Pari réussi. La salle Harcha, au centre d'Alger, était pleine à craquer, hier vendredi, à l'appel de la Coordination nationale pour le boycott. Immense moment d'engagement politique pour la disqualification du scrutin présidentiel, biaisé, ont estimé, tour à tour, les cinq chefs de partis et Ahmed Benbitour qui ont coordonné l'action. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) L'enchaînement d'avec le sit-in symbolique du 12 mars dernier au niveau du Maqam-Echahid, Ryad-El-Feth, était parfait. Le meeting à la salle Harcha a permis de mesurer le degré d'osmose entre les militants de différentes chapelles politiques que le mot d'ordre de boycott de l'élection présidentielle a réunis. Cinq chefs de partis et un ex-chef de gouvernement — qui s'était porté candidat à la candidature avant de se retirer —, se sont relayés à la tribune pour exécuter, chacun à sa manière et son style, sa harangue. L'exercice devait échoir en premier lieu au président de Jil Jadid, Soufiane Djilali, tirage au sort oblige. Lui aussi candidat à la candidature avant de se retirer, Soufiane Djilali, dans un discours concis, improvisé, s'est dit heureux de constater que des Algériens de différentes obédiences politiques se sont retrouvés ensemble pour dire non au scrutin présidentiel. «C'est là un démenti cinglant au pouvoir qui dit ou c'est moi ou c'est le désordre.» Soufiane Djilali fera également remarquer que le pouvoir en place est prêt à tout pour rester. Il en a voulu pour preuve, la présentation de la candidature de Bouteflika, un homme impotent, dont le plus long discours depuis 22 mois a été de 14 secondes chrono. «En 22 mois, Bouteflika n'a parlé que pendant 14 secondes. Notez bien ce qu'il a dit : "je suis venu me présenter à l'élection". Il n'a pensé qu'à lui, à sa personne.» Pour le président de Jil Jadid, ce que le pouvoir a engagé n'est pas un processus électoral mais un processus de coup d'Etat. Lui succédant à la tribune, le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Mohcine Belabbas, dira, en entame de son discours, fort applaudi, que «ici se trouve l'Algérie des exclus de la richesse nationale, des médias de la nation et des institutions de la République», ajoutant «ici se trouve l'Algérie qui souffre et qui se bat contre un système qui a ruiné, humilié et déstabilisé notre nation. Ce n'est pas la première fois que notre peuple se trouve soumis à un ordre politique au service d'une minorité méprisante, arbitraire, injuste et incapable d'évoluer». Pour le président du RCD, le changement se fera dans l'intelligence ou dans le chaos. Parlant du scrutin présidentiel, il dira que «c'est un piège et une insulte de plus». Selon lui, «c'est un piège , car l'administration est plus prête que jamais, aux bourrages des urnes, la justice est prête à rejeter toutes les contestations , le ministère de l'Intérieur est prêt à annoncer tous les résultats qu'on va lui demander et le Conseil constitutionnel est prêt à valider tous les abus qui sont déjà dénoncés par ceux-là mêmes qui, pour des raisons difficilement compréhensibles, acceptent de se rendre complices de ce piège». Le président du RCD devait aussi expliqué que la problématique ne se pose pas uniquement en termes de 4e mandat mais elle englobe tout le processus électoral en cours. Et, selon lui, le boycott n'est pas une finalité. «Oui, le changement doit être pacifique et ordonné. Le boycott massif est un préalable. Plus le système se retrouve seul, plus le scrutin sera illégitime et plus le futur mandat sera fragilisé pour céder devant les propositions des patriotes engagés pour une phase de transition.» Pour sa part, le secrétaire général d'Ennahda, Mohamed Douibi, dira que «le 4e mandat sonne la fin d'un processus qui a échoué. C'est le signe de l'échec. Le prochain président ne sera pas le président des Algériens mais le président d'un groupe de personnes qui ont volé et dilapider les richesses du pays». Lui succédant, le président du Front pour la justice et le développement (FJD), Abdallah Djaballah, a appelé les Algériens à boycotter l'élection présidentielle. «Il faut dire non aux élections parce qu'elles sont truquées. L'administration et la justice sont entre les mains du pouvoir.» Pour Djaballah, ce n'est pas un problème de 4e mandat mais c'est la crise du système dont il s'agit. Le président du MSP, Abderrazak Mokri a été, lui, très à l'aise dans sa harangue de la foule. «C'est une belle image de ce que devrait être l'Algérie, si ce n'était le système qui l'a prise en otage», dira-t-il, ajoutant que «le seul danger pour le pays, c'est le maintien du système». Pour Mokri, le meeting du jour se voulait un avertissement de ce que l'Algérie est en danger. «L'Algérie est gouvernée par une bande qui n'a aucune culture de l'Etat, une bande opposée à la volonté populaire et qui sème la fitna entre les enfants du peuple.» Le président du MSP a appelé les candidats alignés dans la course électorale à se retirer. C'est Ahmed Benbitour qui a clos les interventions en appelant, lui aussi, au boycott du scrutin. Notons que les familles des personnes disparues durant la décennie noire étaient venues au meeting. Des familles pour lesquelles Mokri a eu un mot compatissant.