Le Qatar est-il sinc�re lorsqu�il signe � tour de bras des m�morandums d�accord ? Peut-il convaincre l�entreprise allemande Volkswagen dont il ne d�tient que 17% des parts de cr�er une usine en Alg�rie ? Le fonds souverain qatari a des crit�res d�investissement peut-�tre plus draconiens que ceux de Volkswagen, dans le but de faire b�n�ficier le pays de rendements et avantages extrafinanciers (transfert technologique, partenariats strat�giques...). Le Qatar Investment Authority (QIA) vise � accro�tre le poids et l'influence du pays sur la sc�ne internationale. Il est g�r� comme un outil compl�mentaire de sa diplomatie et d�une volont� de partager le savoir-faire technologique des pays d�velopp�s, car ce n�est pas pour rien que Doha investit massivement en France, en Angleterre et dans d�autres pays occidentaux, �galement en vue de tisser des liens solides de r�ciprocit� et d�interd�pendance avec des partenaires de poids. D�o� les actifs dans des entreprises comme EADS, Hochtief (9,1%), Volkswagen (1%), Iberdrola (6.1%), Veolia Environnement ou Vinci, sans parler des entreprises du secteur des hydrocarbures� Les liens d�arabit� ou d�islamit� n�ont donc aucune importance pour les d�cideurs du QIA qui est pr�sid� par le fils de l��mir mais g�r� par des experts. Lors du Forum international sur l'investissement � Doha, le 21 avril 2012, des responsables africains et de l'ONU ont demand� aux fonds souverains internationaux � riches de quelque 5 000 milliards de dollars � � investir dans les pays en d�veloppement. Investir n�est pas une op�ration de bienfaisance, a presque os� rappeler M. Hussein Al-Abdalla, responsable au sein du QIA : �Nous avons besoin de transparence, d'efficacit� (�) Nous sommes pr�ts � investir mais les gouvernements doivent avoir des politiques claires qui attirent les investissements�, a-t-il dit, sans omettre de souligner que la corruption est une entrave majeure en Afrique. Or, l�Alg�rie est sise dans ce continent gangren� par ce fl�au, avec un climat d�affaires peu favorable : elle figure d�ailleurs au 148e rang sur les 183 pays �tudi�s dans le rapport �Doing Business 2012� de la Banque mondiale. En outre, le groupe �mirati Emaar qui devait r�aliser quatre projets d�un montant de 5,5 mds $ dans notre pays s�est r�cemment d�sist�. Vu les projets d�Emaar pour Alger, nous disons �tant mieux !� car ils allaient d�figurer la capitale, massacrer sa personnalit� architecturale et en faire une banale ville � gratte-ciels dans un style b�tard en vigueur dans les pays du Golfe et les pays sans histoire architecturale. Ce style architectural dit �international� est d�une banalit� affligeante et n�est point compatible avec une ville aussi belle qu�Alger. D�ailleurs, Marseille, Ath�nes, Alexandrie, Le Caire, Nice, Rome, Barcelone et des dizaines d�autres villes m�diterran�ennes tiennent � leur cachet architectural, pour pr�server ce que Fernand Braudel appelle �les superpositions de civilisations�. Quand l�Alg�rie accueille des demandes d�investissement, elle ne les fait m�me pas expertiser par ses comp�tences nationales : voil� des Emiratis pour nous faire des villes, et des parcs des Grands- Vents avec l�argent des banques alg�riennes ! Les Qataris, quant � eux, continuent de promettre� Au sujet de la soci�t� d�investissement mixte pr�vue dans le m�morandum d�accord alg�ro-qatari : pourquoi le Qatar s�embarrasserait-il d�un pays pour lui apprendre � investir ? L�Alg�rie n�a-t-elle pas des �conomistes et des financiers pour placer son argent par elle-m�me ? Pourquoi mettre les billes alg�riennes dans le m�me sac que ce pays avec qui nous n�avons aucune affinit� culturelle, diplomatique, strat�gique, �conomique ? L�Alg�rie a