Il �tait une fois, un lion qui r�gnait sur une vaste et luxuriante for�t, situ�e � quelques encablures de la majestueuse montagne du Djurdjura. Il avait comme seuls amis, un chacal et un mulet. Chaque soir, apr�s ses travaux domestiques chez les villageois, le mulet les rejoignait dans une clairi�re, pour se partager quelques pitances glan�es de-ci, de-l�. Lorsqu�ils �taient rassasi�s, ils jubilaient, s�amusaient, mais quand le gibier se faisait rare, ils commen�aient � se disputer la moindre petite proie. La situation s�envenimait avec l�arriv�e de l�hiver, sauf pour le mulet, qui �tait � l�abri du besoin et qui rendait de temps � autre visite � ses amis, lorsque le temps lui permettait de s�aventurer sur les routes enneig�es. Un jour, alors qu�il n�avait pas cess� de neiger depuis des semaines, que la nourriture se faisait de plus en plus rare, le chacal, pouss� par son instinct de survie, s�adressa au lion : �Mon seigneur, nos lign�es courent de grands p�rils. Sacrifions le mulet sur l�autel de la supr�matie animale, il n�est point d�ascendance pure, contrairement � nous. Demande-lui donc qui est son p�re ?� �Mon ami, je ne peux cautionner cette proposition, ce serait injuste de le juger et de le condamner � cause de ses origines�, r�pondit le lion. Le mulet qui �tait tout pr�s avait compris ce qui se tramait derri�re son dos. �Quels amis ! Enfin mieux vaut entendre �a que d��tre sourd�, se disait le mulet en son for int�rieur. Il les regarda dans les yeux en leur adressant ces paroles : �Eh bien ! Soit, je chercherai ma lign�e par monts et par vaux, je consulterai le conseil des anciens et je vous ram�nerai les �crits.� Il marcha longtemps avant de rencontrer un singe au bord du chemin. Le mulet lui raconta son histoire et le singe ayant compris l�objet de son p�riple, lui proposa : �Porte-moi sur ton dos, jusqu�� la prochaine colline, et je te dirai ce que m�a dit mon p�re.� En arrivant, le singe sauta sur une branche et lui dit : �Mon p�re m�a dit, et je ne l�ai pas oubli� : du champ coup� de chemins de servitudes, de la charrue mal emmanch�e, de la femme qui a des enfants d�un premier lit, m�fions-nous, les amis !� N�ayant pas compris le sens des paroles, le mulet continua son chemin. Il rencontra le jour suivant un renard, qui se reposait au bord du sentier. Il lui raconta son histoire et le renard � son tour lui proposa : �Porte-moi sur ton dos, jusqu�� la prochaine for�t, et je te dirai ce que m�a dit mon p�re.� Arriv�s � la lisi�re des bois, le renard sauta � terre et lui dit : �Mon p�re m�a dit, et je ne l�ai pas oubli� : quand des fr�res sont unis et que leurs ennemis le savent, ils s�en tiennent � l��cart, comme de la panth�re, s�ils donnent le commandement au plus intelligent, il a pour lui la protection du proph�te. D�s que le calomniateur s�insinue parmi eux, tout est perdu en un seul jour.� N�ayant pas compris encore une fois, le sens des paroles, le mulet continua son chemin, jusqu�� l�entr�e d�un village o� il rencontra un chien. Il lui raconta son histoire et le chien lui proposa � son tour : �Porte-moi jusqu�� l�assembl�e du village, et je te dirai ce que m�a dit mon p�re.� En arrivant au lieu indiqu�, le chien descendit et lui dit : �Mon p�re m�a dit, et je ne l�ai pas oubli� : anath�me contre qui se marie avec une femme de pi�tre lignage. Qui le ferait, aurait beau �tendre sa renomm�e, un jour sa femme le ruinerait. � Le mulet resta l� encore, surpris par les incompr�hensibles paroles du chien. Mais cette fois-ci, un vieil homme qui �tait assis � l�entr�e de la djema�, lui dit : �Je devine la raison de ton tourment, la r�ponse � ta qu�te, tu la trouveras chez une personne de ce village, je vais t�orienter vers elle.� Quelques jours plus tard, le voici de retour. En cherchant sa lign�e, ce n��tait pas des parchemins qu�il ramena, mais des fers clou�s � ses sabots, �uvres du ferronnier du village. Le lion en voyant le mulet arriv�, ordonna au chacal de regarder ce qui �tait �crit sous les sabots du mulet. Le chacal redoutant un coup de sabot fatal, se tourna vers le lion : �Seigneur, les �crits sont petits, illisibles, vous seul avec votre per�ante vue, pouvez les lire�, dit le chacal. Na�vement, le lion s�approcha du mulet par derri�re et re�ut un coup de sabot entre les yeux. Il tituba avant de s�affaler de tout son poids sur le dos. Le chacal commen�a � tourner autour de lui. Le lion agonisant, sentant sa mort proche, lui dit : �Soit raisonnable chacal, as-tu oubli� notre amiti� ?� Le chacal lui r�pondit en ricanant : �Mon pauvre ami ! Tu ne savais pas que le monde est du c�t� de celui qui est debout, m�me si son p�re est un �ne ?� Le chacal sauta sur le lion bless� et l�acheva. Note : conte inspir� de la chanson El-Hiwande Slimane Azem. Texte et illustrations : Ould Rabah Abdel