Si nous consid�rons que le citoyen de tout bord est r�duit � des conjectures sur ses motivations, l'homme politique ass�ne des v�rit�s sans r�plique, en fait des id�es qui font l'unanimit�. Lorsque le d�funt pr�sident Boumedi�ne disait : �Les peuples qui ont faim ont besoin de pain, les peuples ignorants de savoir�, il n'y avait aucun signe d'univocit�. Tout �tait clair et net comme l�eau de roche. On ne peut pas dire qu'il avait tort. J'avais beaucoup appr�ci� l'all�gorie d'un grand ami � moi qui aimait � �corcher les partis politiques mais il se gardait de porter atteinte � la dignit� de leurs membres. Je me souviens de l'une de ses maximes qui revient au go�t du jour : �Les �lus sont comme une felouque, le peuple en est le m�t et la voile... et sans �a la felouque est condamn�e � faire du surplace sinon couler � pic.� Mais pourquoi mon ami a choisi comme formule imag�e une �felouque�, il aurait pu opter pour une embarcation mieux appropri�e pour contenir tout ce monde par exemple, un ferry, un yacht ... et le peuple en serait le gouvernail ? Il jette son d�volu sur le plus fr�le, voire pr�caire des esquifs ; ces �felouques� qui ne s'aventurent jamais en mer car le moindre remous provoqu� par une simple barque � moteur pourrait la faire chavirer, pr�f�rant ainsi sillonner les fleuves tranquilles � l'abri d'un naufrage fatal. Mon ami dot� d'un esprit f�cond, tombe quand m�me dans l'exag�ration. Eh oui ! Comment tous nos champions de la production de valeur pourraient-ils naviguer � bord d'une �felouque� ? Ceux qui sont mont�s � bord de ces coquilles de noix comme celles qui sillonnent les eaux calmes du Nil, savent que le moindre mouvement brusque en compromet l'�quilibre. M�me si cette histoire plaisante imagin�e par mon ami pour amuser, je trouve que les r�gles de la logique et de la m�thode ne sont pas respect�s, ou alors c'est moi qui manque de perspicacit�. Un jour que je rencontre par hasard mon ami se pavanant du c�t� de la rue Didouche-Mourad, je lui demande de m'expliquer le sens de cette forme de maxime et les le�ons de morale et d'�thique qu'on pouvait en tirer. Pour satisfaire ma curiosit�, mon �rudit ami me d�veloppe tout un raisonnement accompagn� d'exemples pour mieux saisir la port�e de la sentence. �Tous les animaux marins de grande taille sont des poissons, or le cachalot est un animal marin de grande taille, donc le cachalot est un poisson.� Que dois-je penser ? Qu'il se trompe � coup s�r, mais qu'il raisonne bien. En effet, l'encha�nement des propositions est valide, car on a le droit de dire que si �tous les X sont P, et que Y est X, alors Y et P� : l'erreur porte ici sur le contenu, sur la pr�misse : tous les animaux marins de grande taille ne sont pas des poissons puisque le cachalot est un c�tac� mammif�re. Il ne suffit donc pas de conna�tre les lois de la d�duction pour percer le secret de l'histoire. La logique est une condition n�cessaire mais non suffisante. La sagacit� permet aussi de comprendre de courts textes sibyllins. Comment faire monter quatre cents individus sur une embarcation qui ne peut contenir pas plus de quinze. Ce n'est l� qu'une action de grossir d�mesur�ment la proportion mais comme il existe des champions de l'�quilibrisme, on y arrive. Nous sommes tous exalt�s par le �mythe de la patrie� si ce mythe pour nous citoyens semble au regard de l'histoire r�volutionnaire de notre pays une des valeurs les plus �videntes qui soient. D'autres ne l'envisagent que comme protectrice de leurs biens, mais sont pr�ts � l'abandonner si les profits qu'ils en tirent s'amenuisent ou disparaissent. La �felouque� continuera de voguer sans son balancier jusqu'au jour o� un courant fluvial impromptu l'entra�nera jusqu'� l'embouchure pour se jeter dans la mer et aller s'�craser contre un r�cif corallien.