Le fonds souverain de l��mirat du Qatar, le Qatar Investment Authority (Autorit� d�investissement qatarie, QIA), est pr�sid� par Tamim bin Hamad Al-Thani, le fils de l��mir. Sp�cifiquement, un fonds souverain d�signe des avoirs �tatiques en monnaie �trang�re, comme il d�signe, plus largement, tous les fonds d'investissement d�tenus par un �tat. Le QIA d�tient pr�s de 220 milliards d'euros investis au Qatar et dans le monde : Etats-Unis, Grande-Bretagne, Suisse, France, Asie, Am�rique du Sud, Afrique� Les fonds souverains les plus importants sont ceux de la Norv�ge et d�Abu Dhabi mais il existe une quarantaine d�autres, avec un portefeuille global de 5 000 milliards d�actifs dans le monde. Pendant que les pays d�tenteurs de ces fonds faisaient leurs emplettes publiques, l�Alg�rie bradait ses entreprises nationales� En finance, le fonds qatari a investi dans 31 institutions dont plusieurs banques qataries, ainsi que l�Agricultural Bank of China, la Banco Santander Brasil, la Barclays, le Cr�dit Suisse, la London Stock Exchange� En mati�re d�immobilier et d�h�tellerie, il a acquis enti�rement ou partiellement une cinquantaine de projets, �valu�s � environ 30 milliards d�euros et r�partis dans plusieurs pays (�gypte, Tunisie, Maroc, Singapour, Chypre, Cuba, Seychelles, Angleterre, Australie, Y�men, France�). Dans l�industrie, il a des actifs dans EADS, Porsche, Volkswagen et d�autres activit�s tr�s diverses incluant une quarantaine d�entreprises et institutions allant de l�agriculture aux transports, des hydrocarbures � la m�decine, du cin�ma (studios Miramax de Disney) et des m�dias � l��dition. Dans le domaine des transports, il g�re les compagnies a�riennes et ferroviaires qataries. Le Qatar s�est offert des immeubles prestigieux comme le Virgin Megastore des Champs-Elys�es et, au Royaume-Uni, il a construit la plus haute tour d�Europe, The Shard de Londres (environ 2 milliards d�euros) et acquis le magasin de luxe Harrods, le futur quartier chic de Chelsea Barracks, celui de Canary Wharf ainsi que le Village olympique... Le monde �tant � vendre, le Qatar saute sur l�occasion avec un sens des affaires de g�nie. Volant au secours des banques frapp�es par la crise, il a investi une dizaine de milliards dans Barclays, quelques broutilles dans Sainsbury et rafl� 15,1% des actions de la Bourse de Londres, comme il a particip� au sauvetage de Dexia, la banque franco-belge et �galement � la fusion entre Alpha et Eurobank, en Gr�ce, pays o� il a mis� un milliard de dollars dans des mines d�or. En Allemagne, il a achet� 17% du capital de Volkswagen et 10% de Porsche. Et comme petites emplettes, l��mir a acquis 5,19% du capital du joaillier Tiffany (5,19% du capital), les magasins de mode Permira et surtout 1% de LMVH, le leader mondial de l'industrie du luxe, pour ne pas oublier les dames. Boulimie de l�investissement Doha a profit� de la crise �conomique pour s�imposer comme actionnaire dans Total (2%), EADS (6%), Veolia (5%), Vinci (5,6%), Suez Environnement, le groupe minier suisse Xstrata, dans la soci�t� de b�timent allemande Hochtief (9,1%), dans Lagard�re (12,83%)� La manne qatarie inonde la France en particulier et l�Europe en g�n�ral, qui lorgnent les milliards de ces �mirs devenus courtiers de l�excellence. Loin sont les temps o� l�on se moquait les princes � frasques errant de casino en casino avec leurs poches trou�es d�o� suintaient des perles et des diamants. Maintenant ils s�offrent les casinos et ce qui va avec. Et pas seulement. Longue est la liste des investissements qataris, o� l'Afrique n'est pas en reste, notamment dans les secteurs tourisme et t�l�phonie mobile, avec Nedjma (Alg�rie) et Tunisiana (Tunisie)� La boulimie qatarie ne l�che rien : mines, terres agricoles, et m�me le sport et la culture. Dans le sport, ses conqu�tes sont le club espagnol de Malaga, le Paris Saint-Germain (100%) et Paris Handball (100% des clubs), les droits du championnat de Ligue 1, une partie des droits de la Ligue des champions, sans parler du sponsoring dans plusieurs disciplines, notamment le Prix de l�Arc de Triomphe organis� � l�hippodrome de Longchamp (Paris) non sans avoir investi dans France Galop, ainsi que le Tour de France, non sans avoir obtenu de l�organisateur un Tour de cyclisme au Qatar ! Pour l�accueil des Mondiaux de handball et d�athl�tisme en 2015 et 2017 et surtout la Coupe du monde de football 2022, un complexe sportif a �t� �rig� � Doha, alignant stades gigantesques, pistes d�athl�tisme climatis�es et une clinique du sport o� les plus grands sportifs du monde viennent d�j� se faire soigner. Neuf nouveaux stades de foot seront construits et les trois d�j� existants r�nov�s et agrandis � un co�t total de 4 milliards de dollars. En mati�re de tourisme, ce pays de chaleurs suffocantes attire d�j� des centaines de milliers de touristes et table sur des millions dans l�avenir, quand