant, vole comme l'enfant prodigue, s��tait exclam� Lucien, va-t-en soulager ce p�re qui a tant voulu exister ; il sera touch� de compassion, tu seras sans doute touch�e par la gr�ce de l�enfant familier, l�enfant comme les autres, car tu apprendras, comme tous ceux qui se sont choisis un destin d'artiste parce qu'ils se croyaient diff�rents, qu�on ne nourrit son art et ne cultive sa diff�rence qu�en reconnaissant sa ressemblance avec tous. Non, elle n�aura pas �t� une seconde Coco Chanel, se dit-elle en fixant le buste de son p�re Lucien. Elle n�est pas all�e avec Damien danser le charleston. Elle n�a d�ailleurs plus jamais dans� le charleston. Elle cousit seulement pour les hommes auxquels elle ressemblait : les taulards du parti, d�tenus � Barberousse, � Maison-Carr�e ou � Lamb�se, ceux-l� qui attendaient le couffin, le plus grand possible, un couffin pour quinze, pour vingt, un peu de la soupe des braves m�res, un peu du poisson d�Alger, un rago�t avec les �pices secr�tes du terroir, quelques g�teaux des femmes de La Casbah� Tout cela revenait cher, trop cher, en d�pit de la solidarit� des commer�ants, des p�cheurs, des syndicalistes� �Tenez Emma, c�est pour nos prisonniers, un peu de l�gumes de Fouka, deux poulets bien gros et toutes nos pri�res, ya rebbi�� Mohamed Mahi, qui poss�dait un carreau � la p�cherie d'Alger, se chargeait du poisson frais. Hocine Mokri, chauffeur de taxi et fondateur de la section du parti du quartier de Notre- Dame d'Afrique, collectait ce qu'il pouvait dans le r�seau de la solidarit�. Mais c��tait la guerre contre Hitler, la p�riode des bons alimentaires, tout �tait rationn� Alors il lui fallut compter aussi sur elle-m�me, afin de le remplir, ce couffin, et de faire manger ses propres enfants. Elle travailla toutes les nuits � coudre, � domicile, du linge pour l�arm�e, pour le compte de la maison Jousse. Un boulot bien �reintant, ingrat, p�nible pour les yeux, pay� modestement� Mais comment faire quand le compagnon est en prison et que le parti, d�muni, n�avait plus aucune ressource pour aider ses d�tenus ? Elle aura �t� Coco Chanel � sa fa�on. Elle n�aura pas habill� les Parisiennes, mais elle aura v�tu un peuple d�un drapeau. Peu d�esprits s�en souviendront, elle le sait. Le c�ur de l�homme filtre les souvenirs et ne retient jamais les jours de douleur et d�anxi�t�, tout cela est trop lourd, tout cela tombe au fond... Il n�en restera aucun, de ces hommes qui partag�rent ses folies, pour �voquer cette fille �prise de la vie et qui laissa � ce peuple un �tendard vert comme on laisserait un talisman sacr� pour servir de conte et de boussole. La pi�tre m�moire des hommes, une fois de plus, consacrera la fable. L'image du compagnon de tranch�e s'effacera alors lentement dans les c�urs consol�s par cette douce amn�sie et tous les morts mourront pour la deuxi�me fois. C��tait il y a trente ans, elle avait fait un pot-au-feu et il revenait, tout excit�, d'une assembl�e g�n�rale de l'Etoile nordafricaine.
- Allonge-toi et raconte. Pendant qu'elle lui frottait le corps � l'eau de Cologne, il lui annonce l�adoption d�un programme audacieux, r�clamant la fin des abus du r�gime colonial et l�extension aux Alg�riens des libert�s d�mocratiques et des lois sociales et ouvri�res fran�aises, le droit � l'�ligibilit� � toutes les assembl�es...
- Et c'est tout ? Lui �tait surpris.
- Comment �a ? Tu ne trouves pas que c'est une avanc�e extraordinaire ?
- Non.
- Mais que faut-il de plus ?
- L�ind�pendance ! Ce qu'il faut revendiquer, Hadji, la seule chose qu'il faut revendiquer, c'est l'ind�pendance !
- L'ind�pendance ? Mais...
