[email protected] Mariée il y a à peine quelques mois, Zahia s'initie à vivre en communauté. Dans la grande maison, on compte d'abord les beaux-parents, ensuite les deux beaux-frères et leurs épouses, enfin les enfants. Bien que les deux couples vivent chacun dans son appartement, il n'en demeure pas moins qu'ils se partagent la cour et le jardin. Zahia, quant à elle, ayant épousé le benjamin, a, comme la coutume le dicte, la charge de ses parents. Une mission qu'elle accomplit sans contrainte d'autant que belle-maman s'avère être une brave femme qu'elle porte dans son cœur. Zahia et son mari quittent la maison au petit matin pour rejoindre leur lieu de travail. Ils habitent en banlieue, et le trajet est long. Arrivés à bon port, ils se quittent, déjà pressés de se retrouver le soir, après une longue journée harassante. Sur le chemin du retour, ils papotent de choses et d'autres, conviennent du menu, et à l'occasion effectuent une halte chez le boucher pour boucler les courses du dîner. Zahia est contente de retrouver son petit cocon. Le temps de se changer, de se débarbouiller, elle file vite à la cuisine, mettre en route sa popote. Elle n'a pas une minute à perdre, il est 19heures et ils doivent dîner dans une heure. Affairée dans sa cuisine, voilà qu'elle est interrompue par l'une de ses belles-sœurs, qui comme chaque soir vient lui rendre visite, disons plutôt l'épier et s'enquérir du menu. Zahia, en rogne, tente tant bien que mal d'afficher un large sourire et poursuit sa tâche. Notre hôte fait mine de n'avoir rien remarqué et ne décroche pas. Elle met son nez dans la marmite, en hume les senteurs et s'exclame : - Ça sent bon ! qu'est-ce que tu prépares ? Notre maîtresse de maison, furieuse, fait semblant de n'avoir rien entendu. Elle corrige son assaisonnement, ferme hermétiquement sa cocotte-minute, et s'attelle à préparer sa salade de laitue. Notre visiteuse prend une chaise, s'assoit et fait la conversation à sa belle-mère qui dresse la table. Les pupilles de notre intruse se dilatent quand Zahia éteint le feu, découvre le couvercle de l'ustensile et le dépose fumant sur la table. Une chtitha lham cuite à point. Et comme chaque soir, elle fait mine de partir, quand elle est retenue par sa belle-mère la priant de partager leur repas. Elle ne se fera pas prier et propose même d'inviter son époux et sa fille, sous les yeux ahuris de Zahia qui ne peut rien dire. «Farouk adore ta cuisine.» «Ça me fait une belle jambe», pense-t-elle. Et voilà toute la maisonnée réunie autour du festin. Nos invités, repus, sont pressés de quitter la table. Ils prennent congé en remerciant Zahia pour son succulent dîner. Et comme chaque soir, Zahia débarrassera la table, lavera la vaisselle avant de la ranger, et se mettra au lit la dernière.