l�Alg�rie des plages et des montagnes, des plaines et des d�serts peine � avoir une poign�e d��trangers. Sur le plan culturel, les investissements se font en infrastructures et en valeurs s�res, notamment l�acquisition pour 190 millions d�euros des Joueurs de cartes de Paul C�zanne, de plusieurs Rothko, des Andy Warhol� Or, en cinquante ann�es d�ind�pendance, les mus�es alg�riens n�ont pas achet� serait-ce une seule petite gravure �trang�re digne de ce nom et, en un demi-si�cle, ils n�ont m�me pas acquis le nombre d�risoire de 300 �uvres � des artistes alg�riens alors que le Mus�e national des beaux-arts d�Alger avait acquis 8 000 �uvres depuis sa cr�ation (1908) � 1962 ! Alors que l�Alg�rie liquidait les entreprises �tatiques, parfois en jetant leurs directeurs en prison, le Qatar cr�ait un secteur public puissant. Le Qatar et les Etats du Golfe ainsi que d�autres pays d�Asie renfor�aient leur patrimoine public en rachetant des soci�t�s ou des actions pendant que l�Alg�rie suivait les injonctions du FMI et bradait ses infrastructures. Le professer Ibrahim Warde(1) �crit que les fonds d�investissement d�tenus par des Etats et des banques centrales sont �un paradoxe � l��re des privatisations�. Lorsque Bouteflika liquidait les entreprises alg�riennes et mettait nos devises dans la Banque centrale am�ricaine, le Qatar achetait des actions et des participations dans les entreprises priv�es � travers le monde. Le Qatar, pourtant l�oblig� des Etats-Unis, d�tient � peine 4 milliards de dollars en bons de Tr�sor am�ricains alors que l�Alg�rie en a acquis pour la somme faramineuse de 50 milliards de dollars (plus 75 milliards de dollars plac�s dans des banques europ�ennes) alors que le taux d�int�r�t est d�risoire en plus du risque encouru, comme l�ont soulign� plusieurs �conomistes. Petit caillou devenu puissance h�g�monique Contrairement � l�Arabie Saoudite, � Abu Dhabi ou au Kowe�t, tr�s actifs en investissements, le Qatar cherche la visibilit�, le prestige. �Qui sait que le tr�s secret fonds de Brunei poss�de une grande partie de la place Vend�me, l'h�tel Meurice et le Plaza Ath�n�e ?� �crit l�agence Reuters, ajoutant que le Qatar cherche � d�velopper �son soft power, un concept selon lequel le pouvoir d'un pays n'est pas li� � sa seule puissance militaire, mais tient aussi � son poids �conomique et � son prestige sur la sc�ne diplomatique mondiale�. Pour cela, �tre le prot�g� des Etats-Unis ne suffit-il pas ? Tout en s�offrant une visibilit� internationale, le QIA pr�pare l�apr�s-hydrocarbures avec l�objectif que ces placements puissent financer la totalit� du budget �tatique gr�ce � leurs apports, et ce, d�ici � 2020. Evidemment, il ne prend pas en charge les besoins ni les r�ves de la majorit� expatri�e qui se contente de vivoter pour envoyer quelques sous � la famille au Pakistan ou ailleurs. Logiquement, n�importe quel pays disposant d�un bon matelas financier aurait pu concr�tiser ce score. Arriv� au pouvoir presqu�en m�me temps que Bouteflika, Hamad bin Khalifa Al-Thani a fait de son caillou l'un des �tats les plus puissants du monde. Les Qatariens de souche ne paient pas d�imp�ts sur le revenu ; les b�n�fices des soci�t�s sont tax�s � 10%, les �tudes et les soins sont gratuits, comme dans un r�gime communiste. Depuis le 1er f�vrier 2011, les investisseurs �trangers peuvent d�tenir 100% du capital d�une entreprise enregistr�e au Qatar, sauf dans des secteurs tels que les banques, les assurances, l�immobilier et l�importation de produits de consommation. L�objectif est de ramener un maximum d�investisseurs alors que l�Alg�rie les chasse avec une obligation de majorit� nationale dans tous les secteurs, ce qui donne le chiffre d�risoire de 3,5 milliards de dollars seulement (dont un milliard dans les hydrocarbures) en cinq ans (2005-2009) ! Le Qatar place son argent dans les banques o� il a pris soin de prendre des actifs, pour surveiller son placement et en tirer un double b�n�fice. Incroyable paradoxe : l�Alg�rie dispose de ressources financi�res immenses tout en cherchant des investisseurs pour lui cr�er des richesses ! Pendant que l�Alg�rie fermait ses entreprises et pompait du p�trole pour acheter des titres du Tr�sor am�ricain qui rapportent � peine 1% de b�n�fices, le Qatar s�approvisionnait en actifs, titres et obligations dans des centaines d�entreprises � travers le monde et renfor�ait son secteur public tous domaines confondus. Quand le FMI et la banque mondiale nous incitaient � abandonner nos fleurons industriels et qu�on obtemp�rait, Doha constituait une assise industrielle relevant du domaine public ainsi que des services performants. A. E. T. (A suivre) 1. Professeur associ� � la Fletcher School of Law and Diplomacy (Medford, Massachusetts). Auteur de Propagande imp�riale & guerre financi�re contre le terrorisme, Agone - Le Monde diplomatique, Marseille-Paris, 2007.