[email protected] Zoulikha est sur des charbons ardents. Et pour cause, elle est conviée chez sa belle-sœur, la dernière à cohabiter avec la belle-mère. Une occasion pour Zoulikha de s'enquérir de l'ambiance qui règne dans la maisonnée qu'elle a quittée depuis presque dix ans. Après les accolades d'usage, elle déclare tout de go à son hôte : - Les choses ont bien changé depuis que tu es là. La peinture du couloir a donné plus de luminosité à l'appartement et les rideaux de la cuisine ont apporté une touche de gaîté à la pièce. C'est toi qui les a choisis» ? Saliha, ravie du compliment, lui répond : - Oui, ma belle-mère aussi les trouve jolis. Zoulikha, un sourire en coin, réplique : - Tiens, depuis quand la belle-mère jette des fleurs à ses belles-filles ! Nous avons habité ensemble près d'une décennie et jamais elle ne m'a fait un éloge. Tu me diras, tu es encore nouvelle mariée, ça s'explique. Elle poursuit son inspection et pénètre dans la salle à manger où Saliha a dressé une table de banquet. - Oh ! Elle t'a autorisée à utiliser le service en porcelaine, et l'argenterie. La totale, quoi. Dis-moi, que lui as-tu fait ? Sa vaisselle elle l'enfermait à double tour, et personne n'avait droit d'y toucher. Tu peux dire que tu as vraiment de la chance. - Depuis mon arrivée, elle a mis à ma disposition tout ce qu'il y a à la maison. Elle ne m'a pas fait sentir qu'elle était près de ses affaires. - Ne te réjouis pas trop vite, ce n'est pas pour être mauvaise langue, mais ne te fies pas à ses airs de sainte nitouche. Quand on habitait ensemble, elle m'en a fait voir des vertes et des pas mûres. Saliha, comme tombée des nues, n'en croit pas ses oreilles. - C'est bizarre, avec moi, elle semble gentille, et jusqu'à présent, elle ne m'a jamais fait de remarques incongrues. Zoulikha, non encore satisfaite de sa prestation, enfoncera encore le bouchon. - Ma pauvre petite, tu es vraiment naïve. Elle cache bien son jeu. Mais je ne dirai pas plus, je te laisse le soin de la découvrir. Voilà que notre belle-mère sort de sa chambre après son petit somme habituel et rejoint ses deux belles-filles. Ainsi, elle coupera court à leurs palabres, et salue son hôte. Cette dernière affiche un large sourire et enlace sa belle-mère. «Tu es resplendissante, tu as très bonne mine. Je vois que Saliha s'occupe bien de toi.» - Je n'ai pas à me plaindre et je remercie Dieu de m'avoir envoyé un cadeau du ciel. Le visage de Zoulikha vire au jaune, devant les yeux ahuris de Saliha. Celle-ci, confuse, s'éclipse dans la cuisine, prétextant apporter les dernières retouches à son repas. Zoulikha la suit. Elle n'en démord pas. Ce sera un prétexte pour lui chuchoter à l'oreille : - Tu sais, tu es comme une petite sœur pour moi. Reste vigilante. Je te parle en connaissance de cause. Elle laissera Saliha sur sa faim et retourne faire la conversation à sa chère belle-mère. Pendant ce temps, notre maîtresse de maison, toute remuée rumine les propos de sa belle-sœur.