L'ampleur des scandales qui ébranlent l'entreprise publique Sonatrach et le grand intérêt médiatique que suscitent les enquêtes ouvertes en Italie et au Canada ont contraint le président Bouteflika à une expression publique. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - Tardive, en plus d'avoir découlé d'une contrainte, sa réaction est enrobée dans un message circonstancié adressé, hier, au secrétaire général de la Centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd. Peu loquace, depuis des lustres, alors qu'une somme d'actualités l'y invitait, crises malienne, tunisienne et syrienne, entre autres, Bouteflika ne pouvait, à l'évidence, se figer plus longtemps sans le silence face aux révélations en cascade sur une immersion corruption à la Sonatrach. Il ne pouvait se murer davantage, tant est que les mis en cause dans ces grosses affaires de pots-de-vin et d'octroi de marchés en contrepartie de commissions qui se chiffrent à plusieurs millions d'euros se recrutent dans son cercle proche : Farid Bedjaoui, le neveu de l'ancien ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui et Chakib Khelil, l'ancien ministre de l'Energie et des Mines. «Je ne peux pas passer sous silence les scandales récemment relevés par la presse et qui touchent la gestion de Sonatrach», a écrit Bouteflika dans son message, soulignant que ces informations «soulèvent notre révolte et notre réprobation, mais je fais confiance à la justice de notre pays pour tirer au clair l'écheveau de ces informations, pour situer les responsabilités et appliquer avec rigueur et fermeté les sanctions prévues par notre législation». Quelle lecture faire d'une telle déclaration ? En affirmant qu'il ne peut pas passer sous silence les scandales, le président Bouteflika veut signifier que la corruption à la Sonatrach n'implique pas nécessairement l'ensemble du clan qu'il a adoubé, comme d'aucuns auraient tendance à le supposer. Dit autrement, il délivre un démenti anticipé à toute assertion qui, éventuellement, conclurait à une responsabilité institutionnelle dans cette corruption qui a gangrené le poumon économique national, voire d'autres entreprises. Plus prosaïquement, il laisse comprendre que, dans l'affaire, il n'entend pas s'ériger en protecteur de ses anciens protégés, Chakib Khelil et le neveu de Bedjaoui, auxquels s'intéressent des parquets étrangers. Devant se déterminer par rapport à une élection présidentielle qui interviendra d'ici une année, le président Bouteflika est assurément gêné par ces scandales en chaîne, qui mettent en cause des personnes ayant fait partie de son cercle intime. Sa contrariété est d'ailleurs apparente. Aussi se dit-il révolté par les informations livrées par notamment la presse étrangère, italienne et canadienne principalement. Des informations qui, plus que les classements d'organisations de lutte contre la corruption, écornent l'image du pays. Ses trois mandats successifs ne sont pas en reste, tant est que ces affaires révélées renvoient à la période s'étalant entre 2000 et 2010, c'est-à-dire pendant son règne.