acquis pour 50 milliards de dollars en bons de Tr�sor am�ricain qui ne rapportent rien mais il n�est pas trop tard pour mettre nos fonds dans des actifs et participations en Alg�rie ou � l��tranger, mais en solo. �Les placements en T-Bonds (bons de tr�sor am�ricains), c�est ce qui reste quand on ne sait rien faire d�autre�, a dit un financier alg�rien � un quotidien national. Ces T-Bonds au rendement z�ro suscitent cette question chez le professeur Abderrahmane Mebtoul : pourquoi continuer �� privil�gier la s�curit� des placements m�me si le rendement est faible, voire n�gatif, ce qui �quivaudrait que l�Alg�rie finance le d�veloppement d�autres pays et pourquoi alors continuer � �puiser les r�serves d�hydrocarbures ?�(1). Le Qatar d�tient � peine pour 4 milliards de dollars en T-Bonds. Or, l�Alg�rie � elle seule d�tient presque le 1/5e des bons du Tr�sor US d�tenus (50 milliards sur les 261) par les seize pays exportateurs de p�trole � Arabie Saoudite, Venezuela, Libye, Iran, Irak, EAU, Bahre�n, Kowe�t, Oman, Qatar, Equateur, Indon�sie, Alg�rie, Gabon et Nigeria ! N�importe quelle m�nag�re sait placer son argent. Or, notre gouvernement demande l�aide du Qatar alors que des milliers d�Alg�riens sont pr�ts � lui offrir leur exp�rience si tant est que les milliers de cadres du minist�re des Finances ne suffisent pas � Monsieur Djoudi. Depuis 2010, un pays handicap� attend donc que Doha vienne lui apprendre � acheter des actions ! Si l�Alg�rie est incapable d�investir seule alors pourquoi ne pas s�allier avec le fonds souverain d�Abu Dhabi qui, avec pr�s de 500 milliards de dollars, est beaucoup plus important et surtout plus discret que celui du bruyant Qatar ? D�ailleurs, Doha ne tardera pas � donner une preuve d��go�sme contraire � la pr�tendue volont� de cr�er une �soci�t� mixte d�investissement alg�ro-qatarie�. Le 11 septembre 2012, le Premier ministre qatari arrive encore � Alger, apparemment pour la question malienne dont il n��chappe � personne qu�il en est partie prenante depuis quelques mois, le financement qatari des groupes terroristes n��tant plus un secret. Ici les promesses accompagnent souvent des complots. Parlant du Qatar, Denis Bauchard, de l'Institut fran�ais des relations internationales(2) a dit : �Leur strat�gie d'investissement est marqu�e par une volont� de puissance politique.� �Ce sont des acteurs �conomiquement irrationnels�, avertit Bertrand M�heut, le patron de Canal +, qui s�est fait souffler une bonne partie des droits de diffusion du foot fran�ais par Al Jazeera(3). �Ce qui est vrai, c'est que, lorsqu'il s'agit de placer leurs gazodollars � l'�tranger, les Qatariens cherchent un profit politique et une caisse de r�sonance m�diatique�, �crivent B�atrice Mathieu et G�raldine Meignan dans L�expansion du 29-02-2012. Avis donc aux amateurs qui croient avoir affaire � un enfant de ch�ur� Face � l�immobilisme alg�rien qui donne l�impression d�un pays � la d�rive, une sorte de navire fant�me qui erre sans but, le Qatar fait preuve de beaucoup de dynamisme. Mais comment ce petit pays peut-il courir plusieurs li�vres � la fois et avoir plusieurs casseroles sur le feu alors qu�avec toutes ses comp�tences, l�Alg�rie est un pays sur la touche ? �Arfa� rassek ya ba�, avait dit Bouteflika en 2009 : c�est le contraire qui se passe, l�Alg�rie et les Alg�riens sont d�consid�r�s, y compris par une insignifiante Suisse qui s�attaque � un g�n�ral alg�rien et un Qatar qui change les chefs d�Etat � nos fronti�res ! N�importe quel pays disposant d�un bon matelas financier et d�un tout petit peu de sagesse aurait pu concr�tiser les r�alisations de Doha. Le Qatar n�a ni les cadres ni les richesses de l�Alg�rie ; et d�innombrables