- C'est trop t�t ? C'est ce que tu veux dire ?
- Ben... C�est ce que disent les communistes, tu le sais bien ! On est cens� appliquer les orientations de Staline et du Congr�s de l'Internationale communiste sur la question nationale et coloniale�
- Je sais, on en a parl�, il faut r�aliser d�abord un bloc des quatre classes progressistes : la paysannerie, la classe ouvri�re, les intellectuels et la bourgeoisie, et patati et patata. C'est �a ce que tu vas dire au monde, � Bruxelles ? �Messieurs, mesdames, nous sommes colonis�s depuis un si�cle, mais je suis venu vous dire que c'est encore trop t�t pour nous lib�rer ! Il faut attendre de passer par les quatre classes !�
- Mais tu sais ce qu�on nous r�pond, la nation...
- ...n'existe pas encore dans l'esprit des gens, la formation d'un bloc politique y est tr�s difficile, je le sais, j'ai entendu �a des milliers de fois de la bouche de tes amis communistes. Mais alors, merde, c'est � toi, � nous, de la faire exister, la nation !
- Faire exister la nation comment ? Elle avait encore dans les oreilles, les mots du vieux mineur Benacer. Mais tout cela, la paix pour ce peuple, l�ind�pendance, tout cela �tait, alors, si chim�rique. C��tait encore l��poque o� le mufti d�Alger terminait ses sermons par cette envol�e solennelle : �Oui, Fran�ais et musulmans nous sommes, fr�res � tout jamais group�s par la Providence sous le m�me drapeau, le drapeau de la France !� Alors, elle avait r�pondu :
- Comment faire exister la nation ? Je ne sais pas... Par un drapeau, par exemple ! L�id�e lui est venue une premi�re fois en octobre 1924, lors de l'enterrement de l'�crivain Anatole France puis, un mois plus tard, durant une manifestation organis�e par les communistes � Paris � l�occasion du d�placement des cendres de Jean Jaur�s au Panth�on. Plusieurs centaines d�Alg�riens avaient particip� � ces deux mouvements de foule, brandissant des drapeaux rouges. �Pourquoi des drapeaux rouges ?�, s��tait-elle demand�e.
- Un drapeau... Tu as une id�e, toi ?
- Oui, j'ai le drapeau en t�te� Et maintenant, il faut qu�on s�y mette, sur ce discours de Bruxelles. Tourne-toi.
- Hein ?
- Tourne-toi que je te frotte le dos. Ils n�en avaient plus reparl� jusqu�� ce jour, six ans plus tard, o� il fut d�cid� � la direction du parti d�adopter un embl�me national.
- Tu penses qu�il sera pr�t pour la r�union d'apr�s-demain ?
- Croise les doigts. Le lendemain, elle lui tendit un sac en cuir de marque Lanvin.
- C'est quoi ?
- Le drapeau.
- D�j� ?
- Je l'avais fait il y a six ans. Elle avait imagin� une composition qui exprimerait ce qu'il y avait de grand et de pr�cieux chez ce peuple, toutes ces appartenances sacr�es et n�anmoins refoul�es : sa religion, l'Islam, par laquelle il s'identifie ; sa terre qu'il r�ve de rendre vierge de toutes les souillures qu'elle a subies ; l'Afrique du Nord dans laquelle il compte b�tir une fraternit� d'avenir. Elle l�avait dessin� en amoureuse, en militante, ce drapeau si longtemps dissimul� dans les c�urs et dans les fantasmes, ce drapeau qui sera donc tricolore, rouge � la hampe, blanc et vert avec un croissant une �toile rouges � cheval sur le blanc et le vert.
- Six ans ? Et si l'inspecteur...
- Si l'inspecteur Raoul l'avait trouv� ? Pas de risque. Il �tait � l'int�rieur de la banquette de la Rolls Royce d�une tsarine
- Rolls Royce ? Il �tait chez Mme Romanova ?
- Oui.
- Dans une Rolls Royce et un sac en cuir Lanvin ?
- Rien n'est trop beau pour un embl�me national.
M. B.
La parfumeuse, � para�tre fin mai 2012.
Edition Koukou (Alg�rie).
�dition Riveneuve (Europe et Canada).


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