Les scandales, les affaires de corruption affectant Sonatrach, l'ancien président-directeur général de la compagnie pétrolière nationale, Abdelmadjid Attar, y voit le résultat de la forte centralisation des pouvoirs. Chérif Bennaceur - Alger (Le Soir) - «C'est la centralisation des pouvoirs, des décisions qui encourage le phénomène de la corruption», affirme l'ancien patron de Sonatrach qui était l'invité hier du Forum du quotidien Liberté. Selon M. Attar, exprimant «un avis personnel», la forte centralisation du pouvoir de décision concernant l'approbation des projets de développement maturés en «bas» de la hiérarchie, la multitude d'intermédiaires entre les ingénieurs et les organes de décisions sont des facteurs à même d'encourager la corruption. «Plus il y a d'intermédiaires, plus cela complique les choses», dira-t-il, estimant que «la meilleure solution» pour lutter contre la corruption réside dans l'introduction de «la décentralisation, la responsabilisation». Voire d'un nouveau management de compagnie nationale. Autre facteur, l'accumulation de l'argent» généré par l'amélioration des recettes et le développement des projets et qui encourage la corruptibilité comme le laisse entendre l'ancien P-dg de Sonatrach et ancien ministre des Ressources en Eau. Se disant «extrêmement attristé » par ces affaires qui «concernent des individus», Abdelmadjid Attar estime que ce sont les cadres de Sonatrach qui en subissent l'impact direct. «C'est douloureux pour eux», dira-t-il, dans la mesure où ces cadres, observe-t-il, se refuseront à toute prise de décision, d'initiative comme ils le feraient dans un autre contexte. Néannmoins, l'ancien P-dg de Sonatrach ne semble pas inquiet «outre mesure» tant sur la capacité de Sonatrach à «se relancer» que sur la pérennité de ses relations avec ses «partenaires et ses fournisseurs ». L'occasion pour l'ancien dirigeant de la compagnie pétrolière de réfuter qu'il a, durant son management à la tête de Sonatrach, subi des « injonctions» de sa hiérarchie ministérielle ou de toute autre partie, hors les décisions liées au respect des intérêts du pays. L'avant et l'après-Tiguentourine... D'autre part, Abdelmadjid Attar est revenu sur l'attaque terroriste survenue le 16 janvier dernier au complexe gazier de Tiguentourine à In Amenas, «un coup dur» mais qui représente cependant, dira-t-il, «un risque de type nouveau». Certes, il estime que la situation reprendra normalement et que des améliorations seront apportées en matière de sécurisation des installations pétrolières et gazières. Toutefois, c'est sur le plan de la poursuite des projets de développement en cours que des répercussions négatives sont attendues, note l'invité de Liberté. Ainsi, la réalisation des projets subirait «un peu de retard» qu'il estime à quelques mois, outre des «coûts supplémentaires» que Sonatrach et ses partenaires devront négocier. Autre impact négatif, la possibilité que l'objectif attendu par la nouvelle loi sur les hydrocarbures, au demeurant opportune selon lui, risque d'être contraint. Il s'agit essentiellement de la création d'«un cadre favorable» au développement en partenariat des gisements petits ou marginaux ainsi que des hydrocarbures non conventionnels (gaz de schiste....). Or, l'éventualité que des partenaires potentiels demandent des «concessions» et des coûts supplémentaires n'est pas à écarter, estime Abdelmadjid Attar. Voire, «il y a eu l'avant- Tiguentourine et il y a l'après- Tiguentourine», observe l'ancien Pdg de Sonatrach, considérant néanmoins que les répercussions relèvent du «conjoncturel». «Les gisements commencent à vieillir» ... D'autre part, Abdelmadjid Attar avait exprimé un avis favorable tant à la nouvelle loi qui «arrange beaucoup Sonatrach» qu'au développement des hydrocarbures non conventionnels, en estimant qu'«il faut y aller». Cela même si les considérations de rentabilité, de coûts élevés ainsi que la nécessité d'acquérir entre 800 et 1 500 appareils de forage et le recours inévitable aux partenaires étrangers, se posent concernant la valorisation des gaz de schiste. Auparavant, M. Attar avait relevé, assez critique que «la production d'hydrocarbures a été énormément encouragée (durant la décade écoulée) sans tenir compte de l'outil de production». Dressant un bilan assez mitigé de la situation énergétique du pays, l'ancien P-dg de Sonatrach note ainsi que la production pétrolière enregistre une baisse, notamment depuis 2007, et «les gisements commencent à vieillir et sont de plus en plus petits» tandis que la consommation de carburants et de l'électricité augmente considérablement. «Si l'on avait mis en œuvre tous les programmes de maintenance et de réhabilitation, les gisements auraient pu continuer à produire, voire davantage», dira-t-il, relevant qu' il n'y a pas eu de programmes de réhabilitation ou bien que ces programmes ont pris énormément de retard, en raison des contraintes liées aux appels d'offres, à la centralisation des décisions, aux scandales... ». Les réserves d'hydrocarbures, en diminution avérée Comme Abdelmadjid Attar s'est montré peu rassurant quant au niveau des réserves d'hydrocarbures (pétrole et gaz). Ainsi, sur les 20 milliards de tonnes équivalent pétrole (TEP) de réserves pétrolières découvertes et sur les 6,7 milliards de TEP récupérées, il ne reste que 2,6 milliards de TEP productibles (huiles, condensats et GPL). Quant aux réserves gazières, il indique que sur les 10 000 milliards de mètres cubes de réserves découvertes, il ne reste dans le sous-sol que 4 500 milliards de mètres cubes dont 60% seulement sont avérées productibles. A ce propos, il explique que la répartition géographique des ressources n'est pas liée à l'intensification ou non de l'effort d'exploration mais à des facteurs géologiques. En ce sens, Abdelmadjid Attar indique que 9 000 puits ont été forés durant les décades écoulées, situés essentiellement dans le sud-est du pays et sans impact sur l'environnement et la nappe albienne.