entreprises � travers le monde ont besoin de liquidit�s : quel besoin de s�allier avec Doha ? Une alliance pour se d�tourner des principes D�ailleurs, le pays qui abrite l�exil dor� d�Abassi Madani et lui finance une cha�ne de t�l�vision sp�cialis�e dans les appels au meurtre peut-il �tre cr�dible ? Le pays qui finance nos partis politiques au m�pris des lois nationales peut-il l��tre ? De plus, infime est la taille de nos �changes �conomiques avec un pays qui veut imposer son humeur. La plan�te est suffisamment vaste pour nous d�aller vers des partenaires moins voyants afin de participer en m�me temps � asseoir le nouveau monde qui se dessine sous nos yeux et qui ne sera probablement pas sous le monopole am�ricain pour lequel Doha se bat d�sesp�r�ment � travers complots et d�stabilisations. Pourquoi ne pas rejoindre les Brics et se repositionner au sein du mouvement des Non-Align�s o� la visibilit� de l�Alg�rie �tait presque nulle lors du dernier sommet de T�h�ran ? Suivre le Qatar de Hamad, c�est obligatoirement se d�tourner des principes qui ont fait la fiert� et la r�putation alg�riennes. Boudiaf voulait rompre nos relations diplomatiques avec certains pays du Golfe qui soutenaient le terrorisme et qui, aujourd�hui, complotent encore dans notre dos pendant que nous leur faisons des salamalecs. Pourtant, aussi bien le RND que le FLN ainsi que d�autres partis politiques ont utilis� l�argument de la menace �trang�re durant les �lections �lectorales, certains accusant nomm�ment des pays du Golfe. Maintenant ils font comme si de rien n��tait alors que Hamad envoie au Mali des officiers d�guis�s en agents humanitaires du Croissant-Rouge qatari. Le monde arabe a fait beaucoup de r�volutions. Aujourd�hui, il appelle r�volutions les contre-r�volutions de ce �printemps arabe� qui le m�nent � la r�gression � dite f�conde et esp�r�e par des th�oriciens am�ricains et fran�ais. Le monde arabe n�a pas conscience des enjeux de l�histoire comme il n�a pas conscience des voies justes et des voies dangereuses qui m�nent aux p�rils et aux impasses. Il ignore la signification du terme fascisme et ne sait m�me pas que l�islamisme am�ne le poison de la fitna, qui tue � petit feu les germes m�me de l�intelligence et du savoir. En �tant les libert�s � l�homme, il supprime toute forme de justice ; et sans justice il n�y a pas de paix ni de prosp�rit�. Les islamistes vivent � la marge de l�histoire, ils veulent vivre le pass� au lieu d�assumer le pr�sent. Le Qatar est le v�hicule qu�ils chevauchent pour arriver � leurs fins. L�apr�s-guerre froide et la dislocation des d�mocraties populaires de l�Europe de l�Est en passant par l��clatement de l�URSS ont autoris� un ordre unipolaire domin� par les Etats-Unis, exclusivement. L�ordre bipolaire permettait la protection des pays faibles, mais depuis une vingtaine d�ann�es, la Russie et les autres puissances n�ont aucune voix. C�est dans ce contexte fragile que les Etats-Unis ont voulu imposer leur Nouvel Ordre mondial, devenu Grand Moyen-Orient, avec le dessein d�imposer leur mainmise sur les ressources p�troli�res et leurs routes et s�curit�, d�assurer la s�curit� d�Isra�l, d�affaiblir les nations arabes et musulmanes et surtout de balkaniser l�Irak, la Syrie et l�Iran. Tout en affaiblissant davantage les puissances asiatiques, Inde, Chine et Russie comprises. Les conflits et changements issus des �printemps arabes� entrent dans ce plan qui a utilis� la �d�mocratie� comme couverture. Le Qatar et l�islamisme ont �t� des outils pr�cieux, r�compens�s en actifs et participations de toutes sortes et dans tous les sens des termes. A. E.-T. (A suivre) Note : 1. In le quotidien national R�flexion du mardi 21 ao�t